2. Les premières gravures de Pierre Drevet éditées chez Girard Audran

La carrière de Pierre Drevet commence, sans conteste, chez Girard Audran dès 1688 avec la gravure du portrait, cité plus haut, de Pierre-Vincent Bertin, trésorier général du Sceau (cat. P. Dr., n° 54), d’après Hyacinthe Rigaud. Il y a cinq ans que Pierre travaille chez Girard Audran. Il a acquis toute la sûreté de burin nécessaire et propre à la réalisation d’un portrait. Si le maître décide d’éditer le travail de son élève sous la signature de celui-ci, c’est qu’il a reconnu en lui un véritable talent. D’autre part, Rigaud commence à se faire un nom parmi les bourgeois de Paris et ce portrait, agrémenté des drapés du rideau et du manteau, présente une certaine originalité par rapport aux portraits plus austères présentés en ovale ou en frontispice ou encore en tête des thèses. Audran ne prend donc aucun risque en éditant ce portrait. Bien au contraire, encouragé par le succès de ce travail, il réalise les tirages entre 1689 et 1691 de cinq autres portraits gravés par Drevet, dont quatre d’après Hyacinthe Rigaud : Madame Desjardins, épouse du sculpteur du roi Martin Desjardins (cat. P. Dr., n° 104), et Madame Keller, épouse de Jean-Jacques Keller, fondeur du roi (cat. P. Dr., n° 109) en 1689, Maximilien Titon, secrétaire du roi et de ses finances, directeur de la manufacture royale d’armement (cat. P. Dr., n° 64) en 1690, le Duc de Lesdiguières, dernier représentant de l’illustre famille des Bonne de Créqui (cat. P. Dr., n° 47) en 1691. La nouveauté apportée par cette étude consiste à faire observer qu’un sixième portrait a été tiré par Girard Audran : il s’agit du premier état du portrait de Louis XIV (cat. P. Dr., n° 18), d’après Charles-François Poerson.

Si la technique est déjà excellente pour le portrait de Pierre-Vincent Bertin, on la trouve nettement améliorée en 1689 dans les portraits de Madame Desjardins et de Madame Keller par des tailles plus assurées et plus adaptées au sens du dessin, jusqu’à atteindrela perfection pour le portrait du Duc de Lesdiguières et surtout pour celui de Maximilien Titon 225 . L’étude attentive de cette dernière estampe révèle, d’après les tailles, les contretailles et les coups de burin divers qu’on y distingue, animés et nuancés, la progression du savoir-faire du graveur depuis le portrait de Pierre-Vincent Bertin en 1688 en passant par ceux de Madame Desjardin et de Madame Keller. C’est probablement à la suite des conseils et des encouragements de Rigaud que se fait véritablement jour et pour la première fois, non le savoir-faire du graveur de reproduction, mais le goût de l’artiste pour rendre la couleur. En gravant le portrait de Maximilien Titon, Pierre Drevet sait qu’il a désormais en lui la faculté non pas de copier servilement le modèle, mais de traduire sur le cuivre les émotions ressenties à l’examen du tableau, en bref, d’interpréter.

Le Mercure Galant de février 1692 rapporte le succès obtenu, pour sa ressemblance, par le portrait de Louis XIV peint par Poerson. Il signale que ce portrait a été gravé « par le Sieur Drevet, qui loge rüe S. Jacques, près S. Severin, et qui en donne les Estampes pour un écu. Les curieux qui souhaiteront avoir des premières tirées, ne doivent point perdre de temps, s’ils veulent satisfaire leur curiosité sur le peu qui en reste » 226 . La sûreté du burin est éclatante ; on peut toutefois regretter quelques lourdeurs dues aux tailles et contretailles appuyées dans certaines parties de l’armure. Cependant, il ne peut être reproché à Drevet de faire de l’armure un objet métallique.

En dehors de ces six portraits, Girard Audran édite encore une pièce d’histoire religieuse gravée par Drevet, d’après Antoine Coypel : le Calvaire ou les trois Croix (cat. P. Dr., n° 7), à l’adresse « à Paris chez Audran rue St. Jacques à la Ville de Paris ». Il s’agit d’une pièce de grandes dimensions (0,780 m x 0,530), qui doit être un morceau d’exception mais dont l’estampe n’a pas encore été retrouvée.

Notes
225.

Voir IIIe partie, II, Pierre Drevet interprète des trois grands portraitistes, p. 157.

226.

Mercure Galant Février 1692,pp. 212-214.