18. Louis XIV , d’après Charles-François Poerson

S. d. [1691 :1er état ; 1692 : 2e état ; avant 1696 : 3e état]

Burin ; épreuve rognée ; tr. échappés le long des b. g. et dr.

H. 0,622, L. 0,515 au tr. c. ; H. 0,670, L. 0,530 à la cuvette

Sous le tr. c. : à g., Peint par Person [sic] ;à dr., Gravé par Drevet 1692 ; dans la marge inférieure, au c., Louis le Grand ; sous le titre à, dr : Se vend à Paris chez Drevet rüe S t . Jacques au Point de France Atenant [sic] S t Severin ;

Le roi est adossé à une colonne, en armure jusqu’aux genoux, tourné de trois quarts vers la gauche, le regard de face, appuyé de la main droite sur son bâton de commandement, la main gauche sur la hanche.

  • E tats

I : sans date après le nom du graveur et avec l’adresse suivante : Ce [sic] vend à Paris rue St jacques Chez Audran aux 2. Pilier [sic] d’Or ; (BNF, Est. : Da 55, in-fol., p. 14 ; AA3 in-fol. – Londres, V&A). [Cet état est cité par Firmin-Didot qui ne signale pas l’absence de date]

II : l’état décrit ; (BNF, Est. : Ed 99d rés., gr. in-fol. ; N 5, à Louis XIV)

III : la date a été effacée. Différents travaux sont constatés : retouches dans la perruque et au visage ; prolongement des tailles sur le bord du manteau en bas à dr. ; ajout de plusieurs tailles pour agrandir le plumet de 7mm vers les doigts de la main dr. ; ajout de tailles sur le plastron de la cuirasse, au-dessus de l’écharpe, à g. ; (BNF, Est., Ed 99d rés., gr. in-fol. - Bruxelles BR., Estampes - Londres, V&A)

IV : état décrit ci-après, non décrit à ce jour : épreuve rognée,seuls les noms des artistes ont été laissés ; les doigts de la main droite sont refermés sur le bâton de commandement ; travaux identiques à l’état III, mais le plumet touche maintenant l’auriculaire de la main droite et les nuages situés à g., près de la perruque, ont été repris ; (BNF, Est., AA 4, à Drevet)

Épreuves non consultées : Caen, MBA - Amsterdam, Rijks.

Louis XIV (Saint-Germain-en-Laye 1638-Versailles 1715), dit aussi Louis le Grand, fils aîné de Louis XIII et d’Anne d’Autriche, règne sans partage sur la France durant soixante et un ans. Il a pour unique frère Philippe, duc d’Orléans. Sacré à Reims le 7 Juin 1654, il épouse en 1660 l’Infante Marie-Thérèse d’Espagne dont il a Louis Ier, Dauphin Viennois. D’un tempérament calme, réfléchi, travailleur et sûr de lui, il sait s’entourer d’hommes talentueux. Malheureusement l’assurance qu’il a de détenir un pouvoir de droit divin, et son intransigeance lui inspirent une politique qui, tant sur le plan intérieur que sur le plan extérieur, finit par ruiner la France 1 . L’affaiblissement des nobles et la lutte contre les protestants, le centralisme exagéré, les guerres en trop grand nombre et la pauvreté du peuple finirent par provoquer des mécontentements exprimés à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle par certains intellectuels. Avec la mort de Louis XIV le 1er septembre 1715 au matin, s’amorça le siècle « des Lumières » dont l’esprit avait déjà commencé à souffler depuis quelques années 2 . Le roi « fit venir le duc d’Orléans qu’il déclara Régent du Roiaume au lieu de chef de la Régence, comme il l’avoit seulement qualifié dans le Testament. Il nomma le duc du Maine Sur-Intendant de l’Education du Dauphin, le Marêchal de Villeroi Gouverneur & en cas d’incommodité, le duc de Villeroi, pour suppléer son père dans cette charge … Fleuri, ancien évêque de Fréjus Précepteur & le père Le Tellier confesseur… Il recommanda le Dauphin & le Roiaume au duc d’Orléans … 1  ».

Charles-François Poerson 2 (Paris 1653-id. 1725),fils de Charles Poerson, peintre ordinaire du roi originaire de Lorraine et membre de l’Académie royale de peinture, est confié, à la mort de son père, à Noël Coypel, son cousin germain par alliance. En 1772, Noël Coypel étant nommé directeur de l’Académie de France à Rome, Charles-François le suit dans cette ville, accompagné d’Antoine Coypel encore enfant. Le trio revient à Paris en 1675. Dès 1677 Charles-François est agréé à l’Académie royale ; il y est reçu en 1682. Dès lors, sa carrière se poursuit rapidement : il est nommé adjoint à professeur en 1687 puis professeur en 1695. Chevalier de l’ordre de Notre-Dame-du-Mont-Carmel et de Saint Lazare dont Dangeau (cf. cat. P. Dr. n° 56) est le grand maître, il est désigné comme directeur de l’Académie de France à Rome en 1704, probablement avec l’appui de ce dernier 3 . L’Académie de Saint Luc à Rome fait de lui son Prince. Il réalise deux portraits du roi dont l’un en pied exposé au salon de 1699 et l’autre pour l’Académie d’Architecture connu par la gravure de Pierre Drevet. La production de Charles-François est peu importante et son talent, dit-on, n’égala pas celui de son père mais il est resté consciencieux et digne dans l’exercice de ses fonctions et très apprécié à Rome 4 .

