CONCLUSIONS

La question principale visée par cette étude concernait l’influence possible du genre grammatical lors de la reconnaissance des mots en français. Pour cela, nous avons testé si la caractéristique de genre véhiculée par un substantif en permettait, via une extraction précoce, un amorçage de réponse pour le mot suivant. L’hypothèse était que si l’accès aux informations de genre s’effectue très tôt au cours du processus, il est possible que ces dernières soient impliquées dans un mécanisme de définition de la main de réponse. Pour cela nous avons confronté nos sujets à deux tâches de décision de genre associées à un paradigme d’amorçage masqué. Lorsque la cible apparaît deux situations sont envisageables : (1) soit son genre est congruent avec celui de l’amorce, et donc le système de décision va enclencher l’acte moteur et la main de réponse prédéfinie ultérieurement va actionner directement le bon bouton ; (2) soit son genre ne correspond pas à celui de l’amorce, i.e. incongruence, et donc la réponse primairement amorcée doit d’abord être inhibée avant que la réponse ne puisse être donnée. Dans de telles conditions, nous nous attendions à trouver des temps de réaction plus courts dans la condition de congruence plutôt que d’incongruence. Les résultats issus des deux expériences citées plus haut, faisaient cependant état d’une absence d’effet d’incongruence, et ce quelque soit le mode de réponse utilisé (i.e. oui-non versus go-nogo). A première vue, les indices de genre ne sont pas utilisés pour amorcer la réponse. Dans un cadre de recherche plus global, cette conclusion rejoint celle obtenue via les trois tâches de décision lexicale, à savoir qu’un clivage du lexique mental en deux sous catégories, représentant chacune un genre déterminé, ne se produisait pas lors des étapes précoces du mécanisme de reconnaissance visuelle des mots.

D'un point de vue méthodologique, nous nous sommes penchés sur le rôle joué par le système de réponse employé, à savoir oui-non versus go-nogo. Les résultats des deux expériences, ainsi que leurs comparaisons montrent : des latences de décision plus faibles dans l'expérience 2 que dans l'expérience 1 corrélées à un taux d'erreurs plus bas ; une absence d’effet d’incongruence dans les deux tâches et l’apparition d’une tendance à l’effet de genre en mode go-nogo comparé à la tâche employant le système standard.

Il est possible de rapprocher ce pattern des études menées antérieurement : le système go-nogo serait plus sensible à certains effets, tel que celui de fréquence ou de genre, et plus rapide que le mode oui-non. Ce dernier fait intervenir une étape cognitive supplémentaire qui pourrait être responsable de biais expérimentaux comme de l’écrasement de certains effets, surtout si ceux-ci sont de faible amplitude. De par l’emploi du paradigme d’amorçage masqué, nous avons également redéfini la nature essentiellement automatique du système régissant la préparation motrice. Toutefois, il se pourrait qu’au moins une étape soit sous contrôle conscient et soit soumise aux effets stratégiques, de par l’obtention de pourcentages d’erreurs similaires dans les deux protocoles.

L’avantage du système go-nogo par rapport au système de double choix ne fait plus de doutes et ne semble pas dépendre de la tâche.

Si le mode de réponse n’est pas affecté par les informations contextuelles de genre, indiquant par là même une extraction relativement tardive de cette composante lors de l’accès au lexique, il est néanmoins possible de conclure, au vu des résultats quasi similaires dans les deux expériences que le système go-nogo reste une bonne alternative au mode de réponse à double choix pour les tâches de catégorisation en genre.

Au cours de la prochaine partie, nous allons procéder à une synthèse des différentes concluions rapportées lors des deux chapitres expérimentaux.