3. Les cuivres gravés destinés à l’apprentissage des élèves de Pierre Drevet, recensés dans l’inventaire de 1739 et le catalogue de la vente de 1782

Parmi la longue liste des cuivres portant l’excudit ou l’adresse de Pierre Drevet 426 , bon nombre d’entre eux ont certainement servi à l’apprentissage de Simon Vallée, Michel Dossier et, par la suite, à celui de Pierre-Imbert et de Claude. Comme on le verra, le fait que Pierre Drevet ait fait copier et graver par son atelier, en réduction ou non, de grandes planches d’après des graveurs et des peintres connus, crédibilise cette supposition. Ce sont généralement des sujets religieux qui doivent être distingués des cuivres achetés par Drevet et constituant la majeure partie de son fonds 427 . En ce qui concerne Simon Vallée, a été donnée plus haut une liste non exhaustive de planches gravées par lui chez Drevet, signées ou non, qui ont pu servir à son apprentissage.

Pour ce qui touche à l’ensemble des élèves de Pierre, citons les Sept Sacrements d’après Poussin, copiées sur les quatorze cuivres de la deuxième suite gravée par Jean Pesne (Rouen 1623-Paris 1700) 428 , édités par Étienne Gantrel et que Pierre a fait réduire sur sept cuivres 429 . Une première suite avait été gravée par Jean Dughet (mort en 1657) 430 . Il est indiqué sur les estampes de Pesne qu’elles ont été gravées d’après le tableau de Poussin se trouvant « ex musœo P. Freart D. de Chantelou Parisiis ». Les dimensions moyennes des estampes vont de 0,565 à 0,570m pour la hauteur et de 0,865 à 0,870m pour la largeur. Les cuivres sont mentionnés dans le catalogue de la vente de Claude Drevet 431 . Il en est de même pour les sept cuivres que Drevet avait fait copier et graver dans son atelier, en les réduisant et en inscrivant son excudit et son adresse « rue Saint-Jacques à l’Annonciation » 432 . Les estampes, se rapportant à ces sept cuivres, étudiées au département des estampes de la Bibliothèque nationale, sont de grandes dimensions : la hauteur dépasse généralement 0,500m et la largeur va au-delà de 0,700m. Les tailles sont bien conduites mais les visages sont traités avec trop de lourdeur pour être de la main de Pierre Drevet 433 . Par rapport aux estampes de Pesne, le dessin de l’atelier de Drevet est plus net, les personnages plus vivants,  Pesne n’ayant pas suffisamment soutenu son travail à l’eau-forte par un burin épousant modelés, drapés, en un mot le dessin, ce qui donne une impression de flou.

A cela, on doit adjoindre les neuf gravures évoquées plus-haut, portant l’excudit de Drevet 434 et éxécutées pour les grands missels dont celui de l’évêque de Rouen, Louis Lavergne de Tressan en 1718. Ces cuivres ont également servi à l’édition en 1736 du missel de Jacques Bénigne Bossuet, évêque de Troyes et neveu de Bossuet 435 . Dans leur ensemble, hormis de rares exceptions, ces travaux ont un rendu plutôt métallique. Certaines gravures sont de Claude Duflos. Outre ces neuf planches portant l’excudit de Drevet, figurent aussi dans le missel de Rouen, le portrait de Louis Lavergne de Tressan (cat. P.-I. Dr., n° 30), gravé par Pierre-Imbert Drevet et le Christ aux Anges (cat. Cl. Dr., n° 2), gravé par Claude Drevet, gravures qui ont déjà été l’objet d’une étude dans les chapitres précédents. Ces deux œuvres ne doivent pas être considérées comme des travaux d’apprentissage en raison de la qualité de leur burin. Elles présentent par rapport à ces neuf gravures un métier plus élaboré.

