21. louis XIV en tenue d’apparat , d’après Hyacinthe Rigaud

S. d. ; 1712, selon Van Hulst et Mariette

Burin ; tr. échappés, b. dr., 1er tiers depuis le haut

H. 0,687, L. 0,511 au tr. c. ; H. 0,777, L. 0,517 à la cuvette

Dans le cadre, au bas : à g., Hyacinthe Rigaud pinxit. ; à dr., P. Drevet sculpsit. ; sous le cadre, au c., Louis le Grand. ;

En pied, tourné de trois quarts à gauche, le regard de face, le roi s’appuie sur le sceptre d’Henri IV et la main de justice de ce roi est placée près de la couronne personnelle de Louis XIV. C’est bien l’épée Joyeuse de Charlemagne que porte le roi, mais bien que revêtu du manteau royal, il est représenté en tenue d’apparat. En tenue de sacre, il aurait porté uniquement les regalia ayant appartenu à Charlemagne, ce qui n’est pas le cas 1 . L’attitude du roi appuyé sur sa jambe droite et montrant ostensiblement sa jambe gauche découverte était en usage pour les représentations royales officielles, le roi ayant l’obligation de montrer son mollet à ses sujets 2 .

  • E tats

I : avant la suppression d’une boucle de cheveux au-dessus de l’oeil droit ; avant le renforcement du mollet de la jambe droite pour la rendre moins maigre ; avant les contre-tailles sur la colonne située près du roi et sur le fût de la colonne; avant plusieurs modifications de détail dans le costume, les ombres portées, etc. (cité par Firmin-Didot)

II : l’état décrit ; le mollet droit est élargi, la boucle de cheveux supprimée, mais avant les contre-tailles sur la colonne ; (BnF Est. : Ed. 99d rés., gr.in-fol.,2 épr. ; AA5 rés., à Drevet - Vienne, Albertina)

III : avec les contre-tailles sur la colonne ; des travaux dans le visage et dans la perruque sont visibles ; (BNF, Est. : Ed. 99d rés., gr.in-fol. ; N5 à Louis XIV - Nantes, Dobrée, 896-1-2248 - Paris, ENSBA, fol. 1439, rés., p. 2 - Bruxelles, BR, Estampes - Francfort, Städel - Genève, MAH, Estampes - Londres, V&A - Rome InG, Farnesina, 53778)

Épreuves non consultées : Caen, MBA - Amsterdam, Rijks - Bologne, PN, G.D.S. -

Biographie de Louis XIV : voir cat. P. Dr., n° 18.

Biographie de Rigaud : voir cat. P. Dr., n° 117.

Comme nous l’avons vu lors de l’étude du portrait de Philippe V (cat. P. Dr., n° 17), le duc d’Anjou, petit-fils de Louis XIV, prétendant au trône d’Espagne par sa grand-mère, accède à ce trône à la mort de Charles II, le 1er novembre 1700. Avant son départ pour l’Espagne, il demande au roi un portrait de lui. Louis XIV, accédant à sa requête, commande à Hyacinthe Rigaud un grand portrait en tenue d’apparat en même temps que le portrait de son petit-fils 3 .

Rigaud mentionne dans son Livre de Raison à l’année 1701 : « Le Roy et le Roy d’Espagne, et une copie du portrait du Roy de la même grandeur que l’origal pour sa Majesté Catholique, le tout 26 000 Livres » 4 . Le marquis de Dangeau mentionne que la première et la dernière séance de pose ont eu lieu à Versailles le jeudi 10 mars 1701 et le jeudi 19 janvier 1702 5 .

Le Mercure Galant relate en janvier 1702 :« On a exposé le portrait du Roi dans le Grand Appartement de Versailles ; il est peint avec l’habit royal. Cet ouvrage est de M. Rigaud. Jamais portrait n’a été mieux peint ni plus ressemblant ; toute la cour l’a vu et tout le monde l’a admiré. Il faut qu’un ouvrage soit bien beau et bien parfait pour s’attirer un applaudissement général dans un lieu où le bon goût règne et où l’on n’est pas prodigue de louanges. Sa Majesté, ayant promis son portrait au roi d’Espagne, veut tenir sa parole en lui donnant l’original, et M. Rigaud en doit faire une copie, qui est souhaitée de toute la Cour.  Quoiqu’on voie avec regret partir l’original, on en auroit bien plus de chagrin s’il n’étoit pas destiné au roi d’Espagne 1 ». Van Hulst note : «  … ce tableau a dix pieds et demi de haut ; il est placé à Versailles, dans la salle du Trône … ».

