4. Pierre-Imbert après la mort de son père, sa mise sous tutelle et sa mort

Le 12 août 1738, deux jours après la mort de son père, Pierre-Imbert adresse une supplique au contrôleur général des bâtiments du roi, supplique dans laquelle il explique qu’il n’est pas en mesure de se déplacer pour porter lui-même sa requête, mais qu’il pense lui présenter « dans peu de temps » l’ouvrage qu’il grave. Pierre-Imbert est inquiet, car, dès après la mort de son père, nombreux ont été les artistes à arguer de sa maladie pour demander au contrôleur son départ des galeries du Louvre à leur profit 554 . La réponse de celui-ci intervient le 18 août suivant, le rassurant sur sa situation 555 .

L’état de Pierre-Imbert s’étant aggravé après la mort de son père, Claude Drevet, selon les prescriptions testamentaires de Pierre et d’Anne-Marie Drevet, interpelle au mois de décembre 1738, le juge Jérôme d’Argouges, afin d’obtenir la mise sous curatelle de son cousin. Le juge effectue son enquête et convoque au Châtelet par assignations des 9 et 10 janvier 1739, les amis de la famille Drevet et de Pierre-Imbert en particulier, pour entendre leurs témoignages. Les audiences ont lieu les 12 et 15 janvier. On constate la présence de Nicolas Benin, orfèvre du roi, Guillaume Coustou, sculpteur du roi, Hyacinthe Rigaud et François Desportes, peintres du roi, Thomas Germain, orfèvre du roi, Antoine de Jussieu, régent de la faculté de Médecine de Paris 556 « et autres parents et amis dudit ». Tous demandent la nommination de Claude Drevet comme curateur de la personne et des biens de Pierre-Imbert. Ont été aussi convoqués l’imprimeur Jacques-Pierre Debats, cousin par alliance du côté maternel de Pierre-Imbert et, en son nom, différents cousins éloignés dits « à la mode de Bretagne », inconnus de Claude Drevet. Debats réclame pour lui la curatelle et des dispositions excessives pour la conservation des biens de Pierre-Imbert. Le juge le déboutera de ses réquisitions 557 .

Le 24 janvier suivant, le juge Jérôme d’Argouges, se rend chez Pierre-Imbert, aux galeries du Louvre, pour constater son état de santé. Trouvé assis devant la cheminée, un livre à la main, vêtu d’une robe de chambre et portant un bonnet, Pierre-Imbert ne répondra à aucune des nombreuses questions posées par le juge, excepté par deux signes de la tête 558 .

Les héritiers de Loire, ayant reçu les copies des testaments de Pierre et Anne-Marie Béchet ainsi que les ordonnances et procès-verbaux du juge d’Argouges, donnent leur autorisation pour l’interdiction de Pierre-Imbert et signent leur procuration le 27 janvier, chez maître Geste, notaire à Givors 559 . Cette procuration rassemble les signatures de quatre cousins germains de Pierre-Imbert, frères de Claude, et de quatre petits cousins. Ils sont représentés à l’audience du 13 mars 1739 au Châtelet par l’avocat Maître Allix 560 .

La sentence d’interdiction de Pierre-Imbert intervient le 9 avril 1739 et, le 13 avril, Claude Drevet, nommé curateur, en accepte la charge 561 . Pierre-Imbert s’éteint peu de jours après, le lundi 27 avril à six heures du matin ; il est inhummé le lendemain à Saint-Germain-l’Auxerrois, en présence de Claude Drevet, Jacques-Pierre Debats et d’une personne dont la signature a été transcrite par le nom de Hyacinthe Dormonboy, peintre, ami du deffunct 562 . Il allait avoir quarante-deux ans le 22 juin suivant.

