La structuration et les apports de la thèse

La structuration et les apports de la thèse découlent directement de la problématique et des choix méthodologiques précédemment énoncés. Notre travail s’organise en trois Chapitres.

Le premier Chapitre, intitulé « les mécanismes de transmission internationale des chocs monétaires », présente les avancées et ruptures les plus importantes du sujet de cette thèse, depuis l’incorporation du commerce international et de l’accès aux marchés financiers internationaux dans le modèle de l’économie fermée, jusqu’à l’intégration de l’asymétrie de PtM, en passant par les différentes étapes et phases de raisonnement et d’analyse (l’incorporation de l’offre et des anticipations rationnelles, l’intégration des aspects microéconomiques, etc.).

Le Chapitre (1) étudie et documente également les pratiques de tarification des échanges internationaux, et montre qu’elles ne sont pas uniformes au niveau international (Etats-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, etc.). Autrement dit, tous les pays ne vendent pas dans leur propre monnaie, et il est courant de trouver des pays et des industries mettant en place des méthodes de vente non uniformes. Le rôle du prix, du temps, de l’aléa moral et du marché organisé sont également étudiés lors de l’étude des pratiques de vente. Une attention particulière est accordée dans le Chapitre (1) aux principes et modèles de concurrence monopolistique et de PtM.

Dans ce Chapitre, nous définissons les chocs monétaires et faisons la distinction entre les mesures de politique monétaire, qui font partie des chocs monétaires, et les autres mesures de politique monétaire, qui ne font pas partie de ces chocs. La définition des chocs monétaires nous permettra de compléter la littérature par un aspect original et nouveau. Elle nous permettra aussi de placer la transmission internationale des chocs monétaires dans un cadre défini, en levant les ambiguïtés qui entourent parfois la nature du choc étudié. Autrement dit, le Chapitre (1) précisera la nature des chocs monétaires et limitera le rôle de la politique monétaire aux taux directeurs et à l’offre monétaire, uniquement lorsque ceux-ci varient de manière non-anticipée et permanente. Les autres mesures de politique monétaire (y compris les variations anticipées du taux directeur et de la quantité de monnaie) ne rentrent pas dans la définition des chocs monétaires. En revanche, l’accent est mis sur d’autres facteurs affectant les variations de la quantité de monnaie, notamment les chocs de crédit bancaire (Kashyap, Anil, Stein et Wilcox, 1993), qui interagissent avec la quantité de monnaie et exercent des effets considérables sur l’économie internationale comme nous verrons dans le Chapitre (3), et les taux d’intérêt à moyen et long termes, qui sont régis par les marchés financiers et monétaires et non pas par les autorités monétaires.

Une autre particularité du Chapitre (1) est la revue du pricing-to-market dans ses différents aspects qui le lient à cette thèse, ainsi que dans l’évolution de cette pratique de vente à l’international, notamment lorsque les comportements de fixation de prix sont asymétriques entre partenaires commerciaux (Otani, 2002). Dans ce cadre, nous étudions la discrimination de prix dans une optique moderne, et nous attardons sur la discrimination « endogène » de prix (Corsetti et Dedola, 2003), élément nouveau non intégré jusqu’à présent dans l’étude de la transmission internationale des chocs monétaires. Nous étudions aussi dans le Chapitre (1) les difficultés de choix d’un régime de change en PtM, et essayons de tirer les conclusions sur l’optimalité d’une union monétaire.

Un dernier point est à signaler. Dans le Chapitre (1), nous développons les différents modèles de la transmission internationale des chocs monétaires (Mundell–Fleming, sur-réaction, concurrence monopolistique, etc.). C’est dans le Chapitre (2) que nous relevons les effets de ces chocs sur les variables domestiques et étrangères, à l’aide des modèles présentés dans le Chapitre (1).

Le deuxième Chapitre, titré « les effets de la transmission internationale des chocs monétaires », étudie les effets des chocs monétaires sur les variables, nominales et réelles, nationales et étrangères, à l’aide des modèles exposés dans le Chapitre (1). Deux nouveaux modèles seulement sont développés dans le Chapitre (2), car ne faisant pas partie des grandes ruptures dans l’étude de la transmission internationale des chocs monétaires : Kim (2001) et Stockman et Obstfeld (1985). Ainsi, nous étudions successivement dans le Chapitre (2) les effets des chocs monétaires sur les taux d’intérêt, sur le revenu, sur la balance courante, et sur le taux de change. Pour chacune de ces variables, nous étudions les effets des chocs dans les trois cas de figure possibles : la vente dans la monnaie du pays du vendeur (PCP), la concurrence monopolistique, la vente dans la monnaie du pays de l’acheteur (PtM). Pour chacun des trois cas envisagés, nous commençons par l’étude des effets des chocs sur les variables domestiques, et ensuite étrangères. Une attention particulière est accordée dans le Chapitre (2) au pass-through des variations de change.

