Pierre Drevet

Si l’on observe dans l’œuvre de Pierre Drevet l’existence de portraits dédicacés par des clercs, étudiant à l’université, ― portraits qui ont probablement décoré des frontispices de thèses non retrouvées ― il n’en demeure pas moins que les nombreux autres portraits présentant des dédicaces provenant de prêtres, frères, diacres, moines, abbés, congrégations et surtout de particuliers, n’ont pas été nécessairement commandés pour des thèses, comme il a été dit plus haut, même s’ils sont enchâssés dans un ovale. En effet, Pierre a eu à répondre aux commandes de particuliers désirant honorer un prince de l’église, remercier un bienfaiteur, un précepteur ou se rappeler au bon souvenir d’un supérieur hiérarchique ou encore, se faire remarquer du roi 727 . Ainsi, Charles Pigné commande à Pierre en 1712, le portrait du cardinal Armand-Gaston de Rohan, d’après Rigaud (cat. P. Dr., n° 52), et l’abbé Brissart de Saint-Martin de Nevers, offre en 1730 au Cardinal de Fleury, son portrait en pied d’après Rigaud, (cat. P. Dr., n°125/IV), de même que François de Monnier dédicace le portrait de Louis XV inscrit dans un ovale (cat. P. Dr, n° 22).

Deux premiers présidents du Parlement de Rouen se voient honorés, le premier, Charles-François de Montholon (cat. P. Dr., n° 98), par Gabriel-Louis Nicolas Le Pesant de Boisguilbert Pinterville qui, en 1697, fait graver son portrait par Drevet, d’après Nicolas de Largillierre, tandis que le second, Nicolas Pierre Camus de Pontcarré, successeur du précédent (cat. P. Dr., n° 86), verra son portrait gravé d’après Jean Jouvenet et dédicacé par Jean Guillaume Le Barbier de Grainville. Des conseillers à la Cour ou au Parlement, des secrétaires d’État, souvent sollicités, sont remerciés par la gravure de leur portrait dédicacé. Aussi le portrait de Joseph-Omer Joly de Fleury (cat. P. Dr., n° 91), est commandé par Gaspard Martineau et gravé en 1698 728 quant à celui du comte Henry de Fourcy, (cat. P. Dr., n° 88), il est dédicacé par Pierre Le Saché et gravé quelques années avant 1708 729 .

Les dédicaces familiales se font également. En 1699, François-Robert Secousse offre à son oncle Léonard Delamet (cat. P. Dr., n° 71), curé de St. Eustache, son portrait à mi-jambes gravé d’après Rigaud, en le remerciant par ces mots : grati animi Monimentum.

De même, les portraits d’artistes ne sont pas exempts de dédicaces. Un ami et admirateur de Boileau (cat. P. Dr., n° 102), J.-J. Coustard, commande à Rigaud le portrait de l’homme de lettres et en fait réaliser à ses frais la gravure par Drevet en 1706, en la dédicaçant ainsi : Amicissimi viri imaginem quam amicis suis dono daret æri incidi curavit I.I. Coustard in S.G.C. Senator

Rigaud lui-même fait inscrire dans le cuivre de deux portraits, deux dédicaces en hommage, la première à sa mère Maria Serre, dont le portrait a été gravé par Pierre, d’après le peintre, en 1702 (cat. P. Dr., n° 116). Cette dédicace se distingue par l’accent de vérité des sentiments du peintre æternum erga Matrem optimam Pietatis Monumentum. La seconde est celle reproduite sur le portrait de Rigaud au porte-crayon, d’après lui-même (cat. P. Dr., n° 118),gravé en 1714, indiquant que le tableau a été dédié à son ami Louis Dassenet : Tabulam in qua se ipse pinxit, amico dedit ludovico Dassenet ; grati animi amicus caelari curavit. Le commanditaire de la gravure a vraisemblablement été Louis Dassenet, dans le but de confirmer et pérenniser la dédicace du tableau, mais aucune source ne peut alimenter cette hypothèse.

Parmi les dédicaces provenant encore de particuliers, trois sont à distinguer, parce qu’elles ont été libellées par Pierre Drevet lui-même. En 1700, alors que son talent est reconnu, il grave le portrait du prince François-Louis de Bourbon de Conti, d’après Rigaud (cat. P. Dr., n° 30) 730 , portrait qu’il dédicace en ces termes à son Altesse Serenissime par son tres humble et tres obeissant serviteur Drevet. L’année suivante, il dédicace le second état du portrait du Grand Dauphin (cat. P. Dr., n° 27) à son Altesse sérénissime Madame la Princesse de Conti. Ces deux dédicaces de Pierre à deux membres de la famille royale seront accompagnées dans le même temps par celle inscrite au bas du portrait de Hyacinthe Rigaud à la palette (cat. P. Dr., n° 117). Cette dernière est remarquable parce qu’elle est celle d’un disciple remerciant son maître et ami dont les conseils lui on été bénéfiques : æri incidit Petrus Drevet Lugdunensis Calcographus Regius ; perenne grati animi monumentum, quod illum in artis peritia sapientibus consiliis juverit. On s’interroge sur la mention de son origine lyonnaise près de dix-huit ans après son arrivée à Paris. Cette mention pourrait éventuellement faire allusion à la rencontre des deux artistes à Lyon.

