19. Louis XIV, par Pierre Drevet (inspiré de Hyacinthe Rigaud ?)

S. d. [1694-début 1696]

Burin ; tr. échappés en bas, au c.

H. 0,628, L. 0,513 au tr. c. ; H. 0,667, L. 0,517 à la cuvette

Sous le cadre : à dr., fait par Drevet ; au c., Ludovicus Magnus. ; au-dessous : Se vend a Paris Chez ledit Drevet Sur le Quay des Augustins atenant [sic] l’hostel de Luyne proche le Pont S. t Michel. ;

Debout jusqu’aux genoux, en armure devant un champ de bataille, de trois quarts tourné à droite, le regard de face, Louis XIV brandit son bâton de commandement de la main droite. Il porte une longue perruque et une large ceinture claire dont le nœud s’étale au premier plan.

Un seul état connu : l’état décrit ;(BNF, Est. : AA5 rés., à Drevet ; N5 à Louis XIV - BML, fds ancien - Londres, V&A)

Biographie du roi : voir cat. P. Dr., n° 18.

Les auteurs de nombreux catalogues indiquent quePierre Drevet a gravé ce portrait et le suivant d’après Hyacinthe Rigaud. Pourtant plusieurs hypothèses existent. Rigaud a peint deux portraits en pied connus de Louis XIV : l’un en armure, de trois quarts tourné à gauche, devant un champ de bataille, portant son bâton de commandement posé verticalement sur son casque, le bras droit étendu (au musée du Prado à Madrid) et dont on sait depuis 1978, qu’il est signé et daté de 1701 1 ; l’autre en costume d’apparat accompagné des attributs royaux, peint en 1701-1702. La découverte de cette date de 1701 inscrite dans le tableau de Madrid nous permet de rejoindre l’hypothèse de Maumené et d’Harcourt concernant la réalisation par Rigaud de deux pendants en 1701 (cf. cat. n° 20).

Or, Roman indique qu’un portrait de Louis XIV en armure a été peint par Rigaud en 1694. Il s’appuie sur les nombreuses copies inscrites par le peintre dans son Livre de Raison à l’année 1694 (dix-neuf copies dont deux « du roy en grand » et presque autant pendant les années suivantes, qu’elles soient totales ou partielles 2 ). Mais Roman a mis en relation ces copies avec le portrait de Madrid, car il ignorait la date trouvée récemment sur ce dernier : en fait, il s’agit des copies d’un tout premier portrait (non localisé à ce jour) du roi en armure, exécuté par Rigaud, probablement avant ou en 1694.

Il existe trop de différences entre le portrait de Madrid et celui gravé par Drevet présenté ici, pour que Pierre ait eu sous les yeux ce portrait de 1701. Mais, l’une des nombreuses copies inscrites au livre de comptes de Rigaud à l’année 1694 et après auraient pu servir à Drevet pour ce portrait car on retrouve le style du peintre, particulièrement dans le traitement de l’écharpe. Cependant Pierre avait trop d’amitié pour Rigaud pour graver, d’après lui, un portrait de cette importance sans indiquer son nom. Le cas de cette gravure rejoint celui des trois premiers états du portrait qui suit : l’absence du nom du peintre au bas de l’estampe et la mention fait par Drevet  remplaçant l’habituel Drevet Sculp., indique que le graveur a dessiné et gravé le portrait de lui-même. Pierre ayant réalisé dans un même style le portrait du roi en armure d’après Poerson, en avait retiré, sans doute, assez de savoir-faire pour exécuter celui-ci sans modèle peint. De ces différentes hypothèses on ne peut déduire aucune certitude : Pierre a probablement dessiné lui même ce portrait en s’inspirant et du portrait du roi par Poerson et peut-être du portrait perdu du roi peint par par Rigaud en 1694 ; il n’a pas jugé nécessaire d’indiquer le nom du peintre, la majeure partie du travail étant de lui. S’il avait eu en main le portrait original ou une copie remis par le peintre, Drevet n’aurait pas spécifié : fait par Drevet ; il aurait fait graver Rigaud pinxit et Drevet sculpsit, selon son habitude.

Les portraits gravés du roi faisaient l’objet de demandes abondantes ; nombreux sont les graveurs qui ont reproduit Louis XIV d’après Rigaud, avec plus ou moins de bonheur certes, que ce soit d’après un portrait en armure ou d’après celui en habit d’apparat, sans pour autant inscrire le nom de Rigaud sous la gravure. La réalisation de cette gravure par Drevet était destinée à produire des estampes dans le but purement commercial de les vendre en feuilles. Après le succès du portrait gravé de Louis XIV d’après Poerson, Pierre Drevet a réitéré.

Pourquoi Pierre Drevet aurait-il, selon l’abbé Lelong, édité cette estampe en 1704, à l’adresse a Paris Chez ledit Drevet Sur le Quay des Augustins atenant l’hostel de Luyne proche le Pont St Michel, alors qu’il a loué en 1702 1 une maison de trois étages rue Saint-Jacques, attenant l’église Saint-Yves, comprenant une boutique sur la rue, un atelier et suffisamment de chambres pour loger ses élèves 2 ? L’adresse du Pont Saint-Michel correspond à la période des années 1692 jusqu’au début de 1696 pendant laquelle Drevet n’ayant pas d’adresse stable et ne travaillant plus chez Audran fait éditer ses estampes chez l’un ou l’autre de ses confrères graveurs ou imprimeurs, voire aussi chez Audran. Pierre Drevet a donc gravé ce portrait entre 1694 et le début de 1696.

(Voir volume I : pp. 57, 179).

bibliographie

Mariette 1740-1770, III f° 46 v°, n° 29 ; Lacombe 1769, II ; pp. 402-416 ; Le Blanc 1856, II P. Dr., n° 61 ; Firmin-Didot 1876, P. Dr., n° 54 ; Firmin-Didot 1875-1877, P.Dr n°432 ; Portalis et Beraldi 1881, II, p. 19, n° 31 ; Engerand 1901, I p. 621 ; Mireur 1910, II p. 538, 540 ; Roman 1919, p. 38 ; Audin et Vial 1919, p. 287 ; Maumené et d’Harcourt 1931, XVI, pp. 95-99 ; IFF XVIII e 1951, VII, P. Dr., n° 80 ; Thuillier & Châtelet 1964, II, p. 136 ; Luna, 1978, pp. 185-191.

Notes
1.

Luna, Gazette des Beaux-Arts, mai-juin 1978, pp. 185-191.

2.

Roman 1919, p. 85.

1.

A. N., m. c., ET/XLIX/425, Barbar & Doyen, 1702, 20.10, voir annexes, vol. III, p.14.

2.

A. N., m. c., ET/XLIX/517, Doyen, 1726, 16. 07. C’est dans ce dernier acte notarié concernant la maison de la rue Saint-Jacques, que la description des lieux est la plus complète.