Dans notre étude des effets des chocs monétaires sur les taux d’intérêt, nous essayons d’expliquer la baisse du taux d’intérêt à court terme, en opposition à la hausse à long terme, à l’aide des principes adoptés dans cette thèse, notamment celui de la rigidité des prix en courte période. Nous étudions également les parités, couverte et non couverte, de taux d’intérêt, et traitons la différence internationale entre les taux d’intérêt et le taux de change réel, ainsi que le rôle que ces variables jouent dans la transmission internationale des chocs monétaires. La transmission nationale des chocs de « politique monétaire » est revue pour clarifier le processus qui permet à la politique monétaire d’agir sur la production et les prix domestiques, qui affectent à leur tour la transmission internationale des chocs monétaires. Une attention est portée dans ce cadre aux effets des chocs monétaires sur les taux d’intérêt, longs et courts. Le modèle de Kim (2001), développé à l’aide de la méthode VaR et de données empiriques réelles, offre une vision synthétique de la transmission des chocs monétaires à l’étranger en PCP et remet en cause les avancées de Mundell–Fleming, en ce qui concerne notamment le rôle de la balance courante dans le mécanisme de transmission internationale des chocs. Le Chapitre (2) est également l’occasion de montrer que les taux d’intérêt internationaux ne suivent pas directement les taux américains, comme le défendent certains auteurs objectant le caractère mondial de la transmission internationale des chocs monétaires par le moyen du taux d’intérêt (Grilli et Roubini, 1995), (Faust, Rogers, Swanson et Wright, 2003). Le cas libanais étudié dans le Chapitre (3), où nous montrons économétriquement que les taux courts des bons du Trésor libanais ne suivent pas les taux courts US, est une occasion de plus pour défendre ce point. L’étude de la concurrence monopolistique permet d’obtenir des résultats très intéressants sur la question de la transmission nationale et internationale des chocs monétaires aux taux d’intérêt, nominal et réel. L’accent est mis sur le rôle de la substitution inter-temporelle et sur le rôle des obligations. Une importance particulière est donnée dans le Chapitre (2) aux effets des chocs monétaires sur les taux d’intérêt en PtM. Nous avons recours aux modèles de Betts et Devereux développés dans le Chapitre (1) pour tirer les conclusions nécessaires sur l’effet du PtM sur la transmission internationale des chocs monétaires. Un point très marquant dans le Chapitre (2) est le retour sur les différents régimes de production. Ce point, élaboré par Svensson et Wijnbergen (1989), a reçu peu d’attention des chercheurs, qui ont préféré se concentrer sur le « Redux » d’Obstfeld et Rogoff. Nous revenons dans cette thèse sur les résultats de Svensson et Wijnbergen à cause de leur importance et de la direction nouvelle qu’ils donnent à l’étude de la transmission internationale des chocs monétaires, direction trop peu explorée dans la littérature. En effet, Svensson et Wijnbergen montrent que la transmission internationale des chocs monétaires varie en fonction des régimes de production dans Nation et Etranger : capacité de production saturée, contrainte de liquidité, sous-consommation. Cette piste est intéressante, non seulement parce qu’elle permet de compléter la revue de littérature sur le sujet, mais aussi parce qu’elle fait le lien avec l’investissement et l’intensité de production dans les différents pays du monde.

Dans notre étude des effets des chocs monétaires sur le revenu, nous utilisons le nouveau cadre théorique (courbes DD–AA) développé par Krugman et Obstfeld (2000). Ce cadre, qui lie la production au taux de change, permet de tirer des conclusions fort intéressantes sur la transmission nationale et internationale des chocs monétaires, conclusions confirmées par les études économétriques et empiriques. Notre étude des effets des chocs sur le revenu en PtM nous donne l’occasion d’étudier la transmission internationale des chocs monétaires aux consommations, nationale et étrangère, et de prendre en compte les effets de l’asymétrie des comportements de fixation de prix à l’international dans le mécanisme de transmission.

