2.3. Les conceptions

Nous considérons qu’une conception est « un ensemble de connaissances ou de procédures hypothétiques que le chercheur attribue à l’élève dans le but de rendre compte des conduites de l’élève dans un ensemble de situations données » (Tiberghien et Vince, 2005). Nous avons retenu cette définition car elle met l’accent sur le fait que les conceptions sont une reconstruction du chercheur à partir de l’observation de l’élève et qu’elle regroupe sans distinction les comportements de l’élève. De plus, la définition indique que les conceptions ont un champ d’application limité (ensemble de situations données).

On trouve diverses appellations concernant les conceptions, parmi lesquelles : « alternative frameworks », « conceptions », « misconceptions », « preconceptions », « représentations ».

Beaucoup de travaux ont été menés sur les conceptions des élèves (Closset, 1983, 1989 ; Driver et al., 1985; Méheut et al., 1985; Viennot, 1998). En mécanique, on trouve de nombreuses publications qui reprennent les travaux antérieurs (Viennot, 1979 ; McDermott, 1983 ; McDermott, 1998). Nous ne retenons ici que certaines de ces conceptions, au vu du contenu en jeu dans la séquence d’enseignement.

En cinématique, la confusion entre la vitesse et la position, et encore plus fréquemment entre la vitesse et l’accélération a été observée chez de nombreux élèves, même après enseignement (McDermott, 1998).

En dynamique, de nombreux travaux ont mis en avant le raisonnement du type « le mouvement implique une force dans le sens du mouvement » (Viennot, 1979 ; Clément, 1982 ; Finegold et Gorsky, 1993 ; Palmer, 1997). Ces travaux montrent que, même après enseignement, les élèves ont encore des idées erronées en ce qui concerne le lien entre les forces et le mouvement, dont voici quelques exemples :

‘« Si un corps n’est pas en mouvement il n’y a pas de force qui s’exerce sur ce corps. »’ ‘« S’il n’y a pas de force qui s’exerce sur un corps, ce corps est au repos ou ralentit. »’ ‘« Si un corps est en mouvement il y a une force qui s’exerce dans le sens du mouvement. »’ ‘« Un mouvement uniforme nécessite une force constante. »’ ‘« Un mouvement accéléré nécessite une augmentation de la force. »’

Une autre conception classique chez les élèves est l’existence d’une force intrinsèque à l’objet. Cette force appelée force interne (Vosniadou, 1994) se distingue des forces « acquises », exercées sur l’objet par des agents externes. Il existe parfois une confusion entre la force de gravité et la force interne.

McCloskey (1983) met en relation les erreurs décelées dans des réponses et la théorie de l’impetus. Il s’agit d’une théorie développée au Moyen-Age et ainsi résumée par Buridan :

« Quand une personne met un corps en mouvement elle lui communique un certain impetus, c’est-à-dire une certaine force le rendant capable de se déplacer dans la direction où la personne l’a engagé : vers le haut, le bas, sur le côté ou bien en cercle. C’est grâce à cet impetus qu’une pierre continue à se mouvoir après que le lanceur a cessé de l’accompagner. » Cette théorie est en désaccord avec la mécanique newtonienne car elle suppose que le mouvement doit avoir une cause. Le fonctionnement de certains élèves donnant des réponses « force exercée par l’agent causal même lorsqu’il n’y a plus contact » peut être rapproché de cette théorie. Nous appellerons ce type de force « force motrice ». Nous notons dans la littérature qu’il existe un débat sur ce type de rapprochement entre le développement de l’individu et l’histoire des sciences.’

Certains auteurs ont essayé de comprendre l’influence des caractéristiques du problème posé sur la mobilisation par l’élève d’un modèle ou d’un autre. Viennot (1979) indique par exemple que le fait de donner le mouvement dans l’énoncé incite les élèves (fin secondaire et début universitaire) à indiquer une force ayant les caractéristiques du mouvement. Jimenez et Perales (2001) font l’hypothèse que la représentation vectorielle de la force peut être une source d’erreur puisqu’elle peut laisser l’élève penser que la force est un attribut de l’objet et que son sens correspond à celui du mouvement.

Des recherches ont été menées sur les conceptions des élèves concernant l’aspect interactif des forces. Viennot (1989) a souligné la tendance des étudiants à ne pas distinguer, au moins dans le langage, les forces exercées par un système des forces exercées sur ce système en employant la préposition « de » : la force de l’objet. Cette confusion met en place chez les apprenants une confusion sur les systèmes d’application. La tendance chez les élèves à attribuer la force au système est un obstacle à la vision de la force comme une interaction.

« Les objets « ont » de la force […]. La loi des actions réciproques devient celle de conflits dynamiques plus ou moins équilibrés… » (Viennot, 1989, p.960)

Licht et Thijs (1990) ont mis en avant les conceptions suivantes :

Hestenes et al. (1992) présentent une liste des catégories des conceptions des élèves utilisés dans la construction d’un test d’évaluation en distinguant les catégories suivantes :

L’ensemble des travaux sur les conceptions des élèves nous permet de prévoir et de tester certaines difficultés d’élèves. C’est un véritable outil pour la construction et l’analyse des tests d’évaluation.