Si Pierre Drevet a fait graver ses élèves d’après Poussin, ces cuivres l’ont surtout été d’après ceux réalisés par des maîtres de la gravure au burin tels que Étienne Picart le Romain (1632-1711) ou d’après le graveur Jean Pesne employant l’eau-forte et le burin. Les planches suivantes portent l’excudit de Drevet et son adresse : la copie réduite et en contre-partie de l’Adoration des Bergers, probablement d’après la gravure qu’en a fait Étienne Picart, dédicacée à Jean-Baptiste Colbert mort en 1690 436  ; la copie du Christ et de la Samaritaine, d’après la gravure de Jean Pesne ;le Jugement de Salomon, d’après Nicolas Poussin 437 , que Drevet a fait copier dans le même sens que la gravure de Jean Dughet 438   ;uneautre planche d’après Poussin, gravée chez Drevet, le Miracle de Saint-François Xavier ressuscitant une femme 439 est attribuée par Le Blanc à Pierre Drevet 440  ; le Repas chez Simon le pharisien, d’après Le Brun 441 , Saint François Xavier, d’après Locatelli 442 ,ou encore Saint-Pierre martyr de l’Ordre de Saint-Dominique, d’après Le Titien (1488-1576) 443 . On trouve aussi de nombreuses réductions que Pierre a fait exécuter dans le but certainement de les vendre tout en exerçant ses élèves. Elles se présentent généralement dans un format cintré, sans le nom du graveur, l’adresse de Drevet rue Saint-Jacques figurant au bas de l’estampe. Mariette attribue certaines d’entre elles à Simon Vallée dont le Christ en croix, sans la Madeleine, d’après la planche de Claude Duflos évoquée plus haut, gravée d’après Antoine Coypel. Cette pièce offre un titre identique à celui de Duflos « Sic Deus dilexit Mundum ». Le paysage de l’arrière-plan a été copié tel quel mais le premier plan a été dû être recomposé en raison de l’absence de la Madeleine 444 . Sont attribuées également par Mariette à Simon Vallée, les deux planches qui suivent et que Pierre Drevet a fait également copier et réduire d’après les planches de Gérard Edelinck qu’il avait acquises après la mort du graveur en 1707, comme il avait acquis le portrait de Charles Le Brun d’après Largillierre, gravé par le même artiste.Il s’agit en premier lieu de la copie en contrepartie de Saint-Charles Borromée, d’après Le Brun, dont la lettre a été changée : Sous la Cendre, et sous le Cilice ; /Charles tendre Pasteur, détourne le supplice./Que ses Peuples ont merité - Et de Dieu, contre-eux irrité,/S’expose seul, à la justice, /Pour leur obtenir sa bonté. On remarque aussi des modifications dans le pan de la draperie en haut de l’estampe 445 . En second lieu, Saint-Louis en prière, également d’après Le Brun. La dédicace d’Edelinck en a été enlevée 446 .

Des biographes ont attribué soit à Pierre, soit à Pierre-Imbert des planches non signées, sorties de l’atelier de Pierre Drevet : L’Entrée de Jésus-Christ à Jérusalem, d’après Antoine Dieu, attribuée à Pierre-Imbert par Hubert et Rost et Le Blanc ; Jésus-Christ en Croix d’après Antoine Dieu, grand in-folio, en deux cuivres attribués aussi à Pierre-Imbert par Hubert et Rost ; Saint François-Xavier ressuscitant une jeune fille au Japon, d’après Poussin, attribué par Le Blanc et Villot à Pierre Drevet ; Jésus-Christ chez Marthe et Marie, d’après Eustache Le Sueur attribué par erreur à Simon Vallée par Firmin-Didot, la confusion étant favorisée par le fait que le même thème d’après Jean André est inscrit dans le catalogue de la vente de Claude Drevet au nom de Vallée ; la Transfiguration, grand in-folio d’après Raphaël pour lequel Füssli 447 assure que l’un des Drevet aurait travaillé à cette planche gravée par Simon Thomassin.

Il est possible d’avancer, sans trop d’erreurs, que les cuivres qui viennent d’être dénombrés ont servi au perfectionnement des élèves de Pierre Drevet. Une énnumération plus poussée porterait à se fourvoyer, en commettant des erreurs, dans le nombre important d’estampes présentant soit l’adresse de Drevet, soit seulement son excudit, et dont les planches n’ont pas pour autant servi à l’apprentissage de ses élèves, tout en oubliant qu’il a été également éditeur.

Notes
426.

Voir annexes, vol. III, pp. 82-96.

427.

Voir vol. I, p. 111 et suivantes.

428.

BNF, Est., AA 6.

429.

Pierre Drevet avait estimé les cuivres du fonds ayant appartenu à Gantrel. Voir Préaud 1996 et

Meyer 2003, p. 257.

430.

Wildenstein 1957, p. 151.

