Excepté le portrait de Robert de Cotte qu’il met un temps infini à terminer, on ne trouve entre l’année 1715 et 1738 que peu de pièces majeures dans l’œuvre de Pierre Drevet. La période située entre 1720 et 1730 correspond à la production la plus intense de Pierre-Imbert et à la collaboration entre le père et le fils, Pierre cédant le plus souvent « la main » à son fils.
En 1716, à la suite de la commande des chartreux du Val Saint-Pierre, Pierre exécute un travail d’un genre unique dans son œuvre puisqu’il s’agit d’une représentation topographique : la vue cavalière de la Chartreuse du Val Saint-Pierre (cat. P. Dr., n° 11), d’après les relevés d’Hangest de Fantigny. La réalisation de la planche est réussie : de la finesse et de la sûreté du burin résulte la mise en lumière, donc le relief de l’ensemble des bâtiments.
Il faut attendre 1720 pour que Pierre exécute, en dehors de la collaboration de Pierre-Imbert, le second portrait de Louis Alexandre de Bourbon (cat. P. Dr., n° 37), d’après celui peint en 1708 par Rigaud et qui avait été gravé par Pierre en 1714 (cat. P. Dr., n° 36). Le peintre a créé pour ce portrait, un arrangement particulier, introduisant une main gantée et des changements notoires dans le maintien du prince, dans sa perruque et dans le décor. La commande provient des frères Du Clos Bossart pour leur thèse. Pierre a cinquante-sept ans lorsqu’il grave cette estampe qui appartient à ses belles réalisations : personnage mis en relief à l’aide de multiples contrastes et reflets, donnant l’illusion de vouloir sortir du cadre ; les tailles traitant de l’arbre situé à gauche de l’estampe, légèrement en retrait, non seulement n’éteignent pas le personnage, mais le mettent en valeur.
Que s’est-il passé entre 1716 et 1720 ? Il est plus que probable que Pierre a commencé certaines des planches qui seront terminées par la suite, soit par lui, soit par Pierre-Imbert. Puis entre 1721 et 1724, il travaille à trois portraits.
Citons d’abord celui du Cardinal de Noailles, d’après Rigaud (cat. P. Dr., n° 50), présenté dans un ovale pour une thèse. La fourrure de la capa offre le velouté nécessaire et l’ensemble du portrait comporte les caractéristiques du burin de Pierre Drevet. Quant au portrait de Louis-Henri de Bourbon, prince de Condé, d’après Pierre Gobert (cat. P. Dr., n° 29), il est d’une facture plus brillante, due sans doute à plusieurs effets, absents du portrait précédent : l’éclairage de l’arrière plan au champ de bataille à droite, la note décorative avec le tronc d’arbre et quelques feuilles à gauche, le traitement de matières différentes, telles que la perruque, l’armure, la dentelle, le taffetas du cordon, l’écharpe. Bien qu’il soit présenté dans un ovale, ce portrait donne à Pierre les possibilités de déployer son savoir-faire. Enfin, le portrait d’Antoine Portail, d’après Robert Tournière (cat. P. Dr., n° 100)est le dernier beau portrait que Pierre soit sensé avoir gravé seul. La qualité du burin de cette gravure n’a rien à envier aux réalisations les plus remarquables de son œuvre : visage expressif, tailles multiples et variées adaptées au dessin et aux matières, intensité des tailles harmonisée au coloris, rendu velouté. Ce portrait pourrait avoir bénéficié d’une finition de Pierre-Imbert. Néanmoins, la production de Pierre Drevet s’étant considérablement réduite à cette période, le graveur a pu prendre son temps pour terminer cette gravure. Dans le doute, la paternité de ce portrait lui est laissée.
Les premières manifestations de la collaboration entre Pierre Drevet et son fils sont perçues dans les années 1720, sur les portraits représentant deux membres du clergé, d’après deux peintres de second rang : Louis Hideux, curé de la paroisse des Saints-Innocents (cat. P. Dr., n° 127/VI), d’après Delescrinière et Marcellin Rolin (cat. P. Dr., n° 128/VII), général de l’ordre de Saint-Ruf, d’après Dufourneau. Pierre est alors âgé de cinquante-sept ans environs.