Ce même 28 avril, Claude adresse une supplique à Orry, contrôleur général des bâtiments du roi, pour obtenir la garde du logement des galeries du Louvre en survivance de son cousin. Il adresse la même supplique au cardinal de Fleury le 30 avril, supplique à laquelle le cardinal Oswald de la Tour d’Auvergne ajoute en post-scriptum que Claude grave « actuellement » son portrait d’après Rigaud 563 . Dans ces deux requêtes, il indique, d’une part, l’âge auquel il a commencé à travailler chez son oncle et, d’autre part, qu’il a achevé plusieurs travaux commencés par Pierre Drevet et son fils 564 . Claude avait de sérieuses raisons pour s’inquiéter et insister en faisant intervenir deux prélats, car seuls, son oncle et son cousin étaient bénéficiaires de ce logement au Louvre, lui-même ne détenant aucun droit. Le monde des artistes connaissant la situation de Claude et n’étant pas exempt d’opportunisme, voire de jalousie, dès l’annonce de la mort de Pierre-Imbert, des suppliques ont été adressées au contrôleur général des bâtiments, émanant d’artistes tels que Sigisbert Adam (1700-1759), sculpteur du roi 565 , Louis Tocqué (1696-1772), peintre portraitiste 566 , François-Bernard Lépicié (1698-1755), graveur et secrétaire de l’Académie royale de peinture 567 , ainsi que l’horloger Julien Le Roy 568 . Finalement, le brevet de logement lui est accordé par le roi le 8 mai 1739 569 .

Le 8 juin suivant, les héritiers de Loire donnent pouvoir à Étienne Drevet « curé de Loisy, diocèse de Chalon » et frère de Claude de huit ans plus jeune que lui, pour les représenter à l’inventaire des biens de Pierre-Imbert qui avaient été mis sous scellés 570 . L’inventaire commence le 26 juin 1739 pour se terminer le 17 juillet. À la fin de chaque vacation, on trouve les signatures de Gaspard Duchange, requis par les Debats et de Jean Audran, requis par les Drevet, pour l’estimation des planches, estampes, dessins et matériel servant à la gravure. Dans le même temps, se déroule le procès intenté par les héritiers paternels et maternels de Pierre-Imbert à l’encontre de Claude, pour obtenir le partage de la « légitime » de son cousin qu’ils estiment leur être due 571 . L’avocat général, Joly de Fleury, plaidera pour la défense des Drevet de Loire 572 .

Notes
554.

A. N., Maison du Roi, O1 1672, fol. 39 ; voir annexes, vol. III, pp. 34-35.

555.

A. N., Maison du Roi, O1 1672, fol. 41 ; voir annexes, vol. III, p. 36.

556.

« Ecuyer, conseiller secrétaire, Maison et Couronne de France et de ses finances, professeur et démonstrateur des plantes au jardin royal ».

557.

A. N., Archives du Châtelet, Y 4562 ; voir annexes, vol. III, p. 36-38.

558.

A. N., Archives du Châtelet, Y 4562 ; voir annexes, vol. III, pp. 39-41.

559.

Cet acte notarié a été joint à l’ensemble du dossier conservé aux Archives du Châtelet.

560.

A. N., Archives du Châtelet, Y 4562 ; voir annexes, vol. III, p. 42.

561.

A. N., Archives du Châtelet, Y 4562 ; voir annexes, vol. III, p. 44.

562.

Herluison 1873, p. 118. Serait-ce la signature de Charles-Antoine Coypel qui logeait aux galeries du Louvre et qui connaissait bien Pierre-Imbert, celle de Hyacinthe Rigaud ou encore celle de Hyacinthe Collin de Vermont, le filleul de Rigaud ? Le nom a pu être altéré une première fois, étant mal orthographié dans le registre de Saint-Germain-l’Auxerrois, puis une seconde fois, lors de la reconstitution des registres de l’hôtel de ville de Paris, après l’incendie de 1871.

563.

Ce portrait ne sera terminé qu’en 1749. Cf. cat. Cl. Dr., n° 8.

564.

A. N., Maison du Roi, O1, 1672, fol. 80 ; voir annexes, vol. III, p. 46.

565.

A. N., Maison du Roi, O1, fol. 46 et 61.

566.

A. N., Maison du Roi, O1, 1672, fol. 48.

567.

A. N., Maison du Roi, O1, 1672, fol. 49.

568.

A. N., Maison du Roi, O1, 1672, fol. 64.

569.

A. N., Maison du Roi, O1, 83, fol.s 132-133.

570.

A. N., m.c., ET/LX/266 ; voir annexes, vol. III, p. 47.

571.

A. N., Archives du Châtelet, Y 1152.

572.

BNF, Ms. fr., 2331, Joly de Fleury ; Plaidoyers 115, janvier-mars 1742 ; plaidoyer publié à Paris, chez d’Houry, en 1742.