2.4. L’absence de marché organisé

Le marché organisé permet aux entreprises de connaître gratuitement le prix d’ajustement. Le prix permet l’allocation optimale des ressources.

Walras s’appuie sur la configuration des marchés d’enchères, sur lesquels un commissaire-priseur organise les ventes, et estime que la présence d’un tel secrétaire de marché qui centralise les décisions d’achat et de vente résout le problème de fixation de prix sur le marché. D’après ce raisonnement, le commissaire-priseur crie un vecteur de prix relatifs et note les réponses de tous les agents économiques en termes de quantités demandées ou offertes (les agents sont des preneurs de prix). Lorsque ces réponses ne sont pas compatibles, il crie un vecteur modifié (un prix plus faible si la demande est inférieure à l’offre et inversement) et répète le processus jusqu’à la détermination du vecteur de prix relatifs d’équilibre 162 . A ce moment, et à ce moment seulement, les échanges peuvent avoir lieu.

L’institution centrale de commissaire-priseur est liée à la concurrence parfaite. Selon Guerrien (2000), « il n’est pas possible de présenter la concurrence parfaite sans supposer une forme d’organisation sociale très particulière, avec une institution centrale – le commissaire-priseur – qui impose des règles très strictes aux agents » 163 .

Les attraits d’un marché organisé sont nombreux. Ce marché assure en premier lieu la découverte du juste prix à la jonction de l’offre et de la demande, compte tenu de l’information disponible pour tous 164 . Il assure en deuxième lieu la sécurité des opérations puisque le commissaire-priseur (par exemple la société de compensation sur le marché boursier) se porte garant des engagements contractuels entre les parties lors des transactions portant sur des produits négociés. Il assure en troisième lieu un accès facile au marché et réduit au minimum les coûts de transaction. Ces deux facteurs donnent lieu à davantage de liquidité sur le marché.

L’absence de marché organisé prive les entreprises d’une source d’information importante et les contraint à chercher d’autres méthodes pour définir le prix d’ajustement et répartir les produits entre les acheteurs. Ainsi, lorsque le prix n’est pas l’unique instrument d’ajustement du marché et de tarification des échanges, d’autres méthodes peuvent être mises en place par les entreprises.

Une première réponse à l’absence de marché organisé est fournie par Stigler (1961). En introduisant la notion de quête (« search » en anglais), un acheteur qui souhaite obtenir le prix le plus favorable doit sonder plusieurs vendeurs. C’est ainsi que les acheteurs peuvent s’informer auprès des vendeurs. Paulré (2003) et Stigler (1961) évoquent le problème de la quête de connaissance sur la qualité des biens. Paulré suggère que certaines organisations économiques jouent le rôle de dispositif pour « éliminer les incertitudes sur la qualité » 165 .

Une deuxième réponse est la tarification privilégiée accordée à certaines catégories de clients, notamment les clients anciens et fidèles. Cependant, lorsque la rotation des clients est importante, cette méthode ne peut être appliquée 166 .

Une troisième réponse est la bonne connaissance des besoins des clients. Au lieu de modifier son prix de vente, un producteur qui sait que la demande de son client est au plus bas au printemps, modifiera sa production et réduira son offre durant cette période.

Notes
162.

Les économistes parlent du processus de tâtonnement walrasien.

163.

Guerrien (2000), page 5.

164.

L’intermédiation d’une société de compensation entre acheteur et vendeur fait que le prix est le même à un instant donné pour tous les participants du marché. Ainsi, le marché organisé place tous les participants sur un pied d’égalité indépendamment de leur taille.

165.

Paulré (2003), page 8.

166.

La forte rotation des clients est observée lorsque la fidélité à la marque n’est pas importante ou lorsque le nombre de clients entrants et sortants dans l’industrie est élevé.