Des congrégations, également, offrent et dédicacent son portrait à leur évêque ou au roi. Trois d’entre elles sont à mentionner : les moines de la Charité de Rouen offrent à Jacques-Nicolas Colbert archevêque de Rouen, son portrait gravé en 1699 d’après Rigaud, (cat. P. Dr., n° 70), alors qu’à l’occasion de leur assemblée générale tenue à Marseille en 1703, les minimes de Provence dédient à Louis XIV le troisième état de son portrait gravé par Pierre Drevet entre 1692 et 1696, d’après sa composition (cat. P. Dr., n° 20), et que les prêtres de l’Oratoire du séminaire de Langres font graver le portrait de leur évêque-duc, Pierre de Pardaillan de Gondrin d’Antin (cat. P. Dr., n° 44), d’après Van Loo peut-être à l’occasion de sa nomination le 27 décembre 1724.

Il est enfin important de noter que Drevet, à la demande de commanditaires, probablement peu fortunés, employait parfois un même cuivre pour des dédicaces différentes. Ce phénomène se manifeste pour le portrait de Jean-Paul Bignon d’après Rigaud (cat. P. Dr., n° 55), et celui de Jean-Antoine de Mesmes (cat. P. Dr., n° 96), également d’après Rigaud.

En effet, en 1707, un certain Gabriel Joseph Caneau Descramelle de Tournus, offre à Jean-Paul Bignon, âgé de quarante-cinq ans, son portrait gravé d’après Rigaud, en faisant inscrire sur le second état du cuivre qu’il est son « humillimus servus ». Le cuivre servira dans un troisième et un quatrième état pour le tirage offert par le frère Stephane Guillimin, prédicateur lyonnais  et, en 1728, dans un cinquième et un sixième état, à la demande de Jean-Baptiste Durand de Montalet, clerc parisien. Depuis le second état, la tête de Jean-Paul Bignon a été considérablement vieillie, particulièrement dans les quatrième et cinquième états. Une vingtaine d’années sépare donc le second état des cinquième et sixième en 1728. Pierre Drevet avait conservé ce cuivre inscrit dans l’inventaire de 1739 731 , alors qu’il ne figure plus à la mort de Claude, dans le catalogue de la vente de ses biens en 1782.

On trouve également trois dédicaces de « frères », appartenant à des ordres mineurs, inscrites sur trois états différents du portrait du président Jean-Antoine de Mesmes : le second état ne présentant, par rapport au premier, que la suppression de l’adresse de Drevet, est offert en 1697 par le frère mineur Étienne-Antoine Montanier ; le troisième état, qui comporte de nombreuses modifications tant dans l’image que dans l’inscription, est offert en 1703 par le frère Sébastien Regnault et le quatrième état, dont seule l’inscription sur le pourtour de l’ovale a été changée, est offert, également en 1703, par frère Jean-Charles Dacquet de Paris 732 .

Les prix pratiqués par Drevet pour les tirages de ces différents états ne sont malheureusement pas connus mais on suppose qu’ils n’étaient pas gratuits.

Notes
727.

Voir la liste des dédicaces dans annexes, III, pp. 73-74.

728.

Le peintre n’est pas connu, et la planche ne figure pas dans le Catalogue de la vente de Claude Drevet comme ayant été dessiné par Pierre Drevet.

729.

Le nom du peintre n’est pas inscrit dans l’estampe. D’après le Catalogue de la vente de Claude Drevet en 1782 (p. 21 n° 215), Pierre Drevet aurait réalisé ce portrait de lui-même.

730.

Cuivre conservé par Pierre Drevet. Voir Inventaire après décès de Pierre-Imbert Drevet, 1739 ; Weigert 1938, p. 240.

731.

Voir Inventaire après décès de Pierre-Imbert Drevet, 1739 ; Weigert 1938, p. 238.

732.

Le cuivre avait été conservé par Pierre Drevet jusqu’en 1739 : Invent. après décès de Pierre-Imbert Drevet, ; Weigert 1938, p. 238. Il ne figure pas dans le catalogue de la vente de Claude.