Entre 1688 et 1693 déjà, Hyacinthe Rigaud avait entraîné Pierre Drevet dans sa recherche de perfection artistique et dans sa réussite sociale, favorisée par les cinq portraits de personnages influents ou connus édités par Girard Audran et dont il a été question précédemment. A ceux-là, il faut ajouter en 1693, le portrait de Jean-Balthazard Keller, célèbre fondeur de Louis XIV(cat. P. Dr., n° 108). Si Pierre acquiert une notoriété manifeste à la suite de ces premières commandes, force est de constater qu’elles concernent des particuliers évoluant dans l’entourage du roi et non des personnages de sang royal. Les commandes dues à Hyacinthe Rigaud pour le roi et la cour n’apparaîtront que plus tard, à partir de 1700.
Tout comme celle de Rigaud, la notoriété de Charles-François Poerson due au portrait de Louis XIV, peint en 1691 et cité plus haut, avait rejailli sur Pierre Drevet qui en avait réalisé la gravure la même année (cat. P. Dr., n° 18). Dans cette même logique, entre 1692 et 1696, on peut citer, d’après Largillierre, le portrait de Jean Martin Mitantier, greffier en chef de l’Hôtel de ville de Paris(cat. P. Dr., n° 97)
De 1694 à 1696, deux gravures d’après François de Troy lui offrent la possibilité de se faire connaître de la cour avec les portraits des enfants légitimés de Louis XIV : Louis Auguste de Bourbon, duc du Maine (cat. P.Dr., n° 32), commandé par Nicolas de Malézieu (1650-1729) son précepteur, professeur de mathématiques du duc de Bourgogne, et celui de Louis Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse (cat. P. Dr. n° 35), commandé pour la thèse de philosophie soutenue à Bordeaux par Étienne Denis, fils du Procureur Général du Parlement de Guyenne. Le Mercure Galant du mois de septembre 1695 relate ainsi le succès obtenu à Bordeaux par ce portrait : « … La thèse gravée exprès par le sieur Drevet, estoit magnifique. Elle representoit au naturel, la personne du Prince en buste sur un beau Piedestal, et elle avoit esté gravée d’après un Portrait fait par M. de Troye. Les Dames à l’exemple de Madame la Procureuse Générale, ont fait enchâsser ce buste dans un Cadre dorré, de sorte qu’à l’heure qu’il est, il n’y a point de Maison de qualité à Bordeaux où l’on ne voye le Portrait de cet aimable Prince… 240 ».
Toujours d’après Francois de Troy, on trouve le portrait du Cardinal de Bouillon, (cat. P. Dr., n° 45) ― connu pour ses frasques et qui sera, plus tard, exilé à Rouen sur ordre du roi ― commandé par le clerc parisienJean-Jacques Le Vaillant, suivi de celui de l’influent François Brunet de Montferrand (cat. P. Dr., n° 85), chef du conseil du duc d’Orléans.
En outre, en 1693, Pierre reçoit la commande d’un certain Joannes Farely, prêtre anglais, pour la gravure du portrait du Duc de Berwick , (cat. P. Dr., n° 38), fils naturel de Jacques II, d’après Benedetto Gennari (Cento 1633-Bologne 1715). À l’époque, Jacques II d’Angleterre se trouvait en exil avec sa famille au château de Saint-Germain-en-Laye.
L’année 1696 voit huit réalisations dont trois approcheront la perfection : le portrait du prince danois Christian de Guldenleu d’après Rigaud(cat. P. Dr., n° 40), celui de François Girardon (cat. P. Dr., n° 107) d’après Joseph Vivien (1657-1734/35),et la Nativité, sujet religieux d’après Rigaud (cat. P. Dr., n° 5). C’est une année de pleine effervescence, pendant laquelle Pierre recueille le fruit de son travail depuis 1688. Certains des plus grands artistes de ce temps sont devenus ses amis — outre le portrait de François Girardon d’après Joseph Vivien, il grave celui de François De Troy d’après lui-même (cat. P. Dr., n° 119) — il se fait connaître des prélats et du clergé en général avec les portraits des célèbres cardinaux Louis-Antoine de Noailles (cat. P. Dr., nos 48, 49) d’après Augustin Oudard dit Justina (†1743), et Emmanuel Théodose de la Tour d’Auvergne, cardinal de Bouillon d’après François de Troy, cité plus haut, avec celui du non moins célèbre théologien Antoine Arnauld (cat. P. Dr., n° 65), d’après Jean-Baptiste de Champaigne (Bruxelles 1631-Paris 1681).Excepté le portrait du cardinal Antoine de Noailles commandé pour la thèse du clerc Pierre-Jérôme Deschiens soutenue en 1696, aucun nom de commanditaire n’a été retrouvé pour le travail de cette année.
Les papiers de Pierre Drevet mentionnés dans l’inventaire après décès de Pierre-Imbert et notamment un « grand registre in-folio relié et couvert de parchemin concernant le commerce dud. deffunt Sr Drevet père », ont été malheureusement dispersés et sont probablement perdus 241 . Ce registre aurait été d’un grand intérêt pour l’analyse de la production de Pierre Drevet, et pour la connaissance des commanditaires et des prix pratiqués par le graveur.
De vingt-cinq à trente-trois ans, du moins de 1688 à la fin de 1696, période pendant laquelle il se fait connaître, Pierre grave vingt-quatre portraits et un sujet religieux. Parmi les portraits, douze sont en pied et les autres sont, soit en buste inclus dans un ovale, soit présentés à mi-corps. Ces premières commandes sont honorables pour un graveur qui n’a pas encore obtenu son brevet de « graveur du roi » ou qui vient à peine de l’obtenir.
Mercure Galant, septembre 1695, pp.132-134.
A. N. m. c., ET/LX/266, 26 juin 1739, Inventaire après décès de Pierre-Imbert Drevet, transcription Weigert 1938, pp. 223-246, voir annexes, vol. III, pp. 48-57.