L’étude de l’œuvre de Pierre Drevet révèle l’existence de certaines estampes portant donc la signature de Pierre tout en n’étant cependant pas représentatives de son talent. On reste confondu devant le manque de métier qu’offrent le Frontispice du Volume Juris Civilis Institutiones (cat. P. Dr., n° 10), le portrait de Jean de la Bruyère (cat. P. Dr., n° 110), le petit format du portrait de la Révérende mère Catherine de Bar (cat. P. Dr., n° 67) et le portrait de François Brunet de Montferrand d’après François de Troy (cat. P. Dr., n° 85). Certes, les formats sont réduits, mais Pierre nous a habitués à un burin plus rigoureux et sensible dans les petits formats, le portrait d’Armand Jean de Rancé gravé en 1702 d’après Rigaud (cat. P. Dr., n° 83), en étant un exemple. Nous devons constater que ces petites gravures ont, pour la totalité, été exécutées pour l’édition. Pierre Drevet considérait-il ce travail comme subsidiaire et peu intéressant ? A-t-il laissé des élèves graver ces planches sans prendre le temps de les retoucher ?
Le portrait, en grand format (cat. P. Dr., n° 66), de la Révérende mère Catherine de Bar, d’après le peintre C. Courtin dont nous ignorons tout 448 , présente une surprenante faute de perspective au premier plan de la composition : le dossier sculpté de la chaise n’est pas à l’aplomb du sol. Aucune faute de ce genre n’a été trouvée à ce jour dans l’œuvre de Drevet. Il est possible que, copiant fidèlement le modèle mais à l’envers, il n’ait pas détecté la faute ― ce qui serait étonnant ― et qu’au tirage, pressé par le temps puisqu’il s’agissait de l’édition d’un in-quarto, il ait effectué le tirage de sa planche sans apporter de correction.
En outre, pour des raisons relevant probablement de la qualité du modèle peint, Pierre n’a pas été en mesure de montrer pleinement l’étendue de son savoir-faire dans au moins six portraits de personnages importants. Il s’agit en premier lieu du portrait du roi Charles XI de Suède (cat. P. Dr., n° 25) et de son épouse Ulrique-Eléonore de Danemark (cat. P. Dr., n° 26) d’après David KlöckerEhrenstrahl (Hambourg 1629-Stockholm 1698). Le burin de Pierre y est tout à fait correct mais sans inspiration en raison de la raideur et du manque d’expression et de beauté des sujets représentés. Les tableaux 449 , les copies — voire les miniatures — qui ont servi de modèles, ont certainement proposé au graveur peu de possibilités pour une bonne interprétation. Viennent ensuite trois planches gravées par Drevet pour l’Histoire d’Angleterre d’Ecosse et d’Irlande par Isaac de Larrey (1697-1707-1713), d’après Adriaen Van der Werff (1659-1722) : Charles II, roi d’Angleterre (cat. P. Dr., n° 14), lord Olivier Cromwell (cat. P. Dr., n° 57), et le général vivant à la même époque, lord Thomas Fairfax (cat. P. Dr., n° 59). Adriaen Van der Werff avait exécuté une série de cinquante portraits en grisailles sur soixante-six que contient la série, pour permettre leur gravure dans l’ouvrage d’Isaac de Larrey 450 . Les grisailles de Van der Werff sont probablement imparfaites pour un graveur reproduisant un portrait : le rendu gravé des traits des visages est dur, les regards, dans des yeux beaucoup trop grand ouverts, sont inexpressifs, la stature est raide. Pierre n’a pas pu rendre avec son burin le moëlleux et le chatoyement des couleurs. Cependant son talent se lit dans dans le travail des trois armures et le rendu des attributs de deux personnages : la couronne et la cravate de dentelle de Charles II, la peau de renard de Cromwell. Le portrait d’un sixième personnage étranger, brossé par un peintre anglais reconnu, vient accroître le nombre des portraits plutôt ordinaires gravés par Pierre. Il s’agit du portrait de lord Charles de Montague, comte d’Halifax (cat. P. Dr., n° 63), d’après Godfrey Kneller (1646-1723). Drevet a interprété le modèle peint avec exactitude, mais en contrepartie. Assurément, la composition du tableau aurait mérité plus d’imagination : le manteau, traité à l’aide de grands aplats et qui s’étale sur les deux tiers de la hauteur du tableau et sur toute sa largeur, s’impose immédiatement au regard, occultant la tête. Le tableau en lui-même, n’offre pas les éléments essentiels à l’interprétation d’un beau portrait gravé. Les tailles et les contretailles serrées exécutées par Drevet pour obtenir des reflets ou des ombres profondes ne feront pas émerger ce portrait de sa platitude. Pour étayer ce propos, comparaison est faite avec le portrait d’André Félibien d’après Le Brun (cat. P.Dr., n° 105), de présentation semblable, qui aurait pu tomber dans ce travers, mais les plis du manteau qui se déploient naturellement, la main qui tient un feuillet et surtout l’expression de Félibien au regard rieur en font un portrait vivant.
Il existe un Jacques Courtin (1672-1752), mais on ne trouve rien sur un C. Courtin.
Stockholm, Nationalmuseum, Swedish National Portrait gallery ; Charles XI : inv. NM Grh. 2265/1965 : 183 ; Ulrique-Eléonore de Suède : inv. NM Grh. 1388/1926 : 65 et NM Grh 323/D 1104.
Ces grisailles (huile sur toile marouflée) sont conservées à La Haye, Koninklijk Huisarchief (Archives Royales).