Le désir de Pierre Drevet de progresser dans sa discipline, et peut-être de rejoindre l’un des enfants de Germain Audran, Benoît Ier (1661-1721) en apprentissage depuis 1678 203 chez Girard Audran, graveur du roi à Paris et frère de Germain ― son frère Jean (1667-1756) n’étant arrivé qu’en 1685 204 ― l'engagent à quitter Lyon dans les années 1682-1683. On constate, en effet, l’absence de la signature de Pierre au contrat de mariage de son frère aîné Antoine, le 8 janvier 1684 205 . De plus, dans les additifs à ce contrat, on peut lire un pouvoir signé de Pierre Drevet qualifié de « graveur 206 », donné à Maître Vincent, notaire à Mornand. Ce pouvoir indique que Pierre étant éloigné de Loire à cette date est, vraisemblablement, à Paris. En revanche, il est présent au mariage religieux de ce même frère, le 1er février 1684, puisque son nom est inscrit sur la liste des témoins et que sa signature figure au bas de l’acte de mariage 207 . Il est dans sa vingt-et-unième année.
Pierre rejoint l’atelier de Girard Audran, rue Saint-Jacques, recommandé sans aucun doute par Germain. Là encore, aucun contrat d’apprentissage n’est signé : Pierre est probablement reçu comme un ami de la famille. En dehors des deux fils de Germain Audran, il rencontrera d’autres élèves de Girard : Nicolas Dorigny (1658-1746) ― son frère Louis (1654-1752) étant déjà à Rome ― Gaspard Duchange (1662-1757) et Claude Duflos (1665-1727) 208 . Pierre travaille dans l’atelier d’Audran jusqu’en 1692. C’est là qu’il se perfectionne, probablement sur des préparations à l’eau-forte, au maniement précis d’un burin modelant les chairs, mettant en forme les drapés. C’est aussi chez Girard Audran, qu’il peut approfondir l’étude de l’anatomie d’après le recueil de son maître, les Proportions du corps humain, dont la première édition paraît dès 1683 209 . La suite de la carrière de Pierre confirme que l’anatomie du corps humain n’a aucun secret pour lui et qu’il sait la rendre avec encore plus de précision et de finesse que son maître.
Ni les archives, ni le catalogue des « Planches exécutées en collaboration par Girard Audran 210 », ne font état d’une collaboration entre Audran et Pierre Drevet. Cependant l’analyse stylistique des œuvres et principalement la chronologie, permettent de penser que Girard Audran a du confier à cet élève doué, vraisemblablement dès son arrivée, soit des ébauches à l’eau-forte, soit des finitions au burin.
En outre, il est certain que le travail de Pierre était bien rétribué chez Girard Audran. En 1688, le jeune graveur, âgé de vingt-cinq ans, avait économisé suffisamment d’argent en cinq ans, pour placer une somme importante sur les « Aydes et Gabelles » dont la rente annuelle s’élevait à cent livres 211 . Il est vrai que Pierre venait de terminer le Portrait de Pierre-Vincent Bertin pour lequel il avait été probablement bien payé, mais le prix de ce portrait ne pouvait constituer à lui seul une somme suffisante pour cette rente. On est en droit de penser que Pierre était très sollicité chez Girard Audran avant l’édition de son premier portrait, mais en l’état actuel des connaissances on est dans l’incapacité d’établir une liste d’estampes présentant les marques de sa participation au travail de Girard Audran.
Girard Audran a réalisé, en tout et pour tout, six portraits dont quatre pendant sa période romaine et les deux autres avant les années 1680 212 . Ces portraits ne sont non seulement pas représentatifs du génie de Girard Audran, mais leur rendu est celui d’un burin métallique pour les quatre premiers, approximatif et confus pour les deux autres qui sont les portraits de Pierre Seguier 213 et de Guillaume de Limoges 214 , réalisés à l’eau-forte retouchée au burin. Ces deux derniers portraits ne répondent pas au caractère spécifique du portrait gravé de l’époque. Ils n’ont donc certainement pas été une source d’inspiration pour Pierre qui en avait appris davantage chez Germain Audran en ce qui concerne cet art. On peut ainsi affirmer que ce n’est pas l’œuvre de Girard Audran ― initiateur de l’eau-forte retouchée au burin ― qui donne à Pierre le désir de se consacrer au portrait et au burin pur.
En revanche, ce que Girard Audran lui transmet et qui sera inestimable pour ses recherches, pour sa progression et finalement pour sa carrière, c’est l’esprit de liberté dans le rendu, liberté outrepassant les contraintes de la technique mise en œuvre à cette époque. Girard Audran donne donc à Pierre Drevet― dont le tempérament et le penchant s’accordaient probablement aux siens ― dans une technique dissemblable, le goût pour une gravure libre offrant un espace au génie et à la création.
Janand 1997, I, p. 67.
Janand 1997, I, p. 68.
A. D. R., 3E 2280 f° 8-10, Burlat not. à Givors, voir annexes, vol. III, p. 9, 1684.
A. D. R., 3 E 2280, 1684 , additif aux f° 8 à 10, Burlat not. à Givors.
A. M., Loire-sur-Rhône, registres paroissiaux, f ° 139, voir annexes, vol. III, p. 10, 1684.
Janand 1997, I p. 65, 66.
Janand 1997, II pp. 225-252.
Janand 1997, II pp. 298-308.
Ms. fr. 27514, Pièces originales 1030, voir annexes, vol. III, p. 14, 1702 ; p. 16, 1709-1710.
Janand 1997, II, nos 28-31, 49, 66.
BNF, Est., Ed 66b, rés., fol., Œuvre de Girard Audran.
BNF, Est., Ed 66b, rés., fol., Œuvre de Girard Audran.