Depuis le 1er août 1966, les sommes quotidiennes retirées de la Banque Intra dépassaient les sommes déposées. Cela a conduit à une baisse des dépôts, baisse encouragée quelques semaines plus tard par des rumeurs d’une crise à la banque. Plusieurs banques locales et étrangères retirèrent alors leurs dépôts (environ 18 millions de livres libanaises). Les petits épargnants suivirent le mouvement et retirèrent 52 millions de livres en 12 jours (du 3 octobre au 14 octobre 1966).
Entre-temps, sur fond de hausse des taux d’intérêt à l’étranger, suite à l’augmentation des taux aux Etats-Unis et ensuite en Europe occidentale (les taux ont atteint dans certains pays les 10%), les clients des banques libanaises commencèrent à transférer une partie de leurs avoirs vers les banques américaines, britanniques, etc. Comme Intra était la plus grande banque de la place, et comme les rumeurs continuaient à circuler, les retraits auprès de ses agences étaient supérieurs aux retraits des clients auprès des autres banques (Iskandar et Ouwaïss, 2002).
Le 6 octobre 1966, la direction d’Intra demanda l’aide de la banque centrale, qui lui accorda des facilités de 15 millions de livres sur un an pour un taux d’intérêt de 7%. En revanche, la banque a donné des garanties réelles à la Banque du Liban.
Suite à cet accord, Intra commença à payer ses déposants, mais les 15 millions expirèrent et la banque demanda une rallonge de 8 millions à la Banque du Liban, qui refusa. Entre-temps, la direction d’Intra essaya de transférer une partie de ses dépôts à New York vers ses comptes à Beyrouth. Mais, comme les taux continuaient à augmenter aux Etats-Unis, les grands déposants américains (comme Chase Manhattan Bank et First National City Bank) avaient retiré une grande partie de leurs dépôts auprès d’Intra pour les placer auprès d’autres institutions financières. Intra s’est trouvée alors dans une situation très difficile et annonça la cessation des paiements le samedi 15 octobre 1966. La crise se propagea aux autres banques, car les déposants ont accéléré leurs retraits suite à la décision d’Intra 421 .
La cause principale de la faillite de la Banque Intra est la transmission internationale du choc monétaire américain de 1966 au Liban. D’autres facteurs intérieurs ont aggravé aussi la crise et accru les difficultés de cette institution financière (notamment la mauvaise répartition des crédits et des dépôts en fonction de leurs échéances).
Le 4 janvier 1967, le tribunal du commerce déclara la faillite d’Intra. Cette décision est très dure dans les normes actuelles, puisque le total des actifs de la banque telles que évaluées par les experts s’élevaient à 608 millions de livres, contre un total passif de 651 millions de livres, soit un déficit de 43 millions (6,6%) seulement. La banque centrale aurait pu prêter cette somme à Intra. Elle aura ainsi fait éviter au pays une crise bancaire et financière sérieuse.