Les effets des chocs monétaires sur le revenu en PtM

Nous avons déjà vu dans le Chapitre (1) que le PtM provoque des déviations à la parité de pouvoir d’achat. Betts et Devereux (2000) montrent que ces déviations réduisent la corrélation entre les consommations, nationale (qui augmente durablement) et étrangère (qui diminue légèrement ou reste constante). De même, elles augmentent la corrélation entre les productions, nationale et étrangère, qui augmentent durablement. Betts et Devereux montrent aussi que, « plus le degré de PtM est élevé, moins la corrélation est importante entre les consommations des deux pays, et plus la corrélation est forte entre leurs revenus » 257 .

Quels sont les effets des chocs monétaires sur la consommation étrangère ? Lorsque (s  0), les consommations, domestique et étrangère, augmentent. Selon Betts et Devereux, « il paraît intuitivement que l’indice des prix étrangers à la consommation diminue dans le cas d’une forte transmission de la dépréciation de la monnaie nationale, provoquant ainsi une hausse de la consommation étrangère à travers l’équilibre du marché de la monnaie » 258 . Mais lorsque (s) augmente, le degré de report des variations de change sur les prix à l’exportation diminue, et la portée du choc monétaire sur la consommation étrangère faiblit, alors que l’effet sur la consommation nationale s’intensifie. Lorsque (s  1), la réaction de la consommation nationale est telle que (Ĉt = M t). Ainsi, pour Betts et Devereux, « lorsque (s 1), (Ĉ t ) augmente mais (Ĉ t+1 ) ne change pas. Le taux d’intérêt réel national diminue alors, mais le taux d’intérêt réel étranger reste constant car la consommation étrangère n’est pas affectée durant les deux périodes » 259 . Rappelons que (Ĉt) est la consommation relative en (t), et (Ĉt+1) la consommation relative en (t + 1).

Nous avons déjà vu que, si nous intégrons l’asymétrie des comportements de fixation de prix dans l’étude de la transmission internationale des chocs monétaires, l’effet d’un choc monétaire sur la consommation dépend des valeurs de (s1) et (s2). Contrairement aux résultats de Betts et Devereux (2000), pour qui la consommation étrangère diminue légèrement ou reste constante suite à un choc d’offre de monnaie dans Nation, Otani (2002) montre que « la consommation étrangère augmente » 260 . Pour lui, le taux d’accroissement de la consommation étrangère diminue quand (s1) augmente, et augmente quand (s2) augmente. Quand (s1) augmente sensiblement, l’appréciation de la monnaie étrangère affecte très légèrement les prix étrangers à l’importation, qui diminuent faiblement. Le niveau général des prix étrangers diminue légèrement, et le taux de croissance du revenu étranger réel augmente peu. L’accroissement de la consommation étrangère diminue. Quand (s2) augmente sensiblement, les prix domestiques à l’importation augmentent peu. Le niveau général des prix domestiques augmente très légèrement. Le taux de croissance du revenu national augmente, et les consommateurs de Nation achètent davantage de produits étrangers (disponibles aux mêmes prix). Cela conduit à une hausse de la demande nationale pour les produits étrangers. Si l’accroissement de la demande domestique pour les produits étrangers est supérieur à la variation du taux de change supportée par les firmes étrangères, le taux de croissance du revenu étranger réel augmente et conduit à un accroissement du taux de croissance de la consommation étrangère.

Tableau (6) : L’effet d’un choc monétaire sur la consommation étrangère en cas d’asymétrie dans la fixation des prix à l’exportation
Consommation étrangère (Ct*) Effet Positif (y compris 0) :
(∂Ĉt*/∂M t) ≥ 0
Augmentation de (s) Baisse du taux de croissance
(si s = 1, Ĉt*=0)
Augmentation de (s*) Accélération du taux de croissance

Source : Otani (2002), page 17

Quels sont les effets des chocs monétaires sur le revenu étranger ? Pour Betts et Devereux, le travail étranger est déterminé par la condition suivante.

h* = (1 – s)y* + s(x* + z*)

La réaction du revenu étranger s’écrit comme suit.

