Université Lumière Lyon 2
Histoire de l’art et archéologie - CNRS UMR 5190
thÈse pour obtenir le grade de docteur de l’université
Discipline : histoire de l’art
14 mars 2005
Pierre Drevet (1663-1738), graveur du roi et ses élèves Pierre-Imbert Drevet (1697-1739), Claude Drevet (1697-1781)
Directeur de thèse : madame Marie-Félicie perez
jury
Mme Véronique Meyer, professeur Université de Poitiers
M. Christian Michel, professeur Université de Lausanne
Mme Marie-Félicie Perez, professeur émérite Université Lyon 2
M. Maxime PrÉaud, conservateur général du département des estampes de la Bibliothèque nationale de France

À François, Pierre-Gilles, Marianne,
dans le souvenir de Michel
À ma mère, à mon père, graveur sur bois

« La fidélité du dessin, disons-nous, est le premier objet où doivent tendre les efforts du graveur : cela est évident, puisque c’est par le dessin seulement que se retrace dans une estampe la beauté des corps, par le dessin seulement que le burin parvient à exprimer les affections morales dont l’imitation ne lui est pas interdite […] La perspective, l’accord des lumières et les plans sont à l’ensemble de l’ouvrage, ce que la vérité des contours et des raccourcis est à chaque figure et à chaque groupe… »
T.-B. Emeric-David, Discours historique sur la gravure en taille douce et sur la gravure en bois, Le Musée français, 1802, III, p. 52, 53.

« Bien que ce soit une illusion assez communément répandue, l’art n’est pas seulement une géométrie fantastique, ou plutôt une topologie plus complexe, il est lié au poids, à la densité, à la lumière, à la couleur ».
Henri Focillon , La Vie des Formes, 1934, p. 47.

Portrait de Pierre Drevet par Hyacinthe Rigaud
Cliché musée des Beaux-Arts de Lyon
Inventaire A-2865, huile sur toile, dimensions : H. 116,5 ; L. 89,5 cm

Illustration manquante

Résumé

Cette thèse se présente comme une monographie sur Pierre Drevet, graveur d’interprétation (Loire-sur-Rhône, 1663-Paris 1738) et sur deux de ses élèves, Pierre-Imbert Drevet (Paris, 1797-id., 1739) et Claude Drevet (Loire-sur-Rhône, 1697-Paris 1781). Elle se compose de trois volumes dont le premier est constitué de trois parties, d’une bibliographaie raisonnée et alphabétique et d’un index des noms propres. La première partie retrace les origines familiales de Pierre Drevet, ses années d’apprentissages à Lyon et à Paris. La seconde partie aborde le déroulement de sa carrière à Paris et celui de la carrière de Pierre-Imbert et de Claude Drevet en tentant de les insérer dans le contexte artistique et historique de la fin du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle. Une analyse de l’esthétique de l’œuvre de ces trois graveurs et des relations étroites existant entre peinture et gravure d’interprétation forment l’essentiel de la troisième partie ainsi qu’une étude sur leur fortune critique. L’influence de Pierre Drevet auprès des graveurs du XVIIIe siècle est-elle avérée ? La gravure de portrait au burin relève-t-elle de la simple copie ou reproduction ou encore traduction, ou bien s’inscrit-elle dans un processus d’interprétation qui nécessite l’affranchissement des habitudes et des idées reçues et qui requiert le génie de l’artiste ? Le second volume est consacré au catalogue raisonné des estampes de ces trois graveurs. Sont également mentionnées les gravures réalisées par différents élèves de Pierre Drevet, avec son aide, ainsi que les œuvres dont l’attribution aux Drevet est rejetée. Le troisième volume est celui des annexes constituées de documents d’archives, de textes illustrant les notices du catalogue et de dfférentes listes alpabétique et chronologiques de l’œuvre des Drevet ainsi que de reproductions d’œuvres pour comparaison.

