3. L’indépendance : les différentes adresses

Pierre quitte Girard Audran et se met à son compte en 1692. À partir de cette date et jusqu’en 1697, on ne dénombre pas moins de cinq adresses différentes sur les estampes qu’il édite. Il semble que Pierre, ne possédant pas encore de matériel approprié pour obtenir de bons tirages de ces portraits gravés d’après Charles-François Poerson (1653-1725), Hyacinthe Rigaud, Nicolas de Largillierre (1656-1746) et François de Troy (1645- 1730), louait ou se faisait prêter les locaux et les presses appartenant à des confrères et amis mieux pourvus que lui.

En 1692, Pierre Drevet édite « rue Saint Jacques au Point de France attenant Saint-Severin », le second état du portrait de Louis XIV d’après Poerson (cat. P. Dr., n° 18). On retrouvera cette adresse en 1696 sur le portrait de Christian de Guldenleu, d’après Rigaud (cat. P. Dr., n° 40). Or, à la fin du XVIIe siècle, le « Point de France » est l’enseigne de Louis Boissevin, puis de Hollier 227 . La même année 1692 voit Pierre Drevet « rue Saint Jacques au Cocq devant les Mathurins »pour le portrait de Mitantier d’après Largillierre (cat. P. Dr., n° 97). L’adresse et l’enseigne sont celles d’Henri II Bonnart, graveur, peintre, éditeur et marchand d’estampes 228 . Toujours en 1692, le graveur inscrit une autre adresse « Et se Vend à Paris Chez ledit Dreuet Rue Saint Jacques Vis a Vis les Mathurins a l’Image Saint Prosper », sur le premier état du portrait de Louis XIV enchâssé dans un ovale, d’après Rigaud (cat. P. Dr., n° 20). La même adresse apparaît sur le second état du portrait de Louis-Alexandre de Bourbon, gravé en 1695 d’après François de Troy (cat. P. Dr., n° 35). L’Image Saint-Prosper est l’enseigne du libraire et imprimeur du roi Guillaume Desprez, au 182 de la rue Saint-Jacques, d’après le plan de cette rue à la fin du XVIIe siècle 229 . Nous savons que Guillaume Desprez était présent au contrat de mariage de Pierre le 31 mai 1696 230 . Ce fait établit que des relations régulières étaient entretenues entre Pierre Drevet et l’imprimeur-libraire qui devait être en possession de plusieurs presses, en raison de l’importance de son imprimerie. Cependant Ambroise Firmin-Didot 231 et madame Marie-Caroline Janand 232 indiquent que l’enseigne « rue St Jacques à l’Image Saint-Prosper » correspond à l’adresse de Girard Audran à son décès. Effectivement Audran, à cette époque, y louait un appartement à usage d’habitation uniquement 233 . Ainsi, il n’a pu effectuer des tirages pour Pierre Drevet à cette adresse. Ces tirages ont donc été exécutés chez Guillaume Desprez.

Entre 1694 et 1696, Pierre Drevet occupe un nouveau local, probablement pour un court laps de temps, car l’adresse ne paraît plus ensuite : « Se vend a Paris Chez ledit Drevet Sur le Quay des Augustins atenant l’hostel de Luyne proche le Pont S.t Michel », adresse inscrite dans la lettre du portrait de L ouis XIV en armure devant un champ de bataille, d’après Hyacinthe Rigaud (cat. P. Dr., n° 19). Cette adresse semblerait correspondre à celle des imprimeurs-libraires Charles Clousier, Pierre II Aubouyn et P. Emery 234 .

Le 31 mai 1696, son contrat de mariage le situe « rue Saint Jacques Paroisse St Benoist », mais il s’établit rue du Foin entre cette date et 1697 car on le trouve à cette adresse en juin 1697, sur l’acte de baptême de son fils Pierre-Imbert 235 et sur les estampes représentant le portrait daté de François de Montholon (cat. P. Dr., n° 98) ainsi que sur le second état du portrait de Louis XIV gravé dans un ovale, d’après Drevet (cat. P. Dr., n° 20). Son adresse n’étant plus celle de la rue principale des libraires, imprimeurs et graveurs qu’est la rue Saint-Jacques, mais celle de la petite rue du Foin, Pierre ajoute, à plusieurs reprises, des précisions à cette adresse pour être certain, sans doute, que les amateurs d’estampes trouveront sa boutique. En effet, dès la fin 1696 et l’année 1697, il inscrit après son adresse « Vis a Vis les Mathurins »sur le second état du Portrait de Louis XIV, d’après Drevet dont il a été question plus haut. Par la suite, on trouvera cet ajout à plusieurs reprises. En 1698, une autre précision est apportée à l’adresse de la rue du Foin, sur le portrait de Nicolas Lambert (cat. P. Dr., n° 92): « Se vend a Paris chez Drevet rüe du Foin au coin du College de Maître Gervais » 236 . La boutique du graveur se trouvant à deux pas de l’enseigne de Girard Audran, Les deux pilliers d’or, rue Saint-Jacques 237 , il est permis de penser que Pierre peut encore compter sur le soutien et l’aide de son maître, si besoin est. Pierre ne quitte plus la rue du Foin jusqu’au début de l’année 1703 puisque, à Noël 1702, il a la jouissance d’une grande maison rue Saint-Jacques à laquelle il donne pour enseigne À l’Annonciation 238 . Son dernier changement d’adresse sera pour les Galeries du Louvre en 1726 239 , mais l’essentiel de son œuvre aura été gravé ailleurs qu’à cette adresse.

Notes
227.

Grivel 1986, pp. 62-63, Plan de la rue Saint-Jacques vers 1700, Arch. Nat., Q1 109954.

228.

Grivel 1986, p. 283.

229.

Nommé aussi Després. Grivel 1986, pp. 62-63.

230.

A. N., m. c., ET/LXIX/163, Blanchard et Le Febure not., voir annexes, vol. III, p. 12, 1696.

231.

Firmin-Didot 1876, pp. VII-VIII.

232.

Janand 1997, I p. 67.

233.

Janand 1997, I, p. 67.

234.

Renouard 1995, p. 441.

235.

Herluison, 1873, p. 118, voir annexes, vol. III, p. 13, 1697.

236.

Situé rue du Foin, le Collège royal de Notre-Dame de Bayeux, dit de Maître Gervais, portait le nom de son fondateur, Gervais Chrétien, originaire de la paroisse de Bayeux, chanoine des églises de Paris et de Bayeux. Premier médecin et physicien du roi Charles V, il fonda le collège en 1370. A l’époque de Pierre Drevet, on y enseignait les mathématiques, la médecine, le droit, la théologie et la philosophie. Voir Moreri 1759, à Collèges.

237.

Voir les plans de la rue Saint-Jacques entre 1660 et 1700 relevés par Grivel 1986, pp. 62-63.

238.

Voir vol. I, L’installation de son atelier, p. 66.

239.

A. N., m. c., ET/XLIX/517, Doyen not. ; et Maison du Roi, O1, 1087, p. 292 ; O1, 70, p. 281. Annexes, vol. III, pp. 22-23.