Le portrait de Michel-Robert Le Pelletier des Forts (cat. Cl. Dr., n° 14), qui ouvre à Claude la voie de la notoriété, présente les caractéristiques de la technique de Pierre-Imbert. Claude a finement gravé le visage et la robe, donnant de la rondeur aux nombreux drapés par des tailles légères, serrées ou espacées et bien orientées, offrant en outre à l’aide de contrastes adaptés, l’illusion que le personnage se détache du fond blanc pour s’avancer vers le spectateur. Bien que les dimensions du personnage soient modestes, Claude démontre, par la finesse de l’exécution, qu’il a acquis une excellente maîtrise du burin.
Les cinq portraits exécutés d’après Rigaud, sont évidemment ce que Claude a le mieux réussi et représentent la part majeure de son œuvre. Ils sont, eux aussi, des chefs-d’œuvre de la gravure d’interprétation dont s’inspireront également les graveurs de la génération suivante.
On regrette que le portrait de Madame Le Bret de la Briffe en Cérès, réalisé en 1728, soit le seul portrait féminin gravé par Claude (cat. Cl. Dr., n° 13). Le graveur a parfaitement assimilé le savoir-faire de son oncle, mettant en valeur les ingéniosités de Rigaud qui campe la belle Cérès dans la brillance de ses atours. L’état avant la lettre présente une harmonie de tons et de gris très réussie, illustrant la blondeur des blés, les tons moirés de la robe et mettant en relief les modelés. Ce beau portrait gravé n’a rien à envier à l’oeuvre de Pierre Drevet. Il est l’un de ceux par lequel Claude exprime le plus sa sensibilité. L’enseignement de son cousin pour la mise en œuvre des finitions apparaît également à l’examen de l’estampe.
En 1730, alors que Pierre-Imbert tombe malade et n’entreprendra plus de grands travaux d’après Rigaud jusqu’au Portrait de l’abbé Pucelle en 1739, se contentant de terminer les cuivres commencés par son père d’après ce peintre, Claude a l’opportunité de réaliser le portrait du comte Philippe-Louis de Zinzendorf, en grand habit de l’ordre de la Toison d’Or (cat. Cl. Dr., n° 9). Employant une grande variété d’outils, mêlant les tailles et les coups de burin, Claude réalise quelques prouesses dignes de celles de son oncle et de son cousin pour le traitement des reflets du velours du manteau et de la soie le doublant.
Le style propre à Rigaud est évident dans la représentation des deux cardinaux que sont, d’une part l’archevêque de Paris, Guillaume de Vintimille (cat. Cl. Dr., n° 6) et dautre part, l’un des meilleurs portraits d’apparat réalisé par le graveur, le cardinal Henry-Oswald de la Tour d’Auvergne (cat. Cl. Dr., n° 11). Les prélats sont assis dans un fauteuil, en tenue de cérémonie, dans un riche environnement orné d’une draperie. Déjà, le portrait du Cardinal Dubois (cat. P.-I. Dr., n° 21), gravé d’après Rigaud par Pierre-Imbert ou encore celui de René-François de Beauvau du Rivau, gravé par Pierre et Pierre-Imbert, d’après Hyacinthe Rigaud (cat. P.-I. Dr., n°124/III), avaient été présentés dans une pose identique, à la différence de celui de Bossuet qui avait bénéficié d’une posture debout et quasiment royale. Le Mercure de France salue avec nombre d’éloges, le premier tirage en août 1749, du Portrait du Cardinal de la Tour d’Auvergne 718 .
Avec le portrait d’Alexandre Milon (cat. Cl. Dr., n° 12), Claude n’a jamais donné à son sujet d’expression plus ressentie, plus fine et plus naturelle. C’est pour cette raison, pour la proximité de la date de la mort de Pierre-Imbert et pour les termes employés par Claude ― laissant clairement entendre qu’il a terminé plusieurs cuivres commencés par son oncle et par son cousin pendant les derniers jours de celui-ci 719 , ― que l’on peut supposer en toute logique, que ce portrait a été commencé par Pierre-Imbert et achevé par Claude. Outre le visage, le reste de la gravure a été réalisée d’une main très sûre. Les tailles sont fermes et parfois profondes pour ménager des contrastes agréables aux yeux. L’aspect général de l’estampe est très velouté.
Deux autres peintres donnent à Claude l’occasion de s’exprimer encore dans le genre du portrait, Juste-Aurèle Moissonnier (1695-1750) et Adrien Le Prieur (†1742). Du premier, Claude grave le portrait de Jean-Victor Besenval (cat. Cl. Dr., n° 7), dans un format de grandeur moyenne, réalisé avec une grande maîtrise et beaucoup de goût et de nuances. Les tailles sont à la fois fines, légères ou pénétrantes. Du second, on trouve le portrait de l’abbé François-Pierre Calvairac (cat. Cl. Dr., n° 10), dont la fine gravure rappelle la manière de Pierre-Imbert. Ces deux portraits sont enchâssés dans un ovale.
Mercure de France dédié au Roy d’août 1749, p. 161. Voir plus loin, La fortune critique.
Supplique de Claude du 28 avril 1739 au Contrôleur Général des Bâtiments du roi. A. N., Maison du Roi, O1, 1088, fol. 80 ; voir annexes, vol. III, p. 46.