1.2. Les effets permanents des fluctuations de change

Pour certains chercheurs, le lien entre le taux de change et les prix des biens commerciaux peut s’actualiser dans un environnement d’hystérésis. Cet environnement apparaît lorsqu’il existe une inertie dans les actions du marché des biens et lorsque les fluctuations de change sont la source de l’hystérésis.

Du côté de la demande, la loyauté à la marque peut transmettre l’inertie du marché. En duopole, l’action des entreprises durant la première période d’un modèle à deux temps dépend des valeurs anticipées du taux de change, notamment du fait que ces valeurs soient permanentes ou temporaires. Si la livre libanaise s’apprécie et que cette appréciation est perçue comme temporelle, les profits exprimés en dollars des entreprises libanaises seront plus valorisés que les profits futurs. L’augmentation de la marge bénéficiaire est dans ce cas plus attrayante que la baisse du prix en livres libanaises du même pourcentage de la variation du taux de change.

Du côté de l’offre, l’inertie des actions du marché est due, d’après Sabiston, au fait que « des coûts irrécupérables peuvent contribuer aux effets persistants sur les structures du marché une fois que les taux de change reprennent leurs niveaux initiaux » 285 . En conséquence, les changements dans le degré de concurrence dans un secteur affectent le pass-through du taux de change (Krugman et Baldwin, 1987).

Baldwin (1988) intègre l’hystérésis en prix dans la littérature du pass-through. Il établit un modèle de coûts irrécupérables, et suppose que les firmes nationales et étrangères s’engagent dans la concurrence à la Cournot 286 . Les firmes décident d’entrer sur le marché lorsque les profits courants et futurs dépassent la somme des coûts irrécupérables originaux et des coûts de gestion ultérieurs.

Ohno (1990) étudie les différents degrés de pass-through résultant des comportements des exportateurs américains et japonais durant les années quatre-vingt, caractérisées par de grandes fluctuations des taux de change. Il associe l’horizon de planification des entreprises à la présence d’hystérésis, qui correspond à une part invariable du marché. Les entreprises sont par conséquent contraintes d’engager des coûts promotionnels importants pour réduire l’inertie du marché et augmenter le volume d’affaires d’une période à une autre. Ohno utilise les coûts promotionnels pour construire un modèle de duopole à la Cournot, avec deux firmes, dont l’une est domestique (américaine) et l’autre étrangère (japonaise). Les rendements d’échelle sont constants. D’après Sabiston, Ohno montre qu’« en cas de faibles fluctuations du taux de change, aucune des firmes ne réagit puisque les coûts promotionnels l’emportent sur le gain tiré de l’augmentation de la production » 287 . Lorsque les fluctuations de change augmentent, les entreprises japonaises ajustent leurs productions. Si ces fluctuations continuent à augmenter, les entreprises japonaises et américaines ajustent leurs productions. Enfin, si les fluctuations deviennent excessivement fortes, les firmes japonaises se retirent du marché américain.

Notes
285.

Sabiston (2001), page 7.

286.

La concurrence à la Cournot s’inscrit sur le plan théorique dans le cadre de l’oligopole. Cette concurrence se produit par les quantités. Les entreprises présentes sur le marché connaissent exactement la demande du marché et les capacités productives de leurs concurrents. Le bien proposé par les quelques entreprises est identique. Chacune peut par conséquent exercer un effet sur le prix du marché. Cette situation crée un jeu stratégique où les entreprises s’adaptent au marché et fixent leurs productions respectives en fonction de la production des autres entreprises. Elles obtiennent ainsi la quantité de production optimale qui leur permet de maximiser leurs profits.

287.

Sabiston (2001), page 9.