5. Les portraits gravés dont le nom du peintre n’est pas mentionné

Le nombre de portraits dont le nom du peintre n’est pas inscrit dans l’estampe est minime dans l’œuvre de Pierre ; il s’élève à douze et parmi ceux-ci, les modèles de deux ont été identifié  : le portrait de Charles XI de Suède et celui d’Ulrique Eléonore de Suède (cat. P. Dr., nos 25, 26), son épouse, gravés tous les deux d’après le peintre allemand David Klöcker Ehrenstrahl (1629-1698). Les portraits restants ont probablement été gravés d’après une idée de Pierre, inspirée de différents modèles circulant alors : miniatures, copies plus ou moins éloignées, gravures ou dessins pris sur le vif par lui-même… Ces portraits, dans leur globalité, ne comptent pas parmi les chefs-d’œuvre de Pierre : cependant deux estampes émergent de cet ensemble, le portrait de Joseph Joly de Fleury (cat. P. Dr., n° 91), cité plus haut et celui d’Henry de Fourcy (cat. P. Dr., n° 88), également cité plus haut. On trouve dans ces deux portraits, les caractéristiques habituelles de la technique de Pierre et sa manière de rendre le regard expressif. Toutefois, parmi les huit derniers portraits dont le peintre est anonyme, il se trouve trois gravures de format réduit et finement gravées, représentant la première, le portrait de Catherine de Mailly ou portrait présumé de Madame Drevet, jeune femme aux traits fins, habillée avec élégance, le nombre et l’agencement recherché des plis de son manteau évoquant plutôt le style de Rigaud (cat. P. Dr., n° 113), la seconde, le portrait du professeur de droit Michel de Loy, (cat. P. Dr., n° 95), probablement gravé d’après la gravure d’Étienne Picart le Romain 707 et la troisième, le père jésuite Julien Maunoir, délicatement gravé malgré son petit format, dans le style sobre du prêtre en surplis (cat. P. Dr., n° 79), ces trois estampes ornant respectivement un ouvrage.

En outre, on peut soutenir que Pierre a gravé de lui même deux portraits de Louis XIV en armure, l’un à mi-jambes devant un champ de bataille, présenté dans un cadre rectangulaire (cat. P. Dr., n° 19), l’autre (cat. P. Dr., n° 20), en buste enchâssé dans un ovale, ce dernier étant la copie considérablement retouchée du premier. Ces deux portraits pour lesquels le nom du peintre n’est pas indiqué, portent la mention « fait par Drevet » et non « Drevet Sculpsit », comme à l’ordinaire. Ces deux cuivres ayant été gravés entre 1692 et 1696, il est exclu que les deux portraits du roi brossés par Rigaud en 1701 708 aient servi de modèles, excepté pour le quatrième état du portrait de Louis XIV en buste dans un ovale, daté de 1704 et pour lequel Pierre s’est inspiré des portraits peints par Rigaud en 1701 pour en réaliser les modifications. De plus, un portrait de Louis XIV réalisé par Rigaud en 1694 et dont dix-neuf copies ont été faites par son atelier ― inscrites par lui-même dans son livre de comptes 709 ― n’a jamais été retrouvé. Il se pourrait donc, mais nous ne disposons d’aucune source pour le confirmer, que Pierre se soit inspiré de ce portrait et peut-être aussi de celui de Poerson gravé en 1691, pour dessiner et graver ces deux portraits.

En définitive, lorsqu’il n’indique pas le nom du peintre à côté de sa signature, Pierre s’est probablement servi de copies anonymes ou de miniatures qui circulaient et qu’il a pu simplement voir ou étudier, puis relever. L’important fonds de dessins que possédaient les Drevet, inscrit dans l’inventaire après décès de Pierre-Imbert, n’ayant pas été retrouvé, il est impossible de prouver que Pierre a gravé d’après ses dessins les portraits cités dans ce chapitre, excepté les deux portraits de Louis XIV.

Notes
707.

BNF, Est., Ed 56.

708.

Il s’agit du portrait en tenue d’apparat conservé au Louvre et du portrait en armure conservé à Madrid, au musée du Prado (voir cat. P. Dr., n° 21).

709.

Roman 1919, pp. 38-43.