Annexe (9) : Quel régime de change pour le Liban ?

Certains économistes croient que le régime de change flottant convient mieux au Liban. Bhattacharya (2003) soutient par exemple l’idée selon laquelle la grande concentration des exportations libanaises (en termes de produits et de marchés destinataires) est un argument en faveur d’un régime de change plus flexible 457 . Pour les défenseurs des changes flottants, la fin des changes fixes actuellement en place permettrait de réduire le chômage, en abaissant le prix relatif des produits domestiques et en augmentant la demande mondiale pour les produits libanais. D’après leur raisonnement, les changes flottants protègeraient le pays des chocs monétaires externes, comme par exemple l’inflation importée depuis quatre ans à cause de la dépréciation du dollar face à l’euro. Les taux de change flottants permettraient également un ajustement rapide aux chocs économiques, en absorbant les effets sur l’emploi de la baisse de la demande pour les exportations libanaises et en réduisant le déficit de la balance commerciale.

Nous croyons que ces arguments ne sont pas d’actualité dans le cas du Liban. Le gouvernement a pris l’habitude de s’endetter et de financer ses besoins par recours à l’emprunt. L’adoption d’un régime de change flottant le libérerait de la nécessité de se préoccuper de la perte de réserves étrangères et le conduirait à s’engager davantage dans des politiques expansionnistes qui provoqueraient une forte inflation. Le taux de change fixe limite la spéculation sur les modifications dans les taux, qui pourrait conduire à l’instabilité sur le marché des changes et qui provoquerait des effets négatifs sur l’équilibre intérieur et extérieur. En cas de change flottant, les modifications du taux auraient des effets macroéconomiques étendus, et la banque centrale se sentirait, dans l’état actuel de déficit budgétaire et de dette publique, dans l’obligation d’intervenir sur le marché des changes, ce qui accroîtrait l’incertitude sans donner réellement une autonomie plus grande à la politique monétaire. Dans un pays comme le Liban, où les importations constituent une part importante de la consommation intérieure et des échanges internationaux, la réaction des prix domestiques aux variations du taux de change est rapide, et les effets sur le pouvoir d’achat sont significatifs. En abandonnant la fixité du taux de change, le Liban renoncerait aux bénéfices de la prévisibilité de la valeur de sa monnaie sur le commerce et l’investissement. Les insinuations selon lesquelles les changes flottants permettraient de réduire la dette publique ne sont pas réalistes : au 30 novembre 2003, la dette interne représentait 52,8% de la dette totale, contre 47,2% pour la dette externe. En cas de dépréciation de la monnaie, la baisse de la dette interne sera compensée par la hausse de la dette externe !

Dans le contexte économique actuel du Liban, le régime de change fixe crée un environnement plus favorable à la discipline budgétaire et à un faible niveau d’inflation. Cela permet de maintenir la stabilité des prix et de préserver l’équilibre du secteur bancaire. Les appels au flottement de la monnaie sont inconsistants à l’heure actuelle. Il faudrait, avant de passer à un autre régime de change, réduire le déficit budgétaire, rembourser une partie de la dette publique et revenir à la croissance.

Notes
457.

Lorsque la production et les exportations d’un pays sont diversifiées, un choc dans une industrie particulière n’affecte pas l’ensemble de l’économie, car la contribution de cette industrie au revenu national est limitée. Cela n’est pas vrai dans le cas du Liban où quelques industries seulement produisent la plus grande partie des biens et services et où les marchés destinataires sont restreints (Moyen-Orient et Europe). De même, les exportations du Liban sont limitées en volume (approximativement 1 milliard de dollars). Par conséquent, la thèse de la concentration des exportations est un argument faible pour défendre la flexibilité du régime de change.