Avant d’aborder la production de Pierre-Imbert, il est nécessaire d’évoquer ses différentes signatures qui, à de rares exceptions, ne sont pas distinctes de celles de son père. La signature habituelle de Pierre-Imbert est P. Drevet. Cependant, douze planches présentent six dénominations différentes : Drevet ; Petr s Drevet ; Petrus Drevet ; Pierre Drevet et P. D. Néanmoins Pierre-Imbert a laissé son nom à plusieurs reprises : on trouve l’inscription Gravé par P. Drevet le fils sur le grand et le petit format d’Adam et Eve chassés du Paradis (cat. P.-I. Dr, nos 1, 2), d’après Antoine Coypel en 1716. D’autre part, à quatre reprises, Pierre-Imbert a inscrit son nom dans l’image : une première fois en 1723 dans le portrait de Bossuet, sur un signet dépassant d’un livre, en bas à gauche, sur lequel on peut lire graué // par P. // Dreuet. f.s. (cat. P.-I. Dr., n° 29) ; plus tard, lorsqu’il sera atteint par la maladie, il inscrira dans la composition de trois planches, la mention suivante, dans des orthographes, à peu de chose près analogues, Gravé Par Pierre Dreuet fils, Priez Dieu Pour Luy (voir cat. P.-I. Dr., nos 9, 10, 11). Il faut bien admettre qu’excepté ces cinq mentions, les seules signatures ne permettent pas à un amateur qui ne connaît pas l’œuvre des Drevet, de distinguer une estampe de Pierre-Imbert d’une estampe de son père. De nombreux auteurs de catalogues du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle parmi lesquels on trouve Huber et Rost et surtout Nagler ― qui attribue à Pierre-Imbert l’ensemble des plus belles estampes signées « Drevet » ― ont commis des erreurs d’attribution, sans avoir consulté les notes de Mariette. Ambroise Firmin-Didot a, en 1876, à partir de sa collection et des notes de Mariette, rectifié bien des erreurs.
Antérieurement à l’année 1716, date de la gravure de la Résurrection de Jésus-Christ, d’après Jean André (cat. P.-I. Dr, n° 12), Pierre-Imbert s’est fait la main sur le cuivre avec des sujets religieux, tels que la Sainte Famille, ditele Parfait modèle de toutes les familles chrétiennes, d’après Antoine Dieu (cat. P.-I. Dr, n° 6) ou la Présentation de la Vierge au Temple, d’après Charles Le Brun (cat. P.-I. Dr, n° 4), ou encore la Dernière Scène de Raphaël, d’après une estampe de Raimondi (cat. P.-I. Dr, n° 8). Il a probablement réalisé certaines des grandes gravures qui seront évoquées plus loin, au chapitre des planches destinées à l’apprentissage des élèves de Pierre Drevet. On trouve également quelques estampes, non signées et portant l’excudit de Pierre Drevet, dont certaines pourraient être de lui étant encore enfant, et avoir servi par la suite à l’illustration de certains grands missels, tels que le Missel de Troyes, dédicacé à l’évêque Jacques-Bénigne Bossuet, neveu de Bossuet, ou le Missel de Paris dédicacé à Monseigneur de Vintimille, ou encore le Missel de Rouen 331 .
Le prélude à la carrière de Pierre-Imbert est le tirage de sa première planche signée et dédicacée, la Résurrection de Jésus-Christ, d’après Jean André, réalisée en 1716 (cat. P.-I. Dr, n° 12). À dix-neuf ans, Pierre-Imbert possède une maîtrise du dessin et du burin incontestable, et le confirme avec cette gravure. Son père, sans doute fier de son fils, lui donne l’autorisation d’inscrire son nom et son âge au bas du cuivre : Sculpebat P. Drevet ætatis suæ 19. L’estampe est dédiée par Pierre-Imbert à Jérôme d’Argouges, Chevalier, Seigneur de Fleury, lieutenant civil au Châtelet de Paris. On ignore si le dédicataire est le commanditaire du travail ou si, ami de la famille, il l’a reçu en présent de la part du graveur. Toujours est-il que ce magistrat devait le 24 janvier 1739, suite à la demande de Claude Drevet, constater le mauvais état de santé mentale de Pierre-Imbert et entériner, par sentence du 9 avril 1739, la demande d’interdiction de la famille à son encontre 332 .
