Discussion

Cette expérience avait pour but principal de déterminer si l’effet de genre observé au cours de l’étude précédente indiquait la mise en place d’un processus de facilitation, d’inhibition ou des deux. Une facilitation dénoterait une extraction précoce de l’information de genre véhiculée par les articles, qui serait par la suite impliquée dans les processus d’accès au lexique. Un effet d’inhibition dans de telles conditions expérimentales, serait quant à lui l’image d’une extraction plus tardive et donc d’un non clivage du lexique lors des premières étapes du processus de compréhension des mots.

Les résultats soulignent tout d’abord que pour un temps de présentation de l’amorce équivalent à 47ms, l’effet d’amorçage et ce quel que soit le type de relation impliquée, ne se manifeste plus par rapport à l’expérience 1 qui utilisait un amorçage visible (SOA : 200ms). De par l’absence d’effet d’amorçage avec une courte SOA, il apparaît que le traitement des indices de genre n’a pas lieu lors des étapes les plus précoces du processus de reconnaissance des mots. Cette observation va être renforcée par la disparition des effets de relation et d’incongruence lors de la ségrégation des items par rapport à l’expérience 1. Ces données confirment donc l’hypothèse du rôle post-lexical du genre grammatical et donc sur la non ségrégation du lexique selon le genre dans le but le faciliter l'accès aux représentations lexicales.

Toutefois si l’on se penche sur les résultats obtenus après séparation du groupe de sujets en fonction de leur rapidité de réponse, alors nous pouvons dégager une observation majeure : si chez les sujets rapides, ni le type d’amorces utilisées, ni le type de relations établies (congruence Vs incongruence) ne semblent influencer la rapidité des latences, il n’en va pas de même pour les participants dits lents. Ces derniers effectuent la tâche de décision lexicale avec plus de rapidité en cas de congruence (moy. 664ms, 74 SD) plutôt qu’en cas d’incongruence (moy. 681ms ; 79 SD). Donc lorsque seuls les mécanismes automatiques et libres de toute influence stratégique sont observables, un effet de genre émerge chez les sujets ayant pris plus de temps pour répondre, donc pour intégrer l’information. Ceci signifierait que l’information de genre véhiculée par les articles définis en français serait intégrée à un stade précoce du traitement du mot mais ne servirait qu’ultérieurement, c'est-à-dire une fois le mot extrait du lexique pour une vérification de la congruence syntaxique par exemple. Cette hypothèse serait compatible avec les données obtenues par Colé et al (2003) selon lesquelles les indices de genre seraient intégrés à trois niveaux de traitement différents : à un stade pré-lexical (tel que les terminaisons), lexical (catégorie de genre) ou morphosyntaxique (vérification des règles d’accord, c'est-à-dire à un niveau post-lexical).

Dans le but de vérifier cette hypothèse, c'est-à-dire l’intervention possible de l’information de genre à plusieurs stades du traitement des mots, une troisième et dernière expérience a été montée. Elle est exposée dans la partie suivante.