3.3. Les effets du choc monétaire américain sur la balance courante du Liban

Nous avons déjà évoqué la question du manque d’informations sur l’économie libanaise 439 . Selon Bhattacharya (2003), « dans le cas du Liban, le manque de données ne permet pas d’étudier empiriquement l’élasticité des exportations aux variations du taux de change effectif réel » 440 . Cependant, nous essayerons de mesurer les effets du choc monétaire américain sur la balance courante du Liban d’après les statistiques disponibles.

Malgré la fixité du taux de change, la balance courante du Liban s’est améliorée en 1998, en enregistrant un déficit inférieur à celui de 1997 (baisse de 7% du déficit en 1998 contre une hausse de 0,6% en 1997). Cette amélioration s’explique en premier lieu par la baisse des importations, qui est due à la contraction du revenu national 441 et à l’appréciation de la livre (arrimée au dollar) par rapport aux monnaies européennes et au yen 442 . Elle s’explique en second lieu par la hausse des exportations (+11,4% en 1998 contre –17% en 1997).

Tableau (52) : L’évolution de la balance courante entre 1996 et 2000
En millions de $ 1996 1997 1998 1999 2000
Exportations 734 642 661 677 714
Importations 7 559 7 456 7 060 6 206 6 228
Balance courante –6 825 –6 814 –6 399 –5 529 –5 514
Taux de couverture en % 9,71% 8,61% 9,36% 10,91% 11,46%

Source : D’après le Rapport Mensuel de l’Association des Banques (2001), pages 28 – 29

La contraction continue du taux de croissance du revenu national a réduit graduellement les importations. En même temps, la livre s’appréciait par rapport aux autres monnaies (à cause de l’appréciation du dollar sur le marché international des devises). La rétraction relative de l’écart entre les exportations et les importations a conduit à la réduction du déficit de la balance courante (voir le graphique 73).

Graphique (72) : L’évolution de la balance courante (en millions de $) avant le choc monétaire US
Graphique (73) : L’effet du choc monétaire US sur la balance courante libanaise (en millions de $)

Fin 2001, c’est-à-dire un an après le choc monétaire américain, la balance courante du Liban a enregistré un solde négatif s’élevant à 6,4 milliards de dollars, soit une hausse de 16,10% par rapport à son niveau en 2000. Mais si le déficit de cette balance s’est accru la première année conformément à la théorie de la courbe en (J), les exportations ont considérablement augmenté en 2001, en enregistrant une hausse de +24,51% (contre 5,47% seulement en 2000). Ce résultat est en phase avec les avancées théoriques que nous avons exposées dans le Chapitre (2), sauf que, dans le cas libanais, la réaction des échanges au choc monétaire US a été rapide (on s’attend en général à une réaction différée d’environ un an des exportations).

Autrement dit, le déficit accru de 2001 s’explique par la hausse des importations. Cette hausse est due, il s’agit là d’une particularité libanaise, à la hausse du revenu national. Comme le revenu et les importations varient dans le même sens dans le cas du Liban, les effets positifs du choc US sur l’économie libanaise n’ont fait qu’accroître les importations (au lieu de les diminuer comme c’est le cas dans d’autres pays), et ce malgré l’appréciation entre janvier et juillet 2001 de la livre (qui suit le dollar) par rapport aux partenaires commerciaux du Liban. C’est pourquoi la courbe en (J) a été affaiblie. En plus, on l’a déjà dit, l’environnement PtM dans lequel se trouve l’économie libanaise réduit les effets de la transmission internationale des chocs monétaires sur la courbe en (J) et l’affaiblit (voir le graphique 74).

Tableau (53) : L’effet du choc monétaire US sur la balance courante du Liban
En millions de $ 2000 2001 2002 2003 2004
Exportations 714 889 1 045 1 524 1 747
Importations 6 228 7 291 6 445 7 618 9 397
Balance courante –5 514 –6 402 –5 400 –5 644 –7 650

Source : D’après les publications de la Banque du Liban

Graphique (74) : L’évolution de la balance courante suite au choc monétaire US (en millions de $)

Les entreprises libanaises vendent en général dans la monnaie du pays de l’acheteur. Si nous supposons que le taux de PtM (s2) pratiqué par ces entreprises est proche de (1), et si nous tenons compte du fait que le taux de PtM (s1) pratiqué par les entreprises américaines au Liban est également proche de (1) (vu que les importations sont libellées en PtM), nous trouvons que le cas du Liban corrobore les avancées d’Otani (2002) selon lesquelles, suite à un choc monétaire dans Nation (Etats-Unis), la balance courante d’Etranger (Liban) enregistre un accroissement de son déficit (ou une baisse de son surplus 443 ).

Notes
439.

Pour une revue des difficultés d’obtention de données sur l’économie libanaise, voir le rapport du FMI : Country Report No. 04/313 (2004).

440.

Bhattacharya (2003), page 11.

441.

Les importations et le revenu évoluent dans le même sens au Liban.

442.

Les importations du Liban proviennent principalement d’Europe.

443.

La réalisation d’un surplus n’est pas le cas du Liban, qui a une balance commerciale déficitaire de manière permanente.