Partie 1
Cadre théorique

Chapitre 1 : Les pratiques d’évaluation dans les classes

1. Quelle évaluation ?

1.1. Les différents champs de recherche sur l’évaluation

Lorsqu’on essaye de faire un état des lieux des recherches sur l’« évaluation » en éducation, on se rend compte qu’il existe de nombreux types d’évaluation et de nombreuses approches théoriques. Nous essayons ici de montrer la variété des recherches afin de mieux situer notre étude. L’évaluation ne désigne notamment pas seulement l’évaluation des élèves. Nous commençons donc notre tour d’horizon par quelques exemples d’évaluation relative à l’éducation dont l’objet n’est pas les élèves puis nous considérons ensuite les travaux portant sur l’évaluation des élèves mais présentant des perspectives très variées.

Le processus d’évaluation se retrouve à différents niveaux du système éducatif. On trouve ainsi des travaux sur l’évaluation des systèmes éducatifs nationaux ou régionaux, l’évaluation des enseignants, l’évaluation des méthodes d’enseignement. Nous évoquons ici quelques exemples de recherches sur l’évaluation des systèmes éducatifs car ce type de recherche se fait souvent par l’intermédiaire de l’évaluation des élèves. Les enquêtes internationales telles que PISA et TIMSS permettent de comparer les performances des élèves entre différents pays. Elles ont donné lieu à de nombreux rapports et articles (Beaton, 1998 ; OCDE, 1999, 2003 ; Harlen, 2001 ; Meuret, 2003). Il est important de mesurer le rôle que prennent aujourd’hui ces évaluations dans les choix des politiques d’éducation. L’efficacité du système éducatif d’un pays est essentielle. C’est pourquoi l’évaluation du système éducatif français donne régulièrement lieu à des rapports du ministère de l’Education Nationale. Les évaluations nationales telles que le bac, le brevet ou encore les évaluations d’entrée en classes de 6ème ou de CE2 peuvent aussi servir à évaluer le système éducatif même si ce n’est pas leur fonction principale. Elles font l’objet d’analyses statistiques afin de dresser des bilans annuels (Bonnet, 1996 ; Levasseur, 1996). La Direction de l’Evaluation et des Prospectives édite régulièrement des notes et dossiers sur l’évaluation. L’Inspection Générale de l’Education Nationale a aussi publié un rapport des pratiques d’évaluation des enseignants français (Doml et Wieme, 1998).

Une recherche sur la littérature montre la complexité de l’évaluation des élèves, qui peut être approchée de manières diverses par différentes disciplines et nous illustrons ce point ci-dessous. Nous abordons quelques-unes unes de ces disciplines en donnant des exemples de recherches qui nous paraissent importantes.

En histoire de l’éducation, certaines recherches ont montré l’évolution historique de la place et de la mise en pratique de l’évaluation dans le système scolaire. Un numéro entier de la revue Histoire de l’éducation est ainsi consacré à l’examen (Belhoste, 2002). On note aussi dans ce domaine des recherches plus spécifiques comme le travail de Hulin (1992) sur le problème de physique au xix e et xx e siècles.

D’un point de vue sociologique, d’autres recherches se sont intéressées par exemple aux problèmes d’équité, d’égalité et de justice, ou encore à l’influence du milieu social ou du genre dans les performances scolaires (Merle, 1998). Des thématiques telles que la fabrication des inégalités et de l’échec scolaire ont été abordées par Perrenoud (1984, 1998b).

En sciences de l’éducation, de nombreux travaux ont étudié l’évaluation. D’un point de vue philosophique, les processus d’évaluation ont été abordés par une analyse des pratiques et des intentions qui les sous-tendent (Hadji, 1990). On trouve également de nombreux travaux sur l’évaluation formative (Bloom et al., 1971 ; Allal et al., 1979 ; Perrenoud, 1998a) qui s’inscrivent dans une perspective où l’erreur n’est plus considérée comme une faute mais comme un processus normal d’apprentissage et un indicateur précieux pour l’enseignant. Nous avons aussi constaté de nombreux travaux sur les différentes modalités d’évaluation (portfolio, évaluation authentique, auto-évaluation).

Il faut également noter l’influence des travaux en psychologie expérimentale qui ont enrichi les réflexions en montrant le rôle de la motivation ou de l’estime de soi dans les performances scolaires (Lieury et Fenouillet, 1997 ; Toczek et Martinot, 2004). La psychologie expérimentale a de plus joué un rôle très important dans le développement des tests et de la « mesure » en éducation.

La docimologie (« science des examens ») s’est précisément intéressée aux questions de mesure en évaluation et à la validité de ces mesures par des études statistiques.

En didactique des disciplines, il existe assez peu de travaux sur l’évaluation. Chevallard (1986) propose une analyse didactique des faits d’évaluation. Il faut noter également les travaux de Black (1998b) qui donnent une synthèse de l’ensemble des évaluations dans le système scolaire. En didactique des sciences, les acquis des élèves ont été l’objet de nombreuses recherches en didactique de la physique notamment dans le domaine de la mécanique (Hestenes et al., 1992 ; Millar, 2003). Des tests et de problèmes d’évaluation des connaissances des élèves ont été développés ou utilisés dans le cadre de travaux sur les conceptions (Erickson, 1980 ; Shayer et Wylam, 1982 ; Closset, 1983, 1989, 1992 ; Johsua et Dupin, 1986 ; Shipstone et al., 1988 ; Méheut, 1997). Afin de mieux comprendre ce qui se passe du côté de l’élève, les travaux sur la résolution de problème (Dumas-Carré et al., 1992) et sur la représentation des problèmes (Julo, 1995) proposent une approche cognitive de l’activité de l’élève pendant l’évaluation. L’évaluation des séquences d’enseignement a aussi été l’objet de recherches en didactique de la physique (Méheut et Psillos, 2004).

Nous ne pouvons pas prendre en compte la totalité de ces approches dans notre étude et nous présentons donc dans le paragraphe suivant les limites de notre étude ainsi que les principales approches que nous retenons.