Titre en anglais : Pierre Drevet 1663-1738) engraver of the King and his students Pierre-Imbert Drevet (1697-1739) and Claude Drevet (1697-1781)

Summary

This thesis presents itself as a monograph of Pierre Drevet, an interpretation engraver (Loire-sur-Rhône, 1663-Paris 1738) and of two of his students, Pierre-Imbert Drevet (Paris 1697-id. 1739) and Claude Drevet (Loire-sur-Rhône, 1697-Paris 1781). It consists of three volumes: the first one has three parts plus an alphabetical and descriptive bibliography and an index of proper nouns. The first part, recals Pierre Drevet’s family origins and his apprenticeship years in Lyon and Paris. The second part approches the development of his career in Paris as well as the ones of Pierre-Imbert and of Claude Drevet; its attempts to insert them into the artistic and historical context of the ending XVIIth century and of the XVIIIth century. An analysis of the esthetic of theses engraver’s works and the close relationships between painting and interpretation engraving makes the most of the third part together with a study of their “Fortune critique”. Is Pierre Drevet’s influence upon the XVIIIth century engravers an established fact? Is portrait engraving just copy or reproduction or even imitation or is it part of a process wich would imply a release from the habits and settled ideas and would require the artist’s genius? The second volume includes the descriptive catalogue of the three engraver’s works. Also mentioned are various Pierre Drevet’s students engravings achieved with his help and also engravings identified as not being Drevet’s. The third volume contains supplements: records documents, texts supporting catalogue items and various alphabetical and chronological Drevet’s works listings, it includes also engraving reproductions for potential comparison.

Mots-clé : Gravure – burin – interprétation – estampes – portraits – coloris – histoire – Rigaud – Louis XIV – Louis XV

remerciements

Je voudrais manifester ma reconnaissance en remerciant sincèrement et particulièrement le directeur de thèse qui a accepté la direction de ce travail et les membres de mon jury :

Je remercie également vivement

avant-propos

J’ai acquis une large vision sur les graveurs des XVIIe et XVIIIe siècles, d’une part et sur les différents modes de graver, d’autre part, grâce à un travail de recherches universitaires sur l’importante collection d’estampes rassemblées par l’architecte Lyonnais Jean-Antoine Morand (1727-1794), collection conservée aux Archives Municipales de Lyon. Au cours de recherches concernant l’éditeur et marchand d’estampes Pierre Drevet, mon attention a été attirée par l’exemplarité de ses œuvres gravées. J’avais en main les estampes d’un artiste dont le burin était aussi incisif que nuancé, dont la main était très sûre et dont le sens aigu du dessin était évident.

Mon directeur de thèse, madame Marie-Félicie Pérez, ayant accepté que j’entreprenne l’étude de l’œuvre de Pierre Drevet, il apparaissait clairement que je devais aussi étudier l’œuvre de Pierre-Imbert, son fils, et de Claude, son neveu, en raison des imbrications reliant la vie et l’œuvre de ces trois graveurs.

L’origine de cette famille de graveurs étant lyonnaise, l’étude trouvait logiquement sa place au sein des travaux sur la gravure des XVIIe et XVIIIe siècles, initiés par madame Marie-Félicie Perez et réalisés par l’équipe de recherche d’Histoire de l’Art (UMR 5190 du CNRS-Université Lyon 2), qu’elle a dirigé pendant de nombreuses années.

Je consacrais ainsi mon DEA (soutenu en 1998) à réaliser l’état de la question sur les Drevet et leur œuvre. Il apparaissait tout d’abord que les études les concernant étaient fort anciennes et que nombre de pistes n’avaient pas été explorées. D’autres raisons ont été également à l’origine de cette thèse.

