Discussion

Le but de cette manipulation était de déterminer si le genre d’un item pouvait influencer la vitesse de réponse du mot suivant, lors d’une tâche de décision de genre. Les résultats produits font simplement mention d’une absence d’effet d’incongruence et de genre.

L’absence de différences entre les moyennes de latences lorsque les items composant les paires amorce-cible portaient le même genre et lorsque leur genre différait, couplé à l'emploi d'un paradigme d'amorçage masqué, indique que les caractéristiques de genre ne sont pas des informations pouvant influencer la commande de préparation motrice à la réponse. Une explication au fait que, contrairement à Bates et al (1996) ou à Dahan et al (2000) qui se sont focalisés sur l’effet d’incongruence et l’amorçage en genre, nous n’ayons pas trouvé d’effet réside peut être dans la constatation que leurs matériels se composaient d’adjectifs et d’articles en tant qu'amorces au lieu de noms. Or les liens s’établissant entre les déterminants ou les adjectifs et le nom associé sont administrés par des règles grammaticales strictes rendant possible la mise en place de structures phrasiques correctes et assurant la cohérence d’un ensemble syntaxique. Si vraiment, l’effet d’incongruence relève en partie de la mise en place d’un mécanisme de vérification de la congruence syntaxique, il est envisageable que ce dernier soit responsable de l’amplitude de leurs effets. D'un autre côté, il est important de préciser que dans notre set de stimuli, les composants des paires amorce-cible présentaient de faibles fréquences de co-occurrence dans la langue, contrairement à celles résultant de l'association article ou adjectif/nom. Selon les hypothèses posées par Dahan et al, le fait que le genre contraigne le set de candidats composant la cohorte initiale pouvait être imputé soit à la marque de genre portée par l'article, soit à sa fréquence d'association avec le mot cible. Puisque nous même nous n'avons pas répliqué l'effet alors que les cibles se trouvaient dans un contexte minimal marqué en genre présentant une fréquence de co-occurrence basse, il peut en être déduit que l'effet observé résultait de la contiguïté des mots et non des indices de genre eux même. Enfin, si ces auteurs se sont intéressés aux effets d’amorçage en genre du processeur lexical, nous avons axé notre étude sur l’amorçage de réponse, d’après une série d’expériences menées par Dehaene et Naccache (Dehaene & al, 1998 ; Naccache & Dehaene, 2001). Mais même en changeant de problématique nous avons obtenu un pattern de résultats différents de celui trouvé par ces auteurs. Deux explications peuvent alors être posées : (1) les informations de genre portées par l’amorce ne participent pas à la préparation de la réponse de la cible ; (2) ici aussi, l’effet est peut être de trop faible amplitude pour apparaître par une seule mesure des temps de réaction et des pourcentages d’erreurs. En effet, dans les précédentes expériences, l’amorçage sémantique était conduit sur des classes de nombres, et sur un set de chiffres relativement restreint (i.e. chiffre arabe de 1 à 9 hormis le 5). Il serait plus aisé d’effectuer une catégorisation lorsque le nombre de candidats est de plus faible amplitude, ce qui aurait pour conséquence d’augmenter la taille de l’effet.

Afin d’invalider une de ces deux hypothèses, il nous semble essentiel, de rediriger cette expérience mais en utilisant un autre protocole dont les mesures sont plus sensibles. En voulant étudier l’effet de fréquence des mots sur la décision lexicale, Hino et Lupker (1998) ainsi que Perea et al (2002, 2003) ont mis en évidence le fait que le système de réponse modulait la vitesse et la précision du traitement, et qu’il affectait aussi la magnitude des effets : en mode go-nogo les locuteurs effectuaient plus rapidement et avec moins d’erreurs la tâche de décision ; et de façon générale, l’effet de fréquence était plus important que sous le mode oui-non. Nous allons donc employer cette technique au cours de la prochaine expérience afin de déterminer si l’absence d’effet d’incongruence n’est pas due à une faiblesse du protocole exploité.