1.4. Comparaisons internationales

Le PtM se produit, non seulement dans des industries où la discrimination de prix est possible comme le secteur de l’automobile, mais aussi dans des industries où les biens sont homogènes comme le papier fin utilisé par certaines revues pour leur page de couverture. Selon les estimations de Goldberg et Knetter (1997), le degré de PtM varie, pour ce genre de papier, entre 30 et 35%. L’association d’un PtM de 30% et d’une variation du taux de change de 50% affecte les prix de vente de 15%.

Pour Berger (2003), la transmission des variations de change aux prix des importations est partielle et presque nulle dans le cas de biens destinés à la consommation. Pour Campa et Goldberg (2002), les 25 pays de l’OCDE subissent un comportement de pricing hybride dans leurs importations. Ainsi, « le pass-through moyen aux importations est de 0,61 à court terme et 0,77 en longue période » 151 . Selon ces deux chercheurs, l’hypothèse de PCP ne peut pas être rejetée dans 22 des 25 pays, et l’hypothèse de LCP ne peut pas être rejetée dans 20 des 25 pays.

Knetter (1993) et Feenstra, Gagnon et Knetter (1996) montrent que les exportateurs allemands, anglais, français, américains et suédois adoptent un comportement de PtM pour un certain nombre de marchés destinataires. Cependant, ils trouvent que le pass-through est plus élevé dans le cas des firmes allemandes, anglaises et américaines, surtout pour les exportations de voitures 152 . En revanche, Gagnon et Knetter (1995) montrent que le comportement de PtM est présent chez les exportateurs de voitures japonais et pour quelques destinations et catégories de voitures allemandes, mais presque absent chez les exportateurs américains (Gagnon et Knetter, 1995).

Pour Page (1981), 98% des exportations américaines sont libellées en dollars, 82% des exportations allemandes en DM (la moitié du reste est libellée en dollars), 76% des exportations anglaises en pound (17% sont libellées en dollars). Page constate que le Japon est la seule grande économie où 62% des exportations sont vendues en dollars, contre seulement 32% en yen.

Mann (1986), Ohno (1989) et Menon (1992) montrent que la stabilisation des prix de vente dans la monnaie du pays de l’acheteur est relativement faible chez les exportateurs américains par rapport aux exportateurs japonais ou allemands.

Bhattacharya, Karayalcin et Thomakos (2003) étudient la formation des prix à l’importation d’un certain nombre de pays, et montrent que les exportations des Etats-Unis à destination du Japon sont libellées en PCP. Toutefois, les coefficients de pass-through varient de 7% (pour les machines et les équipements) à plus de 100% (pour le bois). En revanche, les exportations du Japon à destination des Etats-Unis sont libellées en PtM.

En comparant la France à l’Allemagne, Engel (1999, b) montre que les producteurs allemands fixent deux prix différents, un pour leurs ventes en Allemagne et un autre pour leurs ventes en France. Ce comportement est similaire du côté des entreprises françaises, qui fixent à leur tour un prix différent pour le marché allemand que celui qu’elles proposent pour leurs clients sur le marché français.

Comment s’ajustent les prix des exportations aux fluctuations de change pour les industries qui vendent à des marchés situés dans des zones différentes ? Knetter (1995) étudie le sujet en partant du modèle de discrimination en monopole. Pour lui, « quand les destinations des exportations peuvent être segmentées, la maximisation du profit signifie que le monopole choisit le niveau de production et l’allocation entre les différentes destinations qui égalisent le revenu marginal de chaque marché au coût marginal partagé » 153 . Le principal résultat empirique de Knetter est que la vente dans la monnaie du pays de l’acheteur est plus exprimée pour les exportations allemandes que pour les exportations américaines. Le comportement PtM allemand est plus confirmé par ailleurs pour les exportations de bière et de produits chimiques que pour les grandes voitures. Pour Knetter, la transmission des variations de change informe sur la structure du marché ou de l’industrie. Une variation du taux de change peut affecter le prix de vente à un marché particulier, soit en influençant le coût marginal par les changements de quantités ou de prix des intrants, soit en affectant l’élasticité de la demande des importations. Ce dernier effet est spécifique à la destination et correspond au PtM.

Du côté des importations, Warmedinger (2004) étudie les prix des biens importés dans les cinq plus grandes économies de l’Union Européenne (l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne et les Pays-Bas), qui constituent 89,5% du PIB de la zone euro (y compris la Grèce) en 1999. Les effets du PtM se manifestent dans les grands pays comme l’Allemagne où moins de 60% des variations de change et des prix de l’énergie transitent vers les prix à l’importation. En France, les effets du PtM sont moins ressentis qu’en Italie ou en Espagne où les prix de l’énergie rentrent en jeu. Cependant, Warmedinger constate que la répercussion des variations des prix étrangers sur les prix à l’importation est plus importante en Allemagne, en France et aux Pays-Bas que la répercussion des variations de change. Suite à une augmentation du prix du pétrole de 10%, le taux de change sur-réagit quelque temps en Allemagne. Ce sur-ajustement disparaît quelques trimestres plus tard, tandis que l’ajustement à long terme se produit instantanément en France. En Espagne, en Italie et dans les autres pays de la zone euro, l’ajustement est un peu plus lent et « les prix à l’importation atteignent leur nouvel équilibre à long terme dans 3 ou 4 ans » 154 .

Devereux (2000) reporte que, d’après le gouverneur de la banque centrale du Mexique, « le degré de transmission des variations du taux de change à l’inflation a été beaucoup plus élevé au Mexique qu’au Canada, en Australie ou en Nouvelle-Zélande, pour des raisons ayant trait à l’histoire et à la crédibilité des politiques monétaires » 155 .

Faruqee (2004) compare les importations des Etats-Unis aux importations des pays de la zone euro et trouve que le pass-through est partiel, en particulier à court terme.Pour lui, « aux Etats-Unis, le pass-through est nul après le choc, et cette situation est presque identique dans la zone euro. Mais alors qu’il augmente significativement avec le temps dans la zone euro, le pass-through reste modeste aux Etats-Unis » 156 .

Takeda et Matsuura (2003) étudient à leur tour les importations coréennes, taiwanaises, singapouriennes et américaines des produits DRAM 157 . Ils montrent que la répercussion des variations de change est positive mais faible entre la Corée et Taiwan, Taiwan et Singapore, Singapore et les Etats-Unis. Cela montre que le comportement de PtM existe dans la tarification des produits DRAM de ces pays.

Notes
151.

Campa et Goldberg (2002), page 10.

152.

Pour une analyse du rôle du PtM dans l’industrie automobile, voir Khalaf et Kichian (2000). Ces deux chercheurs analysent le comportement des entreprises exportatrices de matériel de transport, en particulier les exportations du Canada à destination des Etats-Unis, des Etats-Unis à destination du Canada, et du Japon à destination des Etats-Unis.

153.

Knetter (1995), page 2.

154.

Warmedinger (2004), page 21.

155.

Devereux (2000), page 2.

156.

Faruqee (2004), page 10.

157.

Les produits DRAM (« dynamic random access memories ») sont des microprocesseurs utilisés dans l’industrie informatique.