Le catalogue raisonné d’Ambroise Firmin-Didot sur l’œuvre des Drevet, édité en 1876, premier catalogue raisonné, important et accompli sur le travail de ces graveurs, se révélait aujourd’hui incomplet. Le catalogue de Charles Le Blanc en 1856, demeurait un inventaire notable mais comportant peu d’annotations et quelques erreurs. Les contacts pris, tant en France qu’en Europe et aux États-Unis, avec les musées et les bibliothèques faisaient apparaître la richesse des fonds en œuvres gravées des Drevet. Plus proche, l’Inventaire du Fonds Français du département des Estampes de la Bibliothèque nationale de France révélait un fonds Drevet considérable permettant d’étoffer et d’approfondir les connaissances acquises sur ces trois graveurs au cours des XVIIIe, XIXe et XXe siècles.

Les registres paroissiaux conservés aux Archives municipales de Loire-sur-Rhône, n’avaient pas été totalement exploités et l’exploration des Archives départementales du Rhône ainsi que celle des Archives nationales était probablement incomplète. Il restait encore bien des recherches à entreprendre tant sur l’œuvre lui-même que sur les sources manuscrites et imprimées.

En 1861, Georges Duplessis, dans son Histoire de la gravure en France, rendait hommage à la science des Drevet mais ne semblait pas leur donner pour autant la place qu’ils méritaient dans le monde de la gravure, comme il le faisait pour Robert Nanteuil et Gérard Edelinck. De plus, il situait, particulièrement le travail de Pierre Drevet, exclusivement par rapport à l’interprétation de l’œuvre des peintres Hyacinthe Rigaud et Nicolas de Largillierre —d’où est tirée en effet une grande partie de ses chefs-d’œuvre ― mais l’auteur omettait non seulement le reste de sa production mais la portée de son influence sur le portrait gravé au XVIIIe siècle.

Qu’en était-il aujourd’hui du sort réservé à l’œuvre des Drevet ? Il semblait que les auteurs de monographies de peintres appréciaient les gravures des Drevet en tant que reproductions de l’œuvre peint ― imputant fréquemment au peintre le rendu de leurs gravures ― mais que seuls les spécialistes de la gravure au burin leur reconnaissaient des qualités artistiques. D’autre part, l’époque qui nous est contemporaine préférait, émanant des siècles passés, les gravures de reproduction à l’eau-forte rehaussées éventuellement au burin, plutôt qu’un burin pur : il est vrai que l’eau-forte offre au regard des noirs profonds et des teintes satinées, autrement plus séduisants que le rendu métallique d’un burin.

Or, les quelques portraits des Drevet que je connaissais, loin d’être métalliques, m’étaient apparus d’un burin peu ordinaire, alliant une infinité de tailles, remarquables par leur diversité, à un rendu velouté. L’œuvre de Pierre Drevet et de ses deux élèves Pierre-Imbert et Claude Drevet méritait, en fait, plus d’attention et de considération.

En complément de l’étude de Firmin-Didot et des inventaires ou des catalogues déjà réalisés, l’étude de l’œuvre des Drevet dont les portraits sont historiés et les sujets religieux dédicacés, devait se prolonger par une recherche historique, sociologique, non dépourvue d’intérêt et propice à une datation plus précise des estampes. En outre, la gravure de portrait, largement diffusée à l’époque qui nous intéresse, réfléchissait l’image d’une société et illustrait sa hiérarchie bien autant que les textes ne le révélaient.

Il apparaissait dès lors nécessaire de se pencher non seulement sur l’œuvre de ces graveurs et l’histoire qui y était attachée, mais encore sur leur statut social, dans  le microcosme de la gravure et de l’édition. Les recherches engagées dans ce sens par Maxime Préaud, Véronique Meyer, Christian Michel, Marianne Grivel, Corinne Le Bitouzé, W. McAllister-Johnson… proposaient des réponses à mes interrogations.

L’étude des sources offrait, de surcroît, d’entrevoir la vie de ces artistes, principalement celle de Pierre Drevet le père qui, indépendamment des chefs-d’œuvre qu’il laissait, avait parallèlement mené à bien la formation d’excellents graveurs et la direction d’un atelier d’édition important, autant de voies de recherches à emprunter qui légitimaient cette étude.