Les effets des chocs monétaires et budgétaires « temporaires »

Une modification temporaire « d’un coup » de l’offre de monnaie accroît le taux de change et provoque une expansion de la production nationale, mais n’altère pas le taux de change anticipé à long terme. Le public s’attend en effet à ce que les effets du choc monétaire temporaire soient bientôt inversés. Dans ce cas, le taux de change anticipé est égal au taux de change à long terme, qui ne varie pas suite au choc monétaire.

En revanche, une politique budgétaire expansionniste temporaire (accroissement de la demande publique et/ou baisse des impôts) provoque une baisse du taux de change et une augmentation de la production nationale. A son tour, le choc budgétaire temporaire n’affecte pas le taux de change futur anticipé.

Graphique (27) : Les effets des chocs monétaires et budgétaires temporaires

Les chocs monétaires et budgétaires temporaires accroissent la production et peuvent être utilisés pour lutter contre les dérèglements économiques temporaires. Cependant, des problèmes se posent.

En premier lieu, il est difficile de définir l’origine des dysfonctionnements économiques. Les perturbations proviennent-elles du marché des biens et services ou des marchés des actifs ?

En deuxième lieu, les réformes budgétaires exigent un long travail parlementaire, alors que les décisions monétaires sont prises par la banque centrale. Pour réduire les délais, les gouvernements modifient la politique monétaire, même si la modification de la politique budgétaire convient mieux pour relancer l’activité économique.

En troisième lieu, les chocs budgétaires créent souvent des déficits budgétaires qui devront être tôt ou tard compensés par des mouvements budgétaires inverses 226 . Lorsque la production est faible et le chômage élevé, le déficit risque d’être important, et la mise en œuvre d’une politique expansionniste détériore davantage les finances publiques. Dans ce cas, l’Etat peut refuser d’adopter une politique budgétaire expansionniste, soit parce qu’il s’inquiète des effets de ce déficit sur la dette publique, soit parce qu’il redoute qu’un déficit important ne provoque une forte inflation.

En quatrième lieu, les prix nominaux rigides permettent aux gouvernements d’augmenter la production, mais aussi de mettre en œuvre une politique expansionniste avant les élections. Lorsque ces expansions sont anticipées par les travailleurs et les entreprises, la politique macroéconomique conduit, selon Krugman et Obstfeld (2000), « à une inflation élevée mais sans gain en moyenne dans la production » 227 . Le problème du biais inflationniste a conduit à chercher des types d’institutions, comme les banques centrales, qui agissent indépendamment des gouvernements. Cette mesure cherche à convaincre les opérateurs que la politique économique ne sera pas utilisée à court terme au détriment de la stabilité des prix à long terme.

En cinquième lieu, se rendre compte que la demande globale a changé prend du temps. La collecte de statistiques fiables sur le revenu national nécessite des mois de travail. Même alors, il faut du temps pour modifier la politique budgétaire. On ne peut pas mettre en application du jour au lendemain des plans de dépenses à long terme. Et une fois que le changement de politique a été mis en œuvre, il faut aussi du temps pour qu’il agisse sur les variables économiques et pour que les effets de la nouvelle politique se fassent sentir. C’est pourquoi les acteurs économiques prennent souvent des décisions intuitives qui ne sont pas nécessairement conformes à la réalité économique.

En sixième lieu, l’Etat est confronté à l’incertitude lorsqu’il doit décider de la mesure à adopter pour modifier la politique budgétaire. Le gouvernement ne connaît pas avec certitude la valeur des grandeurs économiques tel le multiplicateur. Il ne dispose que d’estimations établies sur la base de données historiques. Des erreurs dans l’estimation du multiplicateur donnent lieu par exemple à de mauvaises décisions dans la modification de la politique budgétaire nécessaire pour changer d’un montant donné le revenu d’équilibre. De plus, comme les effets de la politique budgétaire ne se font pas ressentir rapidement, le gouvernement peut anticiper le niveau qu’atteindra la demande globale lorsque la politique budgétaire jouera à plein. Si l’investissement, faible aujourd’hui, est sur le point d’augmenter, il serait inutile d’engager maintenant une politique budgétaire expansionniste. Des erreurs dans la prévision des variables de la demande autonome (comme l’investissement) peuvent conduire à de mauvaises décisions concernant les modifications budgétaires nécessaires en ce moment.

En dernier lieu, l’Etat peut refuser d’adopter une politique budgétaire expansionniste lorsque le chômage est élevé car l’économie est en plein emploi. Dans ce cas, des gens sont au chômage et des machines sont inactives uniquement parce que des offreurs de travail et de produits ne souhaitent pas proposer les services de leurs facteurs aux salaires et rendements du marché. Il n’existe pas dans ce cas de ressources oisives à mobiliser par un accroissement de la demande globale. Si la combinaison du chômage élevé et du bas niveau de production ne résulte pas d’une chute de la demande globale, mais d’un moindre désir de travailler ou d’offrir des biens et services, le gouvernement conclut qu’une politique budgétaire expansionniste est inutile.

Notes
226.

Le déficit budgétaire correspond au solde négatif du budget de l’Etat. Toutefois, le chiffre du déficit ne signifie pas grande chose en lui-même, car la conjoncture économique influe tant sur les rentrées fiscales que sur les dépenses. Un ralentissement de la croissance réduit les recettes et accroît automatiquement les dépenses. Les économistes isolent ces effets dans un solde dit « conjoncturel ». L’écart entre le « solde primaire » et le « solde conjoncturel » correspond au « solde primaire structurel » et résulte des choix de politique budgétaire.

227.

Krugman et Obstfeld (2000), page 520.