Cette réussite est rapidement suivie du grand format d’Adam et Eve chassés du Paradis d’après Antoine Coypel (cat. P.-I. Dr., n° 1), puis, peu après 1717, du petit format du même sujet, également gravé d’après Antoine Coypel (cat.P.-I. Dr., n° 2). La première de ces deux estampes affermit le début de notoriété de Pierre-Imbert, puisque le graveur la dédie auMarquis de Beringhen, Chevalierdes ordres du Roi et Premier Ecuyer.
En 1718, la réputation de Pierre-Imbert se confirme avec le portrait de Louis Lavergne de Tressan, évêque de Rouen (cat. P.-I. Dr., n° 30), d’après l’un des trois Van Loo, connu pour être son premier portrait. Cette estampe, figurant dans le grand missel imprimé aux frais de l’évêque, a été divulguée dans les paroisses du diocèse de Rouen pour servir à la liturgie. Il est probable, mais aucun document ne permet de le confirmer, que le commanditaire en a été l’évêque lui-même ou ses services. En second lieu, dans les années 1720, le portrait de Marie-Clémentine Sobieska-Stuart(cat. P.-I. Dr., n° 15), d’après Antoine David (1698-1750) et les trois portraits de Louise-Adélaïde d’Orléans, abbesse de Chelles (cat. P.-I. Dr., nos 17, 18, 19), d’après Pierre Gobert (Fontainebleau 1662-Paris 1744), marquent définitivement l’engagement de Pierre-Imbert sur la voie du portrait, bien qu’il démontrera ultérieurement sa capacité à graver des sujets religieux avec autant de génie. Le commanditaire du portrait de Marie-Clémentine n’est pas connu. Il faut se souvenir que Pierre Drevet le père avait, en 1700, gravé pour la cour d’Angleterre et d’après Nicolas de Largillierre, le portrait de Jacques-François-Edouard Stuart , prince de Galles, (cat. P. Dr., n° 15), prince qui devait épouser cette princesse à Rome. Les trois portraits de Louise-Adélaïde d’Orléans d’après Pierre Gobert, indiquent chacun dans leur lettre, un commanditaire différent. Le premier portrait figure sur la thèse d’Antoine Dejean, clerc à Chalons, conservée au Département des estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France (cat.P.-I. Dr., no 17). En revanche, aucune thèse n’a été retrouvée concernant le second portrait commandé par Frère J.-Prosper d’Anthenaize, moine bénédictin de la congrégation de Saint-Maur (cat. P.-I. Dr., no 18). Les moines bénédictins de Nevers commandent le troisième portrait qu’ils font suivre d’un poème de six vers, probablement en vue de l’édification des religieux ou de leurs novices (cat. P.-I. Dr., no 19).
La puissance de travail de Pierre-Imbert est telle, pendant les années allant de 1717 à 1721, qu’outre les planches qui viennent d’être présentées, le graveur prend le temps de collaborer avec son père ainsi qu’il a été évoqué plus haut. En 1720-1721, voit le jour une estampe dont la perfection servira grandement sa notoriété auprès des collectionneurs : Eliezer et Rébecca, d’après Antoine Coypel (cat. P.-I. Dr., no 3), bien qu’elle ait été critiquée plus tard par Charles-Nicolas Cochin 333 . Parmi les sujets religieux qu’il a abordés, cette gravure reste, comme on le verra en troisième partie, l’une de ses plus belles réussites.
En 1721 Antoine Coypel lui donne encore à graver Minerve guidant Louis XV au Temple de la Mémoire (cat. P.-I. Dr., no 14), estampe dédicacée par le peintre au premier maréchal de France, François de Neufville, duc de Villeroy.L’interprétation de cette composition allégorique qui manque d’attraits, semble avoir demandé un certain labeur à Pierre-Imbert, pour un rendu final d’où la poésie est peu présente, malgré la finesse des tailles et la technique irréprochable.
