Hypothèse alternative : l’accès lexical

Portant sur l’étude du rôle de la terminaison en français, plusieurs expériences ont apportées confirmation de l’implication des informations de genre lors de l’accès aux représentations lexicales sans toutefois en définir avec précision la localisation temporelle. Ainsi, Colé, Pynte & Andriamamonjy (2003) ont examiné le rôle des indices de genre portés par les terminaisons lors du processus de lecture. Via une tâche de décision lexicale, les auteurs ont dans un premier temps trouvés une interaction entre la valeur prédictive de la terminaison (PVE) et la fréquence d’occurrence du mot dans le lexique : pour les items de basse fréquence, les temps de décision lexicale étaient plus courts lorsque la fin du mot était un bon indice de genre plutôt que lorsque ça ne l’était pas (ce qui ne fut pas trouvé pour les mots de haute fréquence). Ce qui impliquerait que l’information de genre convoyée par la terminaison a un impact réel sur la vitesse d’accès au lexique. Une deuxième tâche de décision lexicale apportait quelques précisions supplémentaires : il existerait deux types de régularités orthographiques susceptibles d’influencer les temps de décision lexicale, la première permettant la prédiction du genre à partir de la terminaison et la seconde prédisant la dernière lettre du mot à partir du genre. C’est seulement grâce à un paradigme d’enregistrement du mouvement des yeux (Pynte, Kennedy & Murray, 1991 ; pour une revue voir Rayner, 1998) sur des mots amorcés par des articles définis accordés en genre (le et la), que les auteurs étaient arrivés à l’hypothèse finale selon laquelle, chez les locuteurs français lors du processus d’identification de mots, l’information de genre serait encodée dans le lexique mental à différents niveaux : à un stade pré-lexical, à un stade lexical et à niveau post-lexical

Dans une autre étude portant sur la fréquence d’occurrence, Taft et Meunier (1998), avaient eux aussi démontrés que la terminaison du nom avait une incidence sur la catégorisation en genre des items qui cette fois ci ne dépendait pas de l’effet de fréquence. Cette observation, associée au phénomène selon lequel les locuteurs éprouvent une plus grande difficulté à catégoriser les noms dont l’article ne porte aucune indication de genre (e.g. l’article défini élidé l’), avait amené les auteurs à poser le modèle de dual source : l’extraction de se baserait d’abord sur l’information lexicale que représente l’article, puis sur les indices orthographiques et phonologiques en provenance de la terminaison qui seraient employés dans le but de confirmer le genre préalablement activé.

Pour conclure, les évidences qu’en à l’existence d’un effet de genre lors de l’accès au lexique sont nombreuses et relativement fortes, puisque supportées par des études menées dans plusieurs langues et selon diverses procédures expérimentales. Toutefois, deux hypothèses principales quant à la temporalité de l’extraction et de l’influence des informations de genre ont été proposées pour interpréter cet effet. Selon le premier modèle, les informations de genre ne seraient disponibles qu’après la sélection lexicale. Alternativement, certains auteurs soutiennent que l’effet de genre aurait une origine pré-lexicale, et par là même pourrait intervenir lors de la pré-activation des candidats stockés dans le lexique mental. Le débat concernant le décours temporel du processus de traitement du genre grammatical reste donc entièrement ouvert.