Alors qu’il a gravé pendant toute sa vie chez son oncle, on ne peut attribuer véritablement à Claude Drevet que quatorze estampes. C’est seulement par neuf portraits qu’il a été connu et apprécié de ses contemporains. Incontestablement, il a bénéficié de la notoriété de Pierre et de celle de Pierre-Imbert Drevet, mais on ne peut lui enlever son habileté, voire son talent, illustrés par les cinq portraits gravés d’après Rigaud.
Comme son cousin, Claude, étant adolescent, a d’abord gravé des pièces religieuses, sans sa signature et avec l’excudit de son oncle. On suppose que certaines d’entre elles, en plus du Christ aux anges, peuvent être repérées dans certains grands missels que nous avons évoqués plus haut pour le cas de Pierre-Imbert 342 . En outre, il existe à Vienne (Autriche), au cabinet des estampes de l’Académie des Beaux-Arts 343 , l’épreuve tirée d’un cuivre attribué par Mariette à Claude, mais inédite à ce jour et qui présente toutes les caractéristiques d’un travail d’apprentissage réalisé avant le Christ aux Anges dont il sera question ensuite. Il s’agit de la Déposition de Croix (cat. Cl. Dr., n° 3), de Jean Jouvenet, gravée d’après le cuivre d’Alexis Loir (1689 ?-1775) 344 . Cette estampe est la seule connue de Claude avant qu’il n’appose sa signature pour la première fois en 1718, alors qu’il avait vingt et un ans, sur le cuivre dit du Crucifix aux Anges ou Jésus-Christ sur la croix adoré par les anges, d’après la planche gravée en deux cuivres de Gérard Edelinck, d’après le tableau de Charles Le Brun (cat. Cl. Dr., n° 2).
Pendant ce même temps et dans tous les cas avant 1726, année de l’installation aux galeries du Louvre, a été réalisé le Couronnement d’épines (cat. Cl. Dr., n° 1), d’après Anton Van Dyck (Anvers 1599-Londres 1641), cuivre signé par Claude, dans lequel l’adresse de Pierre Drevet rue S. Jâques à l’anontiation [sic] , est inscrite.
On ignore la date à laquelle a été gravé le Saint Jean de Dieu, d’après Claude-Guy Hallé (cat. Cl. Dr., n° 4). Il s’agit d’un petit format réalisé probablement pour un recueil. Cette estampe est à classer dans les sujets d’histoire religieuse car elle n’est pas un portrait ; il s’agit d’une représentation non ressemblante.
Ce n’est qu’en 1723, à l’âge de vingt-six ans, qu’un début de notoriété s’annonce pour Claude, avec la commande pour le très beau recueil du Sacre de Louis XV, du portrait de Michel-Robert Le Pelletier des Forts (cat. Cl. Dr., n° 14) 345 ,en habit de Conseiller d’État assistant, d’après les dessins de Pierre Dullin et de Perrot.
Après ce qui a été, il faut bien le dire, une belle réussite sur le plan de la gravure et un succès pour Claude, s’écoulent cinq années jusqu’au portrait de Madame Le Bret de la Briffe, d’après Hyacinthe Rigaud (cat. Cl. Dr., n° 13). Claude grave ainsi à trente et un ans, le premier des cinq portraits d’après Rigaud qu’il réalisera. Il a trente-trois ans en 1730, lorsqu’il réalise un second portrait d’après Rigaud, celui du comte Philippe-Louis de Zinzendorf (cat. Cl. Dr., n° 9), portrait important dans un oeuvre si restreint. Six ans après, en 1736, il effectue, avant la mort de son oncle en 1738 et avant celle de Pierre-Imbert en 1739, un troisième portrait d’après Rigaud. Il s’agit de celui de Charles-Gaspard-Guillaume de Vintimille (cat. Cl. Dr., n° 6), archevêque de Paris. Ce portrait, comme ceux de Madame Le Bret de la Briffe et de Philippe-Louis de Zinzendorf qui précédent, aurait dû mériter à Claude plus de notoriété du vivant de son oncle et de son cousin.
Viendra ensuite le temps de la solitude pendant lequel il gravera encore deux portraits d’après Rigaud dont il sera parlé plus loin. Une interrogation demeure quant à la date de la gravure de trois portraits signés par Claude : d’une part, celui du baron Jean-Victor de Besenval (cat. Cl. Dr., n° 7), ambassadeur de Louis XIV auprès du roi de Suède en 1707 et commandant des gardes suisses en 1722, d’après Juste-Aurèle Meissonnier (Turin 1695-Paris 1750), portrait d’un format pouvant être inséré dans un in-quarto et témoignant d’un grand métier ; d’autre part le portrait de l’abbé de l’abbaye cistercienne de Pontigny, François-Pierre Calvairac, d’après Adrien Le Prieur (cat. Cl. Dr., n° 10) ; enfin, celui de Christophe Steiger (cat. Cl. Dr., n° 8), consul de la République de Berne, d’après Johannes-Rudolff Huber, au style austère et auquel l’expression fait défaut.