Les années 1722 et 1723 marquent à jamais la gravure au burin de l’empreinte de la perfection avec le portrait de Jacques-Bénigne Bossuet (cat. P.-I. Dr., no 29), — salué par les amateurs de l’époque comme l’excellence encore jamais atteinte en matière de burin — alors que Pierre-Imbert n’a que vingt- six ans 334 . Le siècle des Lumières admirait la figure d’un prélat ― d’après le portrait que Rigaud en avait réalisé vers 1702 ― entièrement liée à celle d’un Louis XIV vieillissant : image d’un autre siècle dont l’interprétation en 1723 aurait pu nous étonner si la commande n’avait été passée par le neveu de Bossuet lui-même, évêque de Troyes, Jacques-Bénigne Bossuet. Dans le même temps, Pierre-Imbert grave, pour l’édition de son oraison funèbre, le portrait d’Élisabeth-Charlotte de Bavière (cat. P.-I. Dr., no 16),d’après Rigaud, portrait d’une réalisation très fine, enchâssé dans un médaillon environné d’un riche décor. Un an après, en 1724, Pierre-Imbert nous offre un nouveau chef-d’œuvre avec le portrait du premier ministre, le Cardinal Dubois (cat. P.-I. Dr., no 21), d’après Rigaud. Sans avoir à se référer à Mariette ou aux catalographes qui ont attribué ce portrait à Pierre-Imbert, portrait qui ne présente pour toute signature qu’un simple Gravé par P. Drevet 1724, l’attribution à celui-ci est claire tant les caractéristiques de son burin sont évidentes.
À la même époque, Pierre-Imbert réalise la Présentation de l’Enfant Jésus au Temple, d’après Louis de Boullogne (cat. P.-I. Dr., no 5), gravure que les amateurs contemporains de l’auteur ainsi que ceux du XIXe siècle admireront 335 et dont les estampes seront très recherchées ultérieurement dans les ventes publiques 336 .
La dernière période laborieuse de Pierre-Imbert se situe entre 1725 et 1728, période pendant laquelle il réalise neuf portraits ainsi que les finititions des portraits de Charles-Gaspard Dodun (cat. P. Dr., n° 126/V) et de René-François Beauvau du Rivau (cat. P. Dr., n° 124/III), tous deux d’après Rigaud et auxquels son père avait travaillé. Parmi ces neuf portraits, sont à remarquer celui de Pierre-Nolasque Couvay, d’après Robert Tournières (cat. P.-I. Dr., n° 27), les trois portraits de Louise Adélaïde d’Orléans d’après Pierre Gobert (cat. P.-I. Dr., nos 17-19), celui très finement gravé de Louis, duc d’Orléans (cat. P.-I. Dr., n° 20), d’après un pastel de Charles-Antoine Coypel que Pierre-Imbert connaissait certainement puisqu’en 1726, ils logaient l’un et l’autre aux galeries du Louvre, et celui de Claude Le Blanc, ministre de la guerre, d’après Adrien Le Prieur (cat. P.-I. Dr., n° 28). En 1729, il grave avec les mêmes caractéristiques de perfection et encore d’après Rigaud, le portrait de Samuel Bernard, avant de sombrer dans des accès d’inhibition et de délires, dont l’alternance avec des périodes de calme handicapera le restant de ses jours (cat. P.-I. Dr., n° 25). Le commanditaire de cette gravure n’est pas connu. Il se pourrait que ce soit le portraituré par l’intermédiaire du peintre. Il se pourrait que ce soit aussi Rigaud lui-même, en raison du dessin très abouti qu’il a réalisé d’après son tableau, dans le but probable de le faire graver 337 . Les œuvres composées pendant les neuf années de sa maladie précédant sa mort, seront étudiées plus loin dans le chapitre consacré à cette période.
Voir annexes, vol. III, Reproductions, pp. 95-96.
A. N., archives du Chatelet, Y 4562. Voir aussi seconde partie, p. 132.
Voir IIIe partie, Fortune critique, p. 220.
Mariette ajoute à sa note « L’on ne peut rien désirer de plus accomply que cette admirable estampe », (Mariette 1740-1770, III, f° 45 v°, n° 8, VII f° 113 v°) ; et selon Gori, l’estampe se vendait à Paris en 1771 à un prix exorbitant (Gori 1771, I p. 364).
Annoncé par le Mercure de France dédié au Roy de Juillet 1726, pp. 1649-1650.
Mireur 1910, II, pp. 541-46.
Dessin conservé aux U. S. A., Kansas City, Nelson Gallery-Atkins Museum. Voir Brême 2000, p. 51.