4.1. Les différentes fonctions de l’évaluation

Nous avons vu que l’évaluation était orientée vers la prise de décision (Hadji, 1990). La nature de cette prise de décision va être déterminante dans la fonction de l’évaluation. Elle est notamment liée aux objectifs de l’enseignement et aux contraintes de l’institution.

Des travaux de recherche sur les fonctions de l’évaluation scolaire se sont développés avec l’évolution aussi bien des pratiques que des théories d’apprentissage. Ainsi a émergé une terminologie associée à ces différentes fonctions avec des termes tels que « évaluation formative », « évaluation sommative », « évaluation diagnostique ».

La notion d’évaluation formative est apparue dans le travail de Scriven (1967) à propos de l’évaluation des programmes (curricula). Elle est alors définie comme l’évaluation qui sert à déceler et à corriger les imperfections en cours de construction (De Landsheere, 1979). Suite aux travaux de Scriven, Bloom et al. (1971) ont été parmi les premiers à reprendre l’idée d’évaluation formative pour l’appliquer à l’évaluation des élèves. Bloom précise que le but, dans cette évaluation, n’est pas de noter ou de sanctionner l’apprenant mais d’aider l’apprenant et l’enseignant à se diriger vers la maîtrise. Il oppose cette évaluation formative à l’évaluation sommative, orientée vers une vérification du degré de maîtrise atteint sur l’ensemble d’un cours ou d’une partie substantielle de celui-là.

On aperçoit, parmi les travaux sur l’évaluation formative, des différences de signification même si tous s’accordent sur le fait qu’il s’agit d’une évaluation faite pendant l’enseignement et qui a comme fonction de comprendre les « erreurs » des élèves afin de rétroagir sur l’enseignement et l’apprentissage. Certains donnent une place privilégiée à l’élève dans cette évaluation formative (Allal, 1979 ; Hadji, 1990), d’autres mettent plutôt l’accent sur l’interaction en temps réel (Cardinet, 1986 ; Chastrette, 1989). Les définitions de plus en plus précises ont renforcé les limites de cette évaluation formative, creusant ainsi le fossé défini par Bloom entre les fonctions sommative et formative de l’évaluation. La différenciation de ces deux fonctions est liée à la définition accordée à chacune de celles-ci mais aussi à une vision théorique de l’apprentissage (Perrenoud, 1998a). Ainsi c’est la nature de la régulation qui va être comprise différemment par les auteurs. Certains auteurs ont adopté une définition moins stricte et considèrent que l’évaluation est formative à partir du moment où l'enseignant l'utilise en vue d’aider les élèves à apprendre (Black, 1998a ; Black et Wiliam, 1998 ; Perrenoud, 2001). Elle n’est alors plus incompatible avec la fonction sommative qui consiste à faire un bilan des acquis des élèves.

Aux fonctions formative et sommative vient s’ajouter une troisième fonction : il s’agit d’une évaluation ayant lieu avant l’enseignement et qui permet de vérifier les acquis initiaux des élèves en vue d’adapter l’enseignement. Selon Noizet et Caverni (1978), celle-ci intervient lorsque se pose la question de savoir si un sujet possède les capacités nécessaires pour entreprendre un certain apprentissage. Là encore, les définitions et même la terminologie associée va varier d’un auteur à l’autre, chaque auteur apportant quelques précisions : évaluation diagnostique (Bloom et al., 1971 ; Noizet et Caverni, 1978), évaluation pronostique (Allal, 1979), évaluation prédictive (Chastrette, 1989).

Ces fonctions ne sont pas associées à un exercice mais bien à l’objectif avec lequel l’enseignant va utiliser cet exercice. Hulin (1992) indique que, dès la première moitié du xix e siècle, la résolution des problèmes « sert en même temps à consacrer le savoir des élèves et à développer leur intelligence. »

De notre point de vue, cette terminologie découle d’une réflexion sur les pratiques d’évaluation mais relève plus des potentialités théoriques de l’évaluation que des pratiques concrètes des enseignants, tout du moins en France. Comme l’indiquent Noizet et Caverni (1978), si la distinction entre évaluations formative et sommative est claire sur le plan théorique, elle l’est nettement moins dans la pratique. Nous partageons ce point de vue. Notre objectif étant la production d’outils fonctionnels pour les enseignants, nous devons également prendre en compte la pratique effective des enseignants.