De 1723 à 1737 — année du dernier portrait gravé par Pierre Drevet — la collaboration du père et du fils ne produira que de superbes planches. La première, gravée d’après Rigaud en 1723, est celle du portrait de Louis XV enfant sur son trône, (cat. P. Dr., n° 122/I). En étudiant à la loupe le manteau du roi, que ce soit le velours ou la fourrure, il est aisé de distinguer les tailles de finition d’une extrême finesse qui ne peuvent être que de Pierre-Imbert et que l’on retrouve habituellement dans son travail. Le portrait de Louis XIV en tenue d’apparat(cat. P. Dr., n° 21), pendant de ce portrait de Louis XV, gravé par Pierre Drevet d’après Rigaud en 1712, bien qu’étant un chef-d’œuvre de gravure, n’offre pas autant de finesses. On trouve encore les caractéristiques du travail de finition de Pierre-Imbert, notamment dans quatre portraits gravés d’après Rigaud, entre 1726 et 1730. Il s’agit du portrait de Charles-Gaspard Dodun (cat. P. Dr., n° 126/V), conseiller d’État, gravé en 1726, de celui de René-François Beauvau du Rivau (cat. P. Dr., n° 124/III), archevêque de Narbonne et de ceux gravés en 1730 du Cardinal de Fleury (cat. P. Dr., n° 125/IV) et du peintre Louis de Boullogne (cat. P. Dr., n° 129/VIII). On constate que ces cinq portraits gravés, le sont d’après Rigaud. On ne retrouvera jamais dans les années qui suivront, chez les plus excellents émules des Drevet, tels que les Daullé, Lépicié, Schmitt et Wille… qui seront évoqués à la fin de cette étude, un burin conduit avec autant de précision et de perfection, pour l’obtention d’un rendu du coloris, des lumières et des ombres, des modelés et des matières.
En 1737, un an avant sa mort, Pierre Drevet, âgé de soixante-quatorze ans, grave avec la collaboration de Pierre-Imbert, le portrait de Christine Caroline de Wurtemberg Brandebourg d’après J. Kupetzki (cat. P. Dr., n° 123/II). L’intervention de Pierre-Imbert est encore une fois incontestable, on peut même estimer qu’en raison de l’âge de Pierre Drevet, la majeure partie du travail a été réalisée par son fils.
Si la collaboration de Pierre-Imbert avec son père est avérée, nul, parmi les auteurs qui se sont intéressés aux Drevet, ne soulève le problème de la collaboration de Claude, que ce soit avec son oncle ou avec son cousin. Toutefois, nous possédons le témoignage de Claude, inclus dans ses suppliques des 28 et 30 avril 1739 au Contrôleur général des Bâtiments et au Cardinal de Fleury, pour garder le logement des galeries du Louvre à la mort de Pierre-Imbert. Cette supplique indique que la santé de son cousin s’étant altérée, celui-ci n’était plus en mesure de terminer les « ouvrages de feu son père » et que « le supliant par reconnoissance pour la mémoire de son oncle, et par attachement pour son cousin a continüé les travaux qu’ils avoient commancé … 530 ». Il est donc certain, que si Claude était suffisamment expérimenté en 1739 à la mort de Pierre-Imbert pour contribuer à l’achèvement de certaines gravures attribuées à son oncle et à son cousin, sans que les amateurs ou les experts ne s’en aperçoivent, il l’avait été certainement bien avant cette date.
D’autre part, l’œuvre de Claude apparaît minime par rapport au temps passé auprès de Pierre et de Pierre-Imbert et s’il a la capacité de graver dès 1723, âgé alors de vingt-six ans, le portrait de Le Pelletier des Forts (cat. Cl. Dr., n° 14), et peu après celui du baron Jean-Victor de Besenval (cat. Cl. Dr., n° 12), il a certainement consacré son temps à collaborer tant au travail de son oncle qu’à celui de son cousin. Il est probable que, bon dessinateur, il ébauchait sujets ou portraits sur le cuivre. On peut imaginer également qu’il gravait des portraits que soit son oncle, soit son cousin terminait et signait, ce qui expliquerait qu’il n’a signé que neuf planches du vivant de Pierre et de Pierre-Imbert Drevet.
A. N., Maison du roi, O1, 1088, fol. 80, voir annexes, vol. III, p. 46.