2.1.1. Identification des interactions

Dans le test 2, deux exercices mettaient en jeu des questions où on demandait aux élèves d’identifier les interactions sous différents registres sémiotiques : liste des interactions en langue naturelle ou diagrammes système interaction (p.101).

Nous regardons dans un premier temps les réponses écrites des élèves à l’exercice 1 (on demande aux élèves de compléter le tableau pour décrire les interactions dans le cas d’une fléchette lancée vers une cible, p.101).

Tableau 11-4. Fréquences (et pourcentages correspondants) des réponses des élèves à l’exercice 1 du test 2 (la réponse correcte attendue est indiquée en gras).
  Interaction de contact Interaction à distance Pas d'interaction
fléchette / joueur 5 (6%) 21 (23%) 65 (71%)
fléchette / cible 3 (3%) 15 (17%) 73 (80%)
cible / Terre 2 (2%) 87 (96%) 2 (2%)
fléchette / Terre 0 88 (97%) 3 (3%)
joueur / sol 90 (99%) 1 (1%) 0
joueur / Terre 4 (4%) 87 (96%) 0
fléchette / air 88 (97%) 2 (2%) 1 (1%)
fléchette / sol 0 15 (17%) 76 (83%)

On voit que dans le cas de deux systèmes en contact (joueur / sol), le taux de réussite est quasi-parfait (99%). Dans le cas de deux systèmes qui ne sont pas en contact (et dont aucun n’est la Terre), le taux de réussite varie entre 71% et 83% (fléchette / joueur, fléchette / cible et fléchette / sol). La majorité des élèves n’ayant pas réussi ces questions ont indiqué une interaction à distance. Dans le cas du couple fléchette / joueur, la raison de cette interaction peut être contenue dans l’idée de force motrice. Cependant, cela n’explique pas les réponses des élèves ayant indiqué une interaction à distance pour les deux autres couples. Une hypothèse est que les élèves considèrent qu’il y a toujours interaction et qu’ils appliquent la règle suivante : si les objets se touchent alors il y a interaction de contact, si les objets ne se touchent pas alors il y a interaction à distance. On peut pour vérifier cela faire des croisements pour voir si ce sont les mêmes élèves qui ont coché ces cases (cf. Tableau 11-5).

Tableau 11-5. Croisement des réponses des élèves pour les couples fléchette / joueur, fléchette / cible et fléchette / sol.
fléchette / sol fléchette / joueur
fléchette / cible  
interaction de contact interaction à distance pas d’interaction Total
interaction à distance
interaction de contact 0 1 1 2
interaction à distance 0 3 3 6
pas d’interaction 0 0 7 7
Total 0 4 11 15
pas d’interaction
interaction de contact 2 0 1 3
interaction à distance 0 8 7 15
pas d’interaction 2 3 54 58
Total 3 11 62 76

On voit dans ce tableau que 54 élèves donnent systématiquement la bonne réponse. Seulement trois élèves indiquent systématiquement une interaction à distance pour les trois couples. On peut donc rejeter l’hypothèse proposée ci-dessus.

Si on s’intéresse maintenant aux interactions avec le système Terre, les performances des élèves mettent en avant le fait que l’interaction des objets avec la Terre ne pose pas trop de difficultés aux élèves (taux de réussite de 96%). La confusion semble se faire parfois entre la Terre et le sol (pour les élèves qui indiquent « interaction de contact » dans le cas du joueur). Pour les élèves ayant indiqué qu’il n’y a pas d’interaction entre la fléchette et la Terre, on peut supposer qu’ils font fonctionner une règle du type « un objet dans les airs n’est pas en interaction avec la Terre » ou qu’ils confondent Terre et sol.

On peut essayer de regarder les réponses des élèves sur l’interaction à distance avec la Terre dans l’exercice 4. On voit que pour cet exercice 78 élèves sur 91 ont systématiquement indiqué l’interaction avec la Terre (sur 9 questions). Il n’y a pas d’erreurs communes à un grand nombre d’élèves (les 13 élèves restant ont fait différents types d’erreurs). On a par exemple deux élèves qui ont indiqué une interaction de contact avec la Terre pour tous les objets posés sur le sol (le joueur dans l’exercice 1, le joueur et le ballon dans la première situation de l’exercice 4, le joueur dans la deuxième situation de l’exercice 4). Même si ce résultat ne concerne pas un grand nombre d’élèves, il montre qu’on peut supposer pour ces deux élèves qu’ils vont systématiquement appliquer la règle « interaction de contact avec la Terre pour les objets en contact avec le sol » et qu’on peut alors mieux rétroagir sur leur apprentissage. Un de ces deux élèves n’a jamais indiqué l’interaction avec le sol dans l’exercice 4. Il s’agit donc probablement d’une véritable confusion entre Terre et le sol.