h t* = Ĉt w – n(1 – s) ρêt

Lorsque (s  0), un choc monétaire national réduit le revenu étranger, car la hausse du taux de change détourne la demande étrangère vers les produits domestiques. Pour Betts et Devereux, « bien que l’effet des chocs monétaires sur la transmission internationale de la consommation soit positif, l’effet sur la transmission internationale de la production est négatif » 261 . Mais lorsque (s  1), le choc monétaire exerce un effet positif sur le revenu étranger. Lorsque (s) augmente, la transmission des variations de change aux prix relatifs est plus faible dans les deux pays. L’effet sur les revenus des deux pays est dicté par la croissance directe de la consommation nationale. Lorsque (s = 1), l’accroissement de la demande pour les produits domestiques et étrangers est identique. Le revenu réel augmente du même montant (Ĉt w) dans les deux pays. Pour Betts et Devereux, « le PtM réduit les corrélations entre les consommations, mais accroît les corrélations entre les productions » 262 . Les variations de la production et de la consommation peuvent être interprétées en fonction de l’ajustement des termes de l’échange. Lorsque (s = 1), une expansion monétaire accroît le revenu étranger de (nM t), mais détériore les termes de l’échange, pondérés par la part des exportations (n) dans le PNB, de (M t). Ainsi, la détérioration des termes de l’échange efface l’accroissement de la production étrangère et laisse le revenu étranger invariant. Dans Nation, la combinaison de l’augmentation du produit de (nM t) et de l’appréciation des termes de l’échange provoque une augmentation du revenu de (M t). Betts et Devereux (1999) parviennent à un résultat similaire et montrent que les productions des deux pays augmentent du même montant, mais que le revenu national reste supérieur au revenu étranger pour une période car l’investissement national augmente suite au choc monétaire. Contrairement aux résultats de Mundell (1968) et d’Obstfeld et Rogoff (1995), une dépréciation de la monnaie en PtM n’exerce pas d’effet négatif sur le revenu étranger (Betts et Devereux, 1999) 263 .

Tableau (7) : Les effets d’un choc monétaire en PtM
Tableau (7) : Les effets d’un choc monétaire en PtM

En introduisant l’asymétrie des comportements de fixation de prix dans l’étude de la transmission internationale des chocs monétaires, le revenu étranger augmente ou diminue suite à un choc monétaire dans Nation. Ce résultat diffère de celui de Betts et Devereux (2000), pour qui la production étrangère augmente suite à un choc monétaire domestique ou étranger. Otani (2002) montre que le taux de décroissance du revenu étranger diminue lorsque (s1) augmente, et que le taux de croissance de ce revenu augmente lorsque (s2) augmente. Lorsque (s1) augmente, les prix étrangers à l’importation ne diminuent pas sensiblement, et la demande étrangère est faiblement détournée vers la production domestique. Le revenu étranger diminue légèrement, et le taux de baisse de ce revenu diminue au fur et à mesure que (s1) augmente. Lorsque (s2) augmente, les prix étrangers à l’exportation augmentent légèrement, et le détournement de la demande nationale vers les produits domestiques recule. Avec la hausse de (s2), les consommateurs de Nation, détenant plus liquidités et disposant d’un revenu réel plus élevé, augmentent leurs achats de produits étrangers. Le taux de croissance du revenu étranger augmente en conséquence. Lorsque toutes les entreprises nationales et étrangères adoptent le PtM, c’est-à-dire lorsque (s1 = s2 = 1), les productions, nationale et étrangère, augmentent proportionnellement à l’accroissement de la consommation mondiale.

Les avancées d’Otani selon lesquelles le revenu étranger augmente ou diminue suite à une expansion monétaire sont contredites par Schmidt (2004), qui étudie la transmission internationale des chocs monétaires lorsque les entreprises nationales et étrangères adoptent un comportement de pricing asymétrique (PCP versus PtM). Ainsi, lorsque les entreprises américaines vendent en dollars et que les entreprises du reste du monde libellent leurs ventes dans leur propre monnaie (l’euro dans le modèle), le revenu étranger, ainsi que la demande étrangère, augmentent. Schmidt montre qu’« une expansion monétaire américaine conduit à une expansion économique du revenu et de la demande nationale et étrangère » 264 . Plus la part des importations est élevée et la substitution entre les produits domestiques et étrangers est faible, plus l’effet du choc monétaire américain sur le revenu étranger est important.

Schéma (12) : L’effet d’un choc monétaire sur le revenu étranger en cas d’asymétrie dans la fixation des prix à l’exportation
Schéma (12) : L’effet d’un choc monétaire sur le revenu étranger en cas d’asymétrie dans la fixation des prix à l’exportation
Notes
257.

Betts et Devereux (2000), page 1.

258.

Betts et Devereux (2000), page 17.

259.

Betts et Devereux (2000), page 18.

260.

Otani (2002), page 17.

261.

Betts et Devereux (2000), page 18.

262.

Betts et Devereux (2000), page 18.

263.

Lorsque (s = 0), la production nationale augmente, et la production étrangère diminue à cause du détournement de la demande. Cependant, les consommations, domestique et étrangère, augmentent, mais la consommation domestique excède la consommation étrangère à cause du surplus initial de la balance courante résultant du choc monétaire. Les taux d’intérêt réels diminuent dans les deux pays et stimulent l’investissement dans chacun d’eux.

264.

Schmidt (2004), page 3.