La tradition locale veut que les Drevet, maîtres-tuiliers pendant l’hiver et la saison des pluies, agriculteurs pendant la bonne saison, aient écoulé leurs marchandises à Lyon et dans la région lyonnaise, en l’occurrence des produits issus de l’agriculture, fruits, légumes, blé et des marrons réputés 128 ainsi que des tuiles dont la fabrication à Loire remonte à l’occupation romaine 129 . A la fin du XIXe siècle encore, le savoir-faire des tuileries de Loire était très apprécié 130 . Les Drevet auraient également été les fournisseurs de l’Archevêché mais les recherches effectuées aux Archives Départementales du Rhône, dans les répertoires de l’Archevêché, ont été infructueuses.
Le père de Pierre est qualifié dans son testament, dans son acte de décès, dans les contrats de mariage de ses enfants, et dans différentes quittances, d’« honneste Estienne Drevet » 131 , de « marchand de la paroisse de Loyre» 132 et, le plus souvent, de « marchand tuilier » 133 . Il faut donc considérer que son occupation principale est bien celle de marchand-tuilier, à laquelle l’exploitation agricole apporte un complément. À l’époque, le marchand est indépendant et appartient à la catégorie sociale des patrons 134 .
Au regard des différents testaments, la famille Drevet, propriétaire, apparaît relativement aisée, jouissant de la considération de la communauté villageoise 135 . Cette aisance et cette notoriété permettent à Étienne Drevet de donner à sa fille Jehanne, née le 9 novembre 1653, un parrain dont le renom ne fait aucun doute, en la personne de Maître Burlat, notaire royal à Givors 136 ; sa fille Antoinette aura pour parrain en 1656, le curé de la paroisse, M. Reyssonnier et son fils Claude, le Vicaire Claude Eyraud en 1661. De plus, les enfants s’étant mariés tardivement et, dans tous les cas, après la mort de leur père, en particulier les trois frères de Pierre, la main d’œuvre familiale est suffisamment abondante pour faire prospérer la tuilerie, gérer la vente de la production et pour l’exploitation agricole.
À la lecture des registres paroissiaux et des testaments, l’image sociale et professionnelle de Loire se dessine ; c’est celle d’un village, gros bourg regroupé en paroisse, avec ses laboureurs 137 et ses artisans tuiliers 138 , ses potiers 139 , forgerons, maîtres charpentiers 140 , tonneliers 141 , avec ses voituriers par eau 142 et ses marchands 143 , avec un maître apothicaire, un maître d’école 144 et un maître chirurgien 145 , avec un Syndic 146 et un curé ou parfois un vicaire en provenance d’une abbaye 147 . À quelques exceptions près, les hommes savent généralement écrire leurs noms, les femmes, très rarement. Le cas de Loire s’inscrit globalement dans les études réalisées sur l’histoire sociale des villages français 148 ainsi que dans les conclusions apportées à la condition des filles de la région lyonnaise dont l’alphabétisation à la fin du XVIIe siècle présente un grand retard sur celle des garçons 149 .
Les tuiliers et les agriculteurs de Loire écoulaient leurs produits principalement à Lyon, métropole régionale à la démographie rapide, à cette époque, et grande consommatrice de matériaux de construction, dont les tuiles, et de denrées alimentaires 150 . Des trains de bateaux, tirés par des chevaux, transportaient ces marchandises jusqu’à la ville. Un droit était payé à l’entrée de Lyon pour chaque bateau après la déclaration des denrées 151 . Lorsque les produits étaient acheminés par terre, un péage établi à Givors depuis l’occupation gallo-romaine 152 , retenait les charrois. À l’époque des Drevet, les profits de ce péage allaient aux comtes de Lyon 153 .
Avant l’installation de Pierre à Paris, les déplacements de la famille avaient pour destination Lyon et ses environs. Antérieurement à 1708, année de l’établissement des coches d’eau, le voyage de Paris se faisait par carrosse pour les gens aisés ou par diligence pour les autres. Après cette date, un coche d’eau partait de Lyon tous les deux jours jusqu’à Chalon-sur-Saône. Ce mode de transport offrait une meilleure sécurité. Une diligence conduisait immédiatement les voyageurs à Dijon où les uns choisissaient de gagner Paris par Auxerre, les autres par la Champagne. Il fallait compter neuf jours en été et onze jours en hiver pour ce voyage. Il en était de même pour le retour 154 .
Lorsque Pierre s’est installé à Paris, il ne semble pas avoir effectué souvent ce voyage : sa présence à Loire n’est attestée qu’une seule fois par sa signature à l’acte de mariage de son frère Antoine en 1684 155 . Il ne subsiste non plus aucune trace d’éventuels séjours à Loire de Claude et de Pierre-Imbert, bien que des anecdotes concernant celui-ci aient été transmises par écrit et oralement de génération en génération jusqu’à nos jours et qui seront évoquées plus loin.
En 1761, l’abbé Étienne Drevet, neveu de Pierre et frère de Claude Drevet, remercie son frère Floris II, pour l’envoi de marrons, culture qui perdurait encore à cette époque. La lettre est citée, sans références, par madame Perroud-Christophle 1985, p. 145.
Pelletier 1980, pp. 101-103.
Rolland 1890, p. 186-193.
A. D. R., 3 E 2263, f ° 143, Burlat not. Givors, voir annexes, vol. III, p. 8, 1666.
A. D. R., 3 E 2263, f ° 144, Burlat not. Givors, 17.10.1666, ibid.
A. M., Loire-sur-Rhône, registres paroissiaux, 1675, f ° 11, voir annexes, vol. III, p. 8, 1675.
Maret 1991, p. 28.
Table cadastrale de Loire-sur-Rhône, relevée en 1809. Matrices des propriétés bâties : Drevet (Étienne), Sect. A, n° 42/239, maison, revenu 24.
A. M., Loire-sur-Rhône, registres paroissiaux, f ° 70/71, voir annexes, vol. III, p. 7, 1653.
A. M., Loire-sur-Rhône, registres paroissiaux, 1679, f ° 80.
A. M., Loire-sur-Rhône, registres paroissiaux, 1692, f ° 271.
A. M., Loire-sur-Rhône, registres paroissiaux, 1712, f ° 168.
A. M., Loire-sur-Rhône, registres paroissiaux, 1679, f ° 80.
A. M., Loire-sur-Rhône, registres paroissiaux, 1675, f ° 11.
A. M., Loire-sur-Rhône, registres paroissiaux, 1742, f ° 18.
A. M., Loire-sur-Rhône, registres paroissiaux, 1692, f ° 257.
A. M., Loire-sur-Rhône, registres paroissiaux, 1671, f ° 239.
A. M., Loire-sur-Rhône, registres paroissiaux, 1671, 25. 03, f ° 215.
A. M., Loire-sur-Rhône, registres paroissiaux, 1703, f ° 41.
A. M., Loire-sur-Rhône, registres paroissiaux, 1656, f ° 194.
Gutton, 1998.
Bayard 1997,pp. 275-278.
Bayard 1997, pp. 212-221.
Vingtrinier 1983, pp. 343-348.
C. R. D. P. LYON, 1979, p. 14.
A. D. R., 8 C, 301.
Voir Valentin-Smith 1851-1852.
A. M., Loire-sur-Rhône, registres paroissiaux, f° 139, voir annexes, vol. III, p. 10, 1684,