Un autre problème, non encore résolu, est celui de la date de son brevet de « Graveur du Roi » qui n’a pas été retrouvé. En 1739, à la mort de Pierre-Imbert, l’ensemble des papiers officiels ne lui donne pas ce titre. En revanche, entre janvier et mars 1742, les mémoires et plaidoyers des avocats plaidant pour ou contre lui au procès intenté par les héritiers de Pierre et Anne-Marie Drevet, indiquent qu’il est graveur du roi 346 . De même, dans le contrat de mariage du 18 octobre 1745 qui le lie à Catherine Guillemette Baudry, il est qualifié de « graveur ordinaire du roi » 347 . Claude a certainement reçu cette charge dans les années qui ont suivi la mort de Pierre-Imbert, pour motiver son brevet de logement aux galeries du Louvre en survivance de son oncle et de son cousin.
Néanmoins, si Claude a obtenu facilement son brevet de logement au Louvre en survivance de Pierre-Imbert, il n’a pu obtenir la charge de graveur du roi laissée vacante par son cousin. Cette charge a été dévolue à Simon Thomassin le 19 mai 1739. 348 .
L’œuvre de Claude Drevet est donc très restreint. L’explication peut en être donnée par le fait qu’il a beaucoup gravé pour son oncle et son cousin, qui terminaient probablement les planches et les signaient. Il était cependant bien traité par son oncle qui le considérait comme « un enfant d’adoption, de façon que quand il fut en état de travailler seul, son oncle lui donna des meubles et six mille francs qu’il plaça sur le College d’Autun & dont il jouit encore actuellement » 349 . Plus tard, le temps ne lui a cependant pas manqué ― puisqu’il a vécu jusqu’en 1781 ― pour graver encore d’excellentes planches ; est-ce le goût, est-ce le courage ou les commandes qui lui ont fait défaut après la mort de Pierre et de Pierre-Imbert ? Aucun élément ne permet de répondre à ces interrogations. Il est regrettable que cet excellent graveur ait arrêté de travailler. On ne peut dire qu’il s’agisse d’un changement radical de mode —raréfiant les commandes de portraits au burin — qui soit à l’origine de cet abandon, car on trouvera pendant de longues années encore, après la mort de Pierre et de Pierre-Imbert, de très bons graveurs au burin dans la manière des Drevet, graveurs qui seront évoqués plus loin dans ce travail.
Voir annexes, vol. III, Reproductions, pp. 95-96.
Vienne ABK, Kupferstichkabinett.
Pierre Drevet avait acquis le cuivre d’Alexis Loir puisqu’il figure dans le catalogue de la vente de Claude Drevet, p. 22, n° 230.
Ce recueil comprenant soixante-douze planches dont la soixante-deuxième est celle gravée par Claude Drevet, décrit les différentes parties de la cérémonie ainsi que les titres, qualités et fonctions des personnages formant obligatoirement le cortège du roi le jour de son sacre à Reims. Ces figures portent les traits de personnes appartenant à la cour ou proches d’elle. Elles sont vêtues des habits correspondants à une fonction précise dans l’organisation des institutions de l’État et prennent place dans le cortège suivant l’importance de cette fonction. Quinze graveurs ont œuvré pour les portraits, qui sont Cochin, Larmessin, Duchange, Tardieu, Beauvais, Desplaces, Dupuis, Edelinck, Chéreau le jeune, Audran, Petit, Haussard, Jeaurat, Claude Drevet, Simonneau. On trouve les noms de Berey pour l’écriture, Baillieul l’aisné et Puthau pour les bordures. Voir BNF, Est., PD. 139, in-4°, fac-similé du Sacre de Louis XV Roy de France et de Navarre, dans l’Église de Reims, le Dimanche XXV Octobre MDCCXXII.
BNF, Ms fr. 2331, Joly de Fleury, plaidoyers 115, janvier-mars 1742.
A. N., m. c., ET/CXVIII/437.
A. N., maison du roi, O1 83, 149, voir annexes, vol. III, p. 47-48.
BNF, Ms fr. 2331, Joly de Fleury, plaidoyers 115, janvier-mars 1742. Plaidoirie de Joly de Fleury 1742, p. 2.