Seule la tête a été peinte d’après nature par Rigaud et insérée dans le reste de la composition réalisé en atelier. Non seulement la cour a admiré la ressemblance mais d’autres contemporains de Louis XIV l’ont fait savoir 2 . L’original du portrait, la copie destinée à rester à Versailles et le portrait de Philippe V d’Espagne ont été payés à Rigaud suivant les termes de l’ordonnance de paiement du 16 septembre 1702 : « Au sieur Rigault, peintre ordinaire du Roy, pour deux grands portraits du Roy en pied, avec l’esquisse en petit desdits portraits, comme aussy du portrait en pied du Roy d’Espagne qu’ils a faits pendant la présente année, 10.000 livres » 3 . On relève encore sur les Comptes des Bâtiments du roi, à la date du 20 août 1713 : « au sr Nattier le jeune, peintre [1685-1766], pour le dessin d’un portrait du roi d’après Rigault [au Phoenix Art Museum, inv. 65-62], qu’il a copié pour servir de modèle pour graver pendant 1713… 500 livres 4  ». Le dessin aurait été présenté par l’artiste à Louis XIV qui en aurait été très satisfait 5 . L’original du tableau signé et daté de 1701 se trouve au musée du Louvre 6 . La réplique exécutée par Rigaud et son atelier, destinée à la cour d’Espagne, n’a jamais été envoyée  : elle est aujourd’hui à Versailles 7 . Une copie réalisée en 1721 pour le roi d’Espagne se trouve au Palais Royal à Madrid 8 . De même que pour le portrait en armure, il en a été fait de nombreuses copies et versions en pied et en buste 9 . Le tableau a figuré au Salon de 1704 1 0.

Le portrait de Louis XIV en armure du musée de Madrid aurait été réalisé par Rigaud en 1702 d’après Maumené & d’Harcourt 1 1, durant la même année que le portrait en habit d’apparat. « La pose générale du corps, en particulier celle des jambes et l’appui des pieds sont également semblables ». L’un des portraits représenterait « Louis XIV en chef de guerre », l’autre, « Louis XIV en chef d’état » pour constituer ainsi deux pendants (Voir cat. P. Dr., n° 18). Mais J.-J. Luna apporte une précision définitive en découvrant la date de 1701 sur ce portrait en armure.

Pierre Drevet reçoit le 30 janvier 1714 un premier acompte de mille cinq cents livres 1 . Le 6 août suivant un second acompte de mille livres lui est attribué 2 . Enfin, le 16 février 1716, le graveur reçoit le solde 3 . Van Hulst indique que la gravure a été exécutée en 1712. Mariette nous informe en complément : « Cette planche qui est ce que Drevet le pere a fait de plus considerable a eté gravé par ordre de sa majesté très Chretienne et pour estre mise dans Son Cabinet, d’après Hiacinthe Rigaud ». L’estampe se présente dans le même sens que le modèle, attestant, s’il le fallait encore, de l’immense talent du graveur. Le 12 mars 1779, Nicolas Cochin fils, signe un billet pour avoir reçu la somme de vingt-quatre livres pour la commande de « …la gravure du portrait en pied, revêtu des habits royaux, de Louis XV, roi de France et de Navarre, qui sera gravé d’après le tableau original de L. Michel Vanloo, dans la grandeur et en pendant de la grande estampe de Louis XIV, gravée par P. Drevet 4 ».

Gori attribue, par erreur, la gravure de ce portrait à Pierre-Imbert 5 . En dehors de Pierre Drevet, le portrait a été gravé en 1705 et 1708 par Simon Thomassin, en 1706 par Bernard Picard puis par Edelinck 6 .

L’estampe encadrée a été adjugée, accompagnée de celle de Louis XV, à quatre vingt dix-sept livres à la vente de Claude Drevet en 1782. Elle a fait l’objet d’un nombre considérable de ventes mentionnées dans le catalogue de Mireur. Le cuivre ne figure plus dans l’inventaire après décès de Pierre-Imbert ni dans le catalogue de la vente de Claude : il avait rejoint les collections royales.

Pierre met en œuvre le meilleur de son savoir-faire pour interpréter le portrait du roi. Rigaud n’est pas trahit : les finesses des différentes textures, les reflets, les éclairages et le dessin sont fidèlement rendus.

(Voir volume I : pp. 29-31, 77-78, 162-163, 188-189, 220).

