La réaction de la livre par rapport au dollar suite au choc monétaire US

Suite au choc monétaire américain restrictif, qui a donné lieu à une hausse des taux d’intérêt américains et internationaux, et comme la banque centrale du Liban ne disposait pas des moyens (ni de la volonté) d’intervenir sur le marché des changes pour soutenir la monnaie nationale, la livre libanaise s’est dépréciée, et le cours de change est passé de 3,11 livres pour un dollar fin avril 1966 à 3,20 au cours du mois de septembre 1966. Sur un an, le taux de change moyen est passé de 3,07 en 1965 à 3,13 en 1966. Le cas du Liban est compatible avec les résultats de Mackowiak, qui défend la thèse selon laquelle les monnaies des pays émergents se déprécient suite à une contraction monétaire américaine.

La dépréciation de la livre peut être attribuée à la hausse du taux d’intérêt international et à la sortie des capitaux. En régime de change flottant, la monnaie ne peut que se déprécier pour maintenir l’équilibre.

Entre septembre 1964 et mars 1966, le cours de change a fluctué entre 3,05 et 3,09 comme le montre le graphique (59). Ce n’est qu’à partir d’avril 1966, c’est-à-dire quelques semaines après l’apparition des premiers signes de la contraction du crédit aux Etats-Unis, que le taux de la livre a commencé à augmenter. En l’absence de toute crise économique intérieure ou choc monétaire domestique au Liban (la crise de liquidité et la faillite de la Banque Intra ont eu lieu fin septembre 1966), il est vraisemblable que la livre s’est dépréciée sous l’effet de la transmission internationale du choc monétaire américain à l’économie libanaise. Toutes les études portant sur l’économie libanaise dans les années 1960 affirment que la dépréciation de la livre est due à la hausse des taux d’intérêt internationaux, ainsi qu’à la crise de liquidité résultant de la hausse des taux internationaux (Gaspard, 2004), (Iskandar et Ouwaïss, 2002), (Corm, 2002), etc.

Suite au choc monétaire américain, la livre a commencé à se déprécier. Au fur et à mesure que le taux d’intérêt international augmentait et que les taux d’intérêt libanais suivaient le rythme « partiellement » comme nous avons déjà vu, les sorties de capitaux se multipliaient et le taux de change augmentait. Le graphique (59) montre clairement l’évolution « croissante » du cours de la livre. A l’excepté du mois de septembre 1966, où la livre s’est dépréciée davantage par rapport à sa trajectoire d’évolution (il s’agit d’une dépréciation supplémentaire due à la crise de liquidité), nous pouvons constater les effets considérables du choc restrictif américain sur le cours de la monnaie nationale. Ce n’est qu’à partir d’octobre 1967 que le taux de change a commencé à diminuer.

Le graphique (59) montre, qu’à partir d’octobre 1967, le taux de la livre par rapport au dollar a commencé à diminuer, pour se stabiliser fin juillet 1968 à 3,17. Le cours de change mensuel moyen s’est établi à 3,17 livres entre mi-juillet et fin novembre, soit une fluctuation de 0% en environ cinq mois. Le taux de 3,17 livres peut être considéré comme le cours de la livre lorsque l’équilibre avec prix flexibles a été atteint, c’est-à-dire lorsque les prix se sont ajustés à leur niveau en longue période suite au choc monétaire américain. Cette conclusion concorde avec les avancées de Stockman et Obstfeld (1985) dans le cas d’une petite économie ouverte en change flottant, PCP et prix rigides. Notons que le niveau le plus bas lors de la baisse du taux de la livre a été atteint en janvier et février 1968 (3,13 livres), avant que le cours ne remonte graduellement à 3,17.