3. La transmission internationale du choc de 2001 à l’économie libanaise

L’économie libanaise a connu entre 1993 et 1997 une croissance ininterrompue, due surtout au regain de confiance dans l’économie, aux projets de reconstruction et au rétablissement de l’infrastructure (électricité, routes, écoles, hôpitaux, etc.). Cette croissance était fondée sur deux stratégies : un régime de change stable et un programme d’expansion économique ambitieux. Selon Gaspard (2004), « les deux politiques ont été mises en place, mais le résultat était bien différent des projections » 426 .

Des difficultés ont eu lieu en 1995 et 1996, dues à des tiraillements politiques et aux attaques israéliennes sur l’infrastructure nouvellement établie. Mais ces difficultés n’ont pas entravé la croissance, et les investissements ont continué d’affluer vers le pays. A son tour, la demande pour la monnaie nationale n’a pas cessé. En conséquence, les réserves en devises étrangères de la banque centrale ont poursuivi leur augmentation, et la balance des paiements a enregistré fin 1996 un excédent de 786 millions de dollars (contre 256 millions en 1995).

La crise asiatique de 1997 (qui a commencé en Thaïlande et s’est propagée aux pays du Sud Est asiatique) n’a pas eu d’effets sur l’économie libanaise à cause de l’absence de liens entre les marchés financiers de ces pays (la Thaïlande, l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, la Corée du Sud) et le Liban. La stabilité du taux de change ne fut menacée que durant le 2ème trimestre de 2002 (la crise n’a jamais eu lieu grâce aux mesures prises par la banque centrale et aux prêts des pays donateurs lors de la conférence Paris II) 427 .

A partir de 1998, l’économie entra dans une phase de récession. Les élections présidentielles et le changement du gouvernement de M. Hariri par celui de M. Hoss (mettant en place une politique économique restrictive pour contrecarrer la hausse de la dette publique et réduire la corruption) ont conduit à une contraction dans l’économie, ainsi qu’à la baisse de la consommation et des investissements 428 .

Selon des sources non officielles (Iskandar et Ouwaïss, 2002), le taux de croissance réel du PIB a baissé de 12,3% en 1993 à 8% en 1994. Il a atteint 6,5% en 1995, 4% en 1996 et 1997, 3% en 1998, 1% en 1999 et 0% en 2000 429 .

Ainsi, fin 2000, la croissance économique était au plus bas (selon certaines estimations, la croissance était même négative). En même temps, le déficit budgétaire et la dette publique continuaient d’augmenter, relevant les taux d’intérêt intérieurs en livres libanaises et en dollars. C’est dans ces circonstances défavorables à l’économie libanaise que le choc monétaire américain du 3 janvier a eu lieu. Ce choc affecta pendant des mois les taux d’intérêt (en les réduisant) et provoqua un retournement dans la tendance baissière de l’économie libanaise (le PIB réel enregistra fin 2001 une croissance de 1,5%).

Nous étudions dans cette partie, à l’aide des modèles théoriques des Chapitres (1) et (2), les effets du choc monétaire américain de 2001 sur les variables réelles et nominales libanaises : taux d’intérêt, revenu national, balance courante, taux de change.

Notes
426.

Gaspard (2004), page 213.

427.

Les chiffres de 1997 montrent que la liquidité du secteur bancaire (15% en devises étrangères, ratio de liquidité égal à 14,5% et bien au-delà des normes internationales, rapport dépôts/crédits égal à 55% seulement) lui a permis d’absorber les effets de la crise asiatique. Malgré cette crise, les dépôts des non résidents ont augmenté en 1997 (35% à la fin du premier trimestre, 65% en décembre 1997 par rapport à décembre 1996).

428.

Fin 1997, le déficit budgétaire dépassa les 50% (59% d’après les publications de la Banque Mondiale). Afin de réduire le coût de ses emprunts, le gouvernement libanais s’adressa aux marchés internationaux en empruntant en devises.

429.

En revanche, les dépôts bancaires ont continué à augmenter : 13,39 milliards de dollars en 1994, 14,46 milliards en 1995, 18,24 milliards en 1996, 22,08 milliards en 1997, 25,74 milliards en 1998.