Pierre aurait-il rencontré Hyacinthe Rigaud à Lyon ? Nous savons que Rigaud a quitté Montpellier vers 1677 pour Lyon où « ses talens ne commencèrent à éclore que dans [cette ville] où il fut occupé pendant quelque temps » 195 . Le peintre se serait installé à Paris en 1681 à l’âge de vingt-deux ans. En dehors du témoignage de Dezallier d’Argenville, nous n’avons trouvé aucune source relatant le passage du peintre à Lyon ou évoquant ses hôtes et son lieu de résidence. L’abbé Pernety indique qu’un certain Claude Rigaud vit à Lyon à cette époque, qu’il est associé et beau-frère de Jean Anisson libraire-imprimeur à Lyon et qu’il occupera en 1702 la haute fonction de Directeur de l’imprimerie royale à Paris à la suite de son beau-frère Jean Anisson et jusqu’à sa mort en 1721 196 . Peut-on envisager que Claude Rigaud, dont les relations avec le monde de la gravure ne font aucun doute, ait été parent de Hyacinthe Rigaud et qu’il ait pu recevoir le peintre pendant son séjour à Lyon ?
Rigaud aurait ainsi fait connaissance de Pierre pendant les quatre années où il a travaillé à Lyon. Cette hypothèse est vraisemblable mais aucun élément de preuve n’est à verser à son crédit. De même, peut-on envisager que Drevet et Rigaud se soient rencontrés dans cette ville entre 1677 et 1681 et que leur amitié soit née au sein de la communauté artistique lyonnaise qui, sans être une école académique, gravitait autour de Thomas Blanchet et d’un cours de dessin dont le professeur était Germain Audran ? Bien que ces hypothèses soient fragiles, elles semblent cependant légitimes pour trois raisons.
Les deux premières concernent l’arrivée à Lyon de Hyacinthe Rigaud : d’une part, comment concevoir que le jeune peintre arrive à Lyon sans les recommandations auprès d’un maître lyonnais de l’un de ses premiers maîtres, que ce soit Paul Pezet (en activité à Montpellier au XVIIesiècle 197 ) ou Antoine Ranc (Montpellier 1634-1716) ? On sait qu’il a été chez Antoine Ranc le condisciple d’Henri Verdier (Montpellier 1655-Lyon 1721), de quatre ans son aîné ― qui a peint, lui aussi, un certain nombre de portraits ― et qu’il sont arrivés tous les deux à Lyon en 1677 198 . Quel est donc le maître lyonnais qui les a accueillis ?
D’autre part, comment Rigaud aurait-il reçu des commandes, si modestes soient-elles, sans l’accueil et l’appui d’autres artistes lyonnais ? On peut voir dans son livre de comptes, un certain nombre de portraits de notables d’origine lyonnaise ou en poste à Lyon qui, bien qu’ils aient été réalisés par la suite, prouvent que Rigaud s’était fait un nom à Lyon. Le jeune peintre a donc été accueilli dans cette communauté artistique lyonnaise. On sait aussi qu’il était lié à Lyon avecle graveur Hubert Viennot (mort en 1704) et avec les Audran 199 dont certainement Germain qui était l’ami de Viennot 200 . D’autre part, le frère d’Hubert Viennot, Charles Viennot, travaillera plus tard pour Rigaud. On le trouve en 1705 à Paris, rédigeant son testament au profit de son frère, dans une chambre située au quatrième étage de la maison de Rigaud, rue Neuve des Petits Champs 201 , ce qui peut confirmer l’existence de solides relations acquises par Rigaud à Lyon, non seulement avec le milieu des peintres, mais encore avec celui des graveurs.
La troisième raison concerne les relations de Rigaud et de Drevet à Paris : comment expliquer que les deux artistes se soient retrouvés aussi facilement, alors que Pierre était chez Girard Audran, si ce n’est par la connaissance que Hyacinthe Rigaud avait faite antérieurement de la famille Audran et de Pierre Drevet à Lyon ? La thèse de madame Ariane James, non encore soutenue, apportera peut-être des éclaircissements concernant le travail de Hyacinthe Rigaud à Lyon 202 . Cependant, d’ores et déjà, il est vraisemblable que Pierre Drevet et Hyacinthe Rigaud s’étaient déjà liés d’amitié à Lyon. S’il fallait un argument supplémentaire, on pourrait renvoyer à la dédicace de Pierre sur le portrait gravé de Hyacinthe Rigaud à la palette (cat. P. Dr. n° 117), d’après lui-même, dédicace dans laquelle le graveur se dit de Lyon Petrus Drevet Lugdunensis Calcographus Regius, alors qu’il est à l’apogée de son talent à Paris. Ne serait-ce pas un rappel du lieu de leurs premières rencontres et de l’origine de leur amitié ?
Dezallier d’Argenville,II, pp. 405-415.
Pernety 1757, I, p. 82.
Thieme et Becker 1932, XXVI, p. 516.
On trouve la relation à cette arrivée à Lyon en 1677 dans différents ouvrages qui sont : Biographie montpelliéraine. Peintres, sculpteurs et architectes, 1877 par L. de la Roque ; Les peintres de Lyon, 1888, par Natalis Rondot, ; Les Nouvelles archives de l’art français, 3e série, I, 1885 ; Thieme et Becker 1932, XXXIV, p. 234.
Audin et Vial 1919, II, p. 171.
Le lendemain de la mort d’Hubert Viennot le 24 février 1704, Germain Audran signe sur le registre
des décès de la paroisse Sainte-Croix à Lyon. Voir Natalis Rondot 1896, p. 93.
A. N., m. c., ET/VII/175. Transcription de Rambaud, 1971, II, p. 398.
James 1995, thèse en cours à Paris.