Vers 1690, le roi ne porte plus de moustaches. Ce changement apparaît dans son iconographie à cette époque 5 . Poerson a donc réalisé ce portrait après cette date (1690) et avant celle de la gravure (1692). Les Comptes des Bâtiments du roi indiquent à la date du 13 février 1701 « Au sieur Person [sic], peintre, parfait paiement de 600 l. pour le tableau du portrait du Roy, pour l’Académie d’Architecture à Paris, 300 L. 6  » Le tableau aurait disparu depuis 7 .

Le Mercure Galant de février 1692 rapporte le succès obtenu pour sa ressemblance par le portrait de Louis XIV peint par Poerson. Il signale que ce portrait a été gravé « par le Sieur Drevet, qui loge rüe S. Jacques, près S. Severin, et qui en donne les Estampes pour un écu. Les curieux qui souhaiteront avoir des premières tirées, ne doivent point perdre de temps, s’ils veulent satisfaire leur curiosité sur le peu qui en reste 8 ». De ce fait, les remarques de Firmin-Didot mentionnant que ce portrait gravé par Drevet n’a jamais été signalé tombent d’elles-mêmes 9 . En outre, l’auteur ne décrit pas les nombreux travaux apportés à cette planche qui en forment le troisième état, ni le changement intervenu dans l’état IV. Etonnamment, Le Blanc n’inscrit pas le portrait de Poerson à son catalogue.

On remarque que la composition est semblable à celle du Louis XIV en pied et en cuirasse peint par Rigaud en 1701 et conservé au musée du Prado en Espagne. Rigaud se serait-il inspiré de l’idée de Poerson ? (voir ill. cat. n° 21)

Lorsqu’il grave ce portrait, Pierre Drevet a 29 ans. Le premier tirage est exécuté chez Girard Audran probablement en 1691 ; en 1692 Pierre est à son compte, sans avoir cependant d’adresse fixe jusqu’en 1696-1697 et la rüe S t . Jacques au Point de France Atenant [sic] S t Severin est l’une de ses adresses non permanentes.

Si sa technique est excellente, on peut toutefois regretter quelques lourdeurs dues aux tailles et contre-tailles appuyées dans certaines parties de l’armure. Le graveur a replié les doigts de la main droite sur le bâton de commandement, jugeant sans doute le style de Poerson trop baroque pour le sujet ; il donne ainsi naissance à un quatrième état.

(Voir volume I : pp. 55-56, 59, 180, 221).

bibliographie

Mercure Galant, 02-1692, pp. 212-214 ; Larrey 1722, III pp. 887-890 ; Mariette 1740-1770, III, f° 46 v°, n° 28 ; Lacombe 1769, II ; pp. 402-416 ; Michaud 1843-1857, XXV, pp. 192-213 ; Chenevières e t Montaiglon 1852-1853, II p. 150 ; Firmin-Didot 1876, P. Dr., n° 52 ; Guiffrey, 1881-1901, IV, col. 733 ; Mireur 1910, II, p. 540 ; Audin et Vial 1919, p. 287 ; Maumené et d’Harcourt 1931, pp. 17-18, 83-84 ; Thieme et Becker 1933, XXVII, pp. 183-184 ; IFF XVIII e 1951, VII, P. Dr., n° 78 ; Lugt supp. 229 bis ; Goubert 1991 ;Lejeaux 1956, n° 3, pp. 171-185 ; Thieme et Becker-Saur 2001, XXIX, p. 409.

Notes
1.

Lacombe 1769, II ; pp. 402-416.

2.

Voir Goubert 1991.

1.

Larrey 1722, III, pp. 887-890.

2.

Voir Fidière 1883, p. 13, XXIII.

3.

Chenevières et Montaiglon1852-1853, II p. 150.

4.

Voir Lejeaux 1956, n° 3, pp. 171-185.

5.

Maumené & d’Harcourt 1931, pp. 17-18.

6.

Guiffrey, 1881-1901, IV, col. 733.

7.

Maumené & d’Harcourt 1931, pp. 83-84.

8.

Mercure Galant Février 1692, pp. 212-214.

9.

Firmin-Didot, n° 52, pp. 36-37.