Nous venons donc de voir que l’analyse des réponses écrites des élèves nous permet de dire que les élèves n’ont pas trop de difficulté à identifier les interactions de contact ni les interactions à distance avec la Terre. La difficulté semble résider dans les cas où il n’y a pas d’interaction. Cette analyse nous a permis aussi de faire une hypothèse sur les difficultés qui pouvaient persister chez certains élèves dans l’identification de l’interaction à distance avec la Terre. Pour avoir plus d’information sur cette difficulté, nous pouvons utiliser les entretiens. Parmi les trois élèves interviewés (Charlotte, Roland et Aurélie), seule Charlotte a fait des erreurs de ce type.

Voici les réponses écrites de Charlotte :

Tableau 11-6. Réponse écrite de Charlotte à l’exercice 1 du test 2.
  Interaction de contact Interaction à distance Pas d'interaction
fléchette / joueur X    
fléchette / cible X    
cible / Terre   X  
fléchette / Terre     X
joueur / sol X    
joueur / Terre   X  
fléchette / air   X  
fléchette / sol     X

On voit que dans le Tableau 11-6 que Charlotte n’a pas indiqué d’interaction avec la Terre dans le cas de la fléchette. On voit dans certaines de ces interventions qu’elle utilise probablement la logique suivante : la Terre est en interaction avec la cible par l’intermédiaire (d’où « à distance ») du sol et du mur et en interaction avec le joueur par l’intermédiaire du sol. Il n’y a donc pas d’interaction entre la Terre et la fléchette puisqu’il n’y a pas d’intermédiaire. Cela revient à considérer que les objets dans les airs ne sont pas en interaction avec la Terre. On voit dans l’ensemble de l’entretien que cette élève semble connaître la règle « enseignée » qui consiste à toujours mettre une interaction à distance avec la Terre :

‘« je sais que la Terre elle était presque à chaque fois à chaque exercice» (tdp 31)’

‘Cependant, elle doute parfois et notamment dans les cas où l’objet est dans les airs. Lors de l’explicitation de sa réponse à l’exercice 2, dans le cas où on lui demande de représenter les forces qui s’exercent sur la balle en train de monter, Charlotte (qui ne regarde pas sa réponse où elle a indiqué la force exercée par la Terre) doute :’

‘« ouais la Terre en fait je sais pas si on faut la remettre »’

‘Tout au long de l’entretien, Charlotte semble se contredire sur ce qu’elle appelle interaction à distance. Dans la situation de l’interaction homme-Terre (exercice 4 situation 1) elle va indiquer une interaction à distance en justifiant ainsi :’

‘« le joueur il est sur terre »’

Au contraire dans le cas de l’interaction ballon-Terre (exercice 4 situation 2 – le ballon est dans les airs), elle a là aussi indiqué une interaction à distance et justifie ainsi :

‘« donc y a interaction à distance pour la Terre vu que le ballon il est pas directement sur la Terre »’

‘Cette élève n’est donc pas cohérente dans son raisonnement, elle semble utiliser différents modèles selon les situations. Cela peut expliquer pourquoi la recherche des cohérences dans les réponses écrites ne permet pas toujours de comprendre le fonctionnement de l’élève. Cependant, dans le cas de Charlotte, la détection d’une erreur dans le test indique bien que l’élève n’a pas compris qu’on considère toujours une interaction à distance entre la Terre et les objets à proximité de sa surface. On peut supposer que dans le cas d’une règle enseignée qui s’applique quelle que soit la situation, une erreur dans le test permet de montrer que l’élève n’applique pas la règle. On voit cependant que les réponses écrites ne sont pas toujours suffisantes pour comprendre le fonctionnement alternatif de l’élève. L’entretien est alors une source d’informations complémentaires.’