L’étude de la transmission internationale à la balance courante fournit des résultats nouveaux. En PCP, la balance courante réagit en enregistrant en premier lieu un déficit, avant de s’améliorer sous l’effet de la dépréciation de la monnaie. Nous verrons pourquoi ce résultat est partiellement modifié en PtM, et pourquoi la courbe en (J) est affaiblie. L’étude de la balance courante en concurrence monopolistique fournit des résultats très intéressants, qui sont liés aux périodes, courte et longue, et au taux d’intérêt réel comme nous verrons plus loin.

Au vu de l’importance des effets du pass-through sur la transmission internationale des chocs monétaires, nous accordons dans le Chapitre (2) une attention particulière à cette question, et traitons la relation entre les prix des biens commerciaux et les variations de change. La réaction du taux de change est étudiée dans plusieurs cas de figure, notamment lorsque les prix sont rigides. Nous tenons compte dans cette partie de l’information imparfaite et des contrats de travail nominaux. Enfin, la volatilité du taux de change réel suite à un choc monétaire dans une grande économie est étudiée, en portant un intérêt particulier au rôle du PtM et aux effets de surprise.

Le troisième Chapitre, intitulé « les effets des chocs monétaires américains sur le Liban », étudie la transmission internationale des chocs US au Liban. Afin de compléter ce travail, nous pouvons, soit simuler des chocs US et étudier leurs effets sur l’économie libanaise, soit identifier les chocs réels à partir de méthodes plausibles et analyser leurs effets sur les variables, nominales et réelles, libanaises. Cherchant à couvrir les différents aspects du sujet, notamment à combler le « déficit » de recherche sur les effets des chocs monétaires US sur le Liban, nous étudions les effets des chocs américains à l’aide des deux méthodes énoncées. Nous commençons par la méthode économétrique, en étudiant la question à partir d’un modèle VaR. Nous passons ensuite à la méthode monographique. A ce niveau, des difficultés se posent. D’une part, il faut identifier les chocs monétaires US survenus dans la réalité à partir d’une méthode reconnue. Les travaux de Friedman et Schwartz (1963) et de Romer et Romer (1989, 1994, 1997, 2000, 2002, 2003, 2004) offrent une plate-forme à ce travail, mais il faut actualiser la liste des chocs avant d’étudier leurs effets. D’autre part, il faut collecter les données nécessaires portant sur le Liban, alors que celui-ci souffre d’une perte partielle des données statistiques d’avant 1975 (à cause de la guerre et de l’incendie qui a ravagé les locaux de l’Administration Centrale de la Statistique) et d’un manque de recensement sérieux depuis cette date (si nous excluons les efforts de la Banque du Liban et de quelques organismes privés et internationaux).

Le Chapitre (3) est très original : il fait le lien entre la dollarisation et le PtM au Liban, il explique (et documente) la crise de liquidité du Liban en 1966, il étudie la hausse du PIB en 2001 malgré la dégradation des finances publiques et la sortie de capitaux, etc. Il permet également de confronter les résultats de la littérature à la réalité libanaise, de compléter la documentation dans certains de ses aspects, et de confirmer ou d’infirmer d’autres aspects. Le Chapitre (3) permettra de montrer que le Liban, se trouvant à un carrefour des civilisations et des religions, ne subit pas uniquement les chocs politiques ou géostratégiques des grandes puissances. Il subit également les chocs macroéconomiques, notamment monétaires.

Ce Chapitre sera aussi l’occasion de revenir sur la dollarisation de tous les aspects de l’économie libanaise (transactions courantes et financières, contrats, dépôts et crédits bancaires, endettement public et privé, etc.). Il est aussi, à notre connaissance, la première tentative de mesure économétrique des effets des chocs monétaires US (et de la politique monétaire américaine en général) sur les variables, nominales et réelles, libanaises. Les résultats nous permettrons de faire la distinction entre, d’une part, les effets des chocs de taux d’intérêt US courts sur les taux courts au Liban et, d’autre part, les effets des chocs de taux US longs sur les taux longs au Liban. En revanche, le modèle économétrique ne nous permettra pas de mesurer l’effet de la variation de la quantité de monnaie aux Etats-Unis sur les variables libanaises (cette question sera résolue de manière différente en étudiant en détail les effets des chocs monétaires US de mai 1966 et de janvier 2001 sur le pays des cèdres).

Le Chapitre (3) sera à notre avis un point de départ pour des études macroéconomiques postérieures sur l’économie libanaise.