bibliographie

Monicart 1720, I, pp. 279-280 ; Mariette 1740-1770, III, f° 46 v°, n° 31 et VII, f° 11 ; Lacombe 1769, II ; pp. 402-416 ; Dezallier d’Argenville 1770, p. 56 ; Basan 1767, p. 174 ; Gori 1771, I, p. 365 ; Lelong 1775, p. 196, n° 121 ; Fontenai 1776, I, 527  ; Strutt 1785-1786, P.Dr, I, p. 262 ; Huber et Rost 1797, VIII, p. 4 ; Joubert 1821, I, p. 435 ; Nagler 1836, III, p. 477 ; Michaud 1843-1857, XXV pp. 192-213 ; Soulié, Dussieux & coll. 1854, Dangeau 1684-1720, VIII , pp. 53, 295 ; Dussieux et coll. 1854, II, pp. 118, 182 ; Le Blanc 1856, II, P. Dr., n° 60 ; Villot 1855, n° 475  ; Firmin-Didot 1876, P. Dr., n° 55 ; Firmin-Didot 1875-1877, P.Dr, n° 434 ; Portalis et Beraldi 1881, II, p. 19, n° 32 ; Bellier et Auvray 1882, I, p. 446 ; Guiffrey 1881-1901, V, pp. 693, 697, 789, 876 ; Bryan 1893, I, p. 425 ; Rondot 1896, p. 109 ; Engerand 1901, I, pp. 463-464, 561, 620 ; Mireur 1910, II, pp. 533-534, 540 ; Soulange-Bodin 1914, pp. 6-49 ; Roman 1919, p. 85 ; Brière 1924, p. 222, n° 781 ; Thieme et Becker 1913, IX, p. 559 et 1934, XXVIII, pp. 349-351 ; Nolhac 1925, p. 29 ; Maumené et d’Harcourt 1931, XVI pp. 91-95 ; IFF XVIII e 1951, VII, P. Dr., n° 80 ; Rosenberg, Reynaud, Compin 1974, II, p. 83, n° 721, p. 215 ; Luna, 1978, p. 191, fig. 6 ; O’Neil, 1984, pp. 681-682 ; Constans 1995 ,II, p. 757, 4269 ;Turner et Macmillan 1996, IX, p. 296 ; Posner 1998, pp. 79-89 ; Brême 2000, p. 25 ; Thieme et Becker-Saur 2001, XXIX, p. 409.

catalogues de ventes (complément au Dictionnaire Mireur)

Mariette par Basan 1775, p. 370, nos 1101, 1102 ; Claude Drevet 1782, p. 8 n° 30 ; Saint-Céran 1790, p. 2, n° 12 ; Marron, 1832, p. 21, n° 96; Vente par Musier et Knapen 1753, p. 16, n° 136.

catalogues d’expositions

Catalogue de l’exposition « Pierre Drevet, graveur du Roi soleil », Premier Salon des Amis des Arts de Loire-sur-Rhône, 29 janvier 1978, Loire-sur-Rhône, 1978.

Catalogue de l’Exposition « Le Portrait gravé au XVIIe siècle en France », musée Dobrée, Nantes, 1979, n° 138, inv. 896-I-2248.

Catalogue de l’Exposition Visages du grand siècle « Le Portrait français sous le règne de Louis XIV, 1660-1715 », Nantes, Toulouse 1997-1998, p. 186, 267, n° 140, inv. Musée Dobrée Nantes, 2735.

Catalogue de l’exposition « Le portrait dans les collections des musées Rhône-Alpes », 24 juin au 23 septembre 2001, Bourg-en-Bresse, Chambéry, Valence, 2001, pp. 115-118, n° 9.

Notes
1.

Voir Gaborit-Chopin, pp. 311-312.

2.

Voir Bertelli 1995.

3.

Voir Posner 1998, pp. 79-89 : The genesis and political purposes of Rigaud’s portraits of Louis XIV and Philip V.

4.

Roman 1919, p. 85.

5.

Soulié, Dussieux & coll. 1854, Dangeau 1684-1720, VIII, pp. 53 et 295.

1.

Mercure, janvier 1702, pp. 302-303.

2.

Monicart 1720, I pp. 279-280.

3.

Guiffrey 1896, IV p. 827.

4.

Guiffrey 1901, V p. 693.

5.

Dussieux et coll. 1854, II, pp. 350-351.

6.

Inv. n° 7492, dimensions : H. 2,77 m, L. 1,94 m. Voir Rosenberg, Reynaud, Compin 1974, II p. 83, n° 721, p. 215.

7.

Inv. n° 7494, dimensions : H. 2,76 m, L. 1,94 m. Voir Constans 1995, II, p. 757, 4269.

8.

Luna, G-B-A, mai-juin 1978, p. 191, fig. 6.

9.

Roman 1919, p. 85.

1.

0Voir Liste des tableaux et des ouvrages de sculpture, exposez dans la Grande Gallerie du Louvre…, en la présente année 1704, à Paris, J.-B. Coignard éd., 1704, p. 4.

1.

1 Maumené et d’Harcourt 1931, pp. 95-98.

1.

Guiffrey 1901, V p.697.

2.

Guiffrey 1901, V p.789.

3.

Guiffrey 1901, V p.876.

4.

« Bulletin de souscription au portrait de Louis XV par Charles-Nicolas Cochin fils », Archives de l’Art Français, 2 e série, Collection du comte Borromeo de Milan, 1880-1881, p. 131.

5.

Gori 1771, I, p.365.

6.

Roman 1919, p. 85.