431.

Cat. vente Claude Drevet 1782, p. 23 n° 249. Voir aussi BNF, Est., AA6 à Pesne.

432.

A. N., m. c., ET/LX/266, 1739, Weigert 1938, p. 241. Cat. vente Claude Drevet 1782, p. 23 n° 251

433.

BNF, Est. AA5 à Drevet et Grands s.n.r., à Drevet.

434.

L’Annonciation : H. 0,298, L. 0,194 au tr.c. ; La Nativité : H. 0,299, L. 0,196 au tr.c. ; L’Eucharistie :dim.H. 0,300, L. 0,195 au tr.c.  La Crucifixion : H. 0,300, L. 0,197 au tr.c. ;La Résurrection : H. 0,298, L. 0,194 au tr.c. ; La Pentecôte : H. 0,300, L. 0,195 au tr.c. ; L’Ascension :H. 0,300, L. 0,195 ; L’Assomption : H.0,298, L. 0,194 au tr.c. ;L’Assemblée des Saints : H. 0,299, L. 0,195 au tr.c. ; voir annexes, vol. III, p. 95-96.

435.

Missale ecclesiæ Rotomagensis authoritate Illustrissimi et Reverendissimi in Christo Patris DD.Ludovici de Lavergne de Tressan Rotomagensis archiepiscopi, Primatis Normaniæ de consensu venerabilis Capituli, Jori père et fils édit., Rouen, 1718. Bibliothèque Sainte Geneviève, BB fol. 132. Rés., inv. 141et Missale Sanctae Ecclesiae Trecensis, illustrissimi ac reverendissimi D.D. Jacobi Benigni Bossuet Trecensis episcopie auctoritae et ejusdem Ecclesiae Capituli, consensu, editum. Trecis : Typis Petri Michelin 1736 cum privilegio Regis. Bibliothèque Sainte Geneviève, BB fol. 139 2. Rés. inv. 147.

436.

A. N., m. c., ET/LX/266, 1739 ; Weigert 1938, p. 241. Le cuivre gravé par Picart avait été conservé par les Drevet puisqu’il se trouvait encore en la possession de Claude à sa mort : Cat. vente Claude Drevet 1782, p. 23, n° 250.

437.

Ce cuivre inscrit dans l’inventaire après décès de Pierre-Imbert (Weigert 1938, p. 240), ne se trouve plus dans le catalogue de la vente de Claude Drevet. Voir BNF, Est., Da 18 b, format 5 à Poussin.

438.

Voir Wildenstein 1957, p. 54, n° 25.

439.

Le cuivre figurait dans l’inventaire après décès de Pierre-Imbert, A.N., m.c., ET. LX, 266, 1739 ; Weigert 1938, p. 238. Il est absent du catalogue de la vente de Claude. Les références données dans Wildenstein 1957, pp. 138-139 sont inexactes : elles concernent La Présentation au Temple d’après Louis de Boullogne.

440.

Le Blanc 1854, II, p. 142, n° 9.

441.

BNF, Est., Grands s.n.r., à Drevet.

442.

BNF, Est., N2, portraits in-fol., mf. D145448.

443.

Tours, musée des Beaux-Arts, inv. 947-830-1.

444.

BNF, Est., Db. 8, in-fol., Coypel, p. 118, Mf. R 107879 ; dim. H. 0,322/1, L. 0,226/7 au tr. c. ext. Voir aussi Catalogue de la vente de Claude Drevet 1782, p. 20, n° 208.

445.

BNF, Est. Da. 35, in-fol., vol. 1, p. 117; dim. H. 0,326/7, L. 0,231 au tr. c. ext. ; IFF, XVIII e XIII, 1974, p. 50, n° 7. Voir aussi Cat. vente de Claude Drevet 1782, p. 20, n° 178.

446.

BNF, Est., Da. 35, in-fol., vol. 3, p. 119 ; Mf E 081284 ; dim. H. 0,329, L. 0,231 au tr. c. ext. ; dimensions

de l’estampe d’Edelinck : H. 0 ,510, L. 0,400 au tr. c. ext. ; BNF, Est., Da. 35, in-fol., vol. III, p. 120, Mf E081285.Voir aussi Catalogue de la vente de Claude Drevet 1782, p. 20, n° 178.

447.

Füssli 1805, I, p. 125.