II. l’apprentissage de pierre drevet À lyon (1675-1682/83)

1. Le départ de Loire

Lévesque pense que Pierre Drevet aurait été mis en relation avec l’atelier de Germain Audran, graveur à Lyon, pour un premier apprentissage 159 . Ce fait est confirmé par Pariset qui va plus loin en invoquant un lien de parenté entre les Drevet et la famille Audran 160 . Actuellement deux documents d’archives pourraient conforter cette dernière hypothèse, mais ils sont plus tardifs. Il s’agit de l’acte de baptême de Simon Drevet, frère de Claude Drevet et neveu de Pierre, en date du 9 septembre 1706 161 sur lequel on relève les noms de Simon Bailly libraire à Lyon, et de Marguerite Audran “aussy de Lyon” parrain et marraine de l’enfant. Le libraire lyonnais, Simon Bailly est probablement apparenté à Antoinette Bailly, l’épouse de Floris Drevet, père de Claude 162 et Marguerite Audran n’est autre que la fille aînée de Germain Audran 163 . Cette parenté a nécessairement consolidé les liens entre la famille Drevet, la famille Audran et le monde de la librairie lyonnaise, mais elle n’a pas été à l’origine du placement de Pierre chez Germain Audran en 1675 car elle apparaît trop tardivement dans le cours de sa vie. Cet apprentissage chez Germain Audran à Lyon est également évoqué par Natalis Rondot qui ne cite pas ses sources 164 .

Il est vraisemblable que peu après le décès de son père en 1675, Pierre, le benjamin de la famille, alors âgé de douze ans, a été adressé à Germain Audran (1656-1710) à Lyon pour y apprendre la gravure. Comme je l’ai dit plus haut, les Drevet entretenaient des relations avec des clients de Lyon, dont probablement des entrepreneurs en bâtiment auprès de qui ils écoulaient leurs tuiles et des gens aisés à qui ils fournissaient légumes et fruits ; la famille jouissait donc d’un réseau de connaissances lyonnaises. D’autre part, il n’est pas impossible que le jeune Pierre ait été recommandé à Germain Audran par l’intermédiaire du maître d’école Louis Rigaud ou des libraires-imprimeurs Rigaud.

Le contrat de mariage d’Antoine, frère aîné de Pierre, avec Jeanne Rolland en date du 8 janvier 1684 165 , stipule que sur la légitime 166 de Pierre, le futur époux est autorisé à retenir la somme de quatre-vingts livres « qu’il a payé » pour le prix de son apprentissage et entretien. Catherine Charnoud, mère de Pierre, rappelle cette clause dans son testament du 25 août 1685 167 . Le prix a donc été payé antérieurement à 1684, et correspond à l’apprentissage d’un adolescent à Lyon qu’il faut soigner, nourrir et à qui le cuivre est fourni, mais dont le travail est cependant avantageux pour son patron.

Malgré les recherches entreprises et contrairement aux assertions de madame Perroud-Christophle sur l’existence d’un contrat d’apprentissage entre Antoine Drevet, tuteur de Pierre, et Germain Audran 168 , aucun document n’a été retrouvé. Nous devons donc nous en remettre aux sources imprimées 169 rapportant que Pierre a été mis en apprentissage à Lyon, chez Germain Audran 170 , pour, logiquement, imputer le prix de cet apprentissage à celui accompli à Lyon entre les années 1675-1676 et 1682-1683 chez Germain Audran. Son départ de Lyon pour Paris se situerait entre ces deux dernières dates ainsi qu’il en sera débattu plus loin.

Marianne Grivel 171 et Corinne Le Bitouzé 172 donnent des indications sur les contrats de travail ou d’élèves aux XVIIe et XVIIIe siècles. Ceux-ci n’étaient passés devant notaire que rarement. Dans la majorité des cas, l’apprentissage faisait l’objet d’une simple entente entre la personne ayant la charge du jeune garçon et le maître-graveur. L’apprenti graveur commençait à travailler plus précocement que l’apprenti peintre 173 , ce qui corrobore l’idée du placement en apprentissage de Pierre Drevet à 12 ans, dès après la mort de son père. Cette dernière hypothèse n’est fondée que sur le fait constaté plus haut, l’entrée en apprentissage, alors qu’ils étaient encore enfants, des apprentis graveurs.

D’autre part, contrairement aux allégations de la tradition, aucun élément ne permet d’affirmer que Pierre ait fréquenté pendant un certain un temps le collège des Jésuites de Lyon, parallèlement à sa formation chez Germain Audran. Ce qui est incontestable, c’est que sa signature est bien formée et aisée dès 1684, signature que l’on peut voir sur le pouvoir qu’il signe à l’occasion du contrat de mariage de son frère Antoine le 8 janvier 1684 174 et sur l’acte de mariage religieux de celui-ci le 1er février suivant 175 .

Notes
159.

Watelet et Lévesque, 1792, pp. 588-589.

160.

Pariset 1873, p. 200.

161.

A. M., Loire-sur-Rhône, registres paroissiaux, f° 89, voir annexes, vol. III, p. 16, 1706.

162.

A. M., Loire-sur-Rhône, registres paroissiaux, 1692, f° 257.

163.

Janand 1997, III p. 2.

164.

Natalis-Rondot 1846, pp. 108-109.

165.

A. D. R., Burlat not. à Givors, 3 E 2280, f ° 8-10, voir annexes, vol. III, p. 9, 1684.

166.

Institution destinée à protéger les héritiers légitimes en leur assurant une portion du patrimoine.

167.

A. D. R., Burlat not. à Givors, 3 E 2281, f° 87-88. voir annexes, vol. III, p. 10, 1685,

168.

Perroud-Christophle 1985, p. 2.

169.

Pernety 1757, pp. 143-146.

170.

Watelet, Levesque, 1792, pp. 588-589.

171.

Grivel 1986, p. 17, 18.

172.

Le Bitouzé 1986, section I.

173.

Le Bitouzé 1986, section I.

174.

A. D. R., 3 E 2280, Burlat not. à Givors, feuillet joint au contrat de mariage.

175.

A. M., Loire-sur-Rhône, registres paroissiaux, 1684, f° 139.