4.3.2. Passage de la compensation des forces au mouvement (sur 3)

Dans l’exercice 3, à partir du schéma de l’ensemble des forces qui s’exercent sur un système, on demande aux élèves de dire quels sont les mouvement possibles de ce système. On a considéré comme correctes pour la situation 2 les réponses où les élèves avaient coché immobile et rectiligne uniforme puisqu’il s’agit de l’application directe des lois de la mécanique. Pour les situations 1 et 3, puisque les lois ne permettent pas de savoir directement quels sont les mouvements possibles mais permettent d’éliminer les mouvements « impossibles », on a considéré comme correctes les réponses où les élèves avaient coché mouvement circulaire uniforme et/ou rectiligne non uniforme.

Tableau 11-27. Performance des élèves sur l’ensemble des trois questions mettant en jeu les lois de la mécanique pour passer des forces au mouvement : effectif correspondant au nombre de bonnes réponses (sur 3).
situations pour lesquelles la réponse de l’élève est correcte Fréquence Pourcentage
aucune 39 9,9%
S3 105 26,6%
S2 9 2,3%
S2 et S3 40 10,2%
S1 8 2,0%
S1 et S3 44 11,2%
S1 et S2 4 1,0%
S1, S2 et S3 145 36,8%
Total 394 100,0%

On voit donc que les performances sont moins bonnes pour ce passage que pour le passage du mouvement à la compensation des forces (45,9% de réussite). On peut trouver plusieurs raisons à cela. Une analyse de la séquence d’enseignement et des manuels de physique montre que, dans la majorité des exercices, on demande aux élèves de décrire le mouvement puis de dire si les forces se compensent, même si le principe d’inertie tel qu’il est présenté dans le programme permet de passer d’une information sur les forces à une information sur le mouvement (« un objet qui est soumis à des forces qui se compensent est immobile ou a un mouvement rectiligne uniforme »).

L’analyse de l’exercice 2 du test 3 nous avait déjà montré que les élèves ont tendance à passer d’abord par le mouvement pour savoir si les forces se compensent.

L’analyse des entretiens nous amène des informations complémentaires, plus spécifiques des difficultés des élèves à effectuer le passage des forces vers le mouvement.

Par exemple, Georgia (élève en difficulté) soulève un point très intéressant. Pour le premier schéma présentant uniquement une force exercée vers le bas, voici sa réponse écrite :

‘L’objet est immobile, seulement attiré par la Terre.’

‘On peut donc penser qu’elle confond Terre et sol, ou qu’elle considère un objet immobile dans les airs seulement attiré par la Terre. Voici un extrait de l’entretien :’

‘« ben fallait prendre des exemples enfin moi j’ai pris des exemples déjà pour cette question donc euh rectiligne uniforme euh donc en fait là on voit (geste sur le schéma 1) qu’il y a qu’un contact et ça peut qu’avec la Terre et rectiligne uniforme ça veut forcément dire (geste droit devant elle) que le mou- qu’il est en mouvement (geste droit devant elle) donc là il peut pas être en mouvement étant donné que c’est c’est qu’en contact avec la Terre et donc euh c’est qu’un objet en contact avec la Terre parce que par exemple si on prenait la voiture par exemple ça aurait si aussi été en contact avec l’air et le sol » « quelque chose en l’air immobile je m’en souviens plus euh euh je sais pas si y a des exemples concrets à cette situation » « tout ce qui bouge est forcément en contact avec l’air »’

L’élève commence par une règle qu’elle a fabriquée : ‘« fallait prendre des exemples »’ qu’elle va ensuite nuancer ‘« enfin moi j’ai pris des exemples »’. Lorsqu’elle imagine son exemple, les critères sont corrects et correspondent aux critères enseignés : « il y a forcément la force exercée par la Terre », « s’il y avait eu un mouvement il y aurait eu une force exercée par l’air », « l’objet est forcément dans les airs car il n’y a pas de force exercée par le sol ». L’élève s’imagine donc un objet immobile dans les airs et n’évoque jamais les lois de la mécanique. Cette erreur peut provenir de la difficulté de trouver un critère enseigné pour dire dans quel cas on tient compte de la force exercée par l’air et dans quel cas on la néglige devant les autres forces. Cependant, on voit ici que même si l’élève a répondu de manière incorrecte, elle exprime une compréhension de certaines règles enseignées. L’élève n’a pas su voir que cet exercice faisait appel aux lois de la mécanique.

Pour la même situation, l’entretien mené avec Sally (très bonne élève) montre à quel point le choix de la stratégie de réponse va avoir une influence :

‘« le mouvement il peut pas être rectiligne uniforme parce que les forces ne se compensent pas parce qu’il y a qu’une seule force et il peut l’objet il peut pas être immobile non plus parce que les forces ne se compensent pas et donc j’ai mis les deux autres euh par élimination quoi mais je savais pas trop euh en fait je savais pas trop si euh quoi si le mouvement était rectiligne non uniforme ça c- je pense que ça quoi ça peut traduire euh ce schéma là et après circulaire uniforme ça m’a posé un peu plus de problème parce que euh je sais pas RIRES je sais pas ça m’a semblé bizarre » « dans toutes les situations qu’on a étudiées y avait pas qu’une seule force en fait » « non y avait toujours la force de la terre et le sol ou quelque chose quoi » « si y avait la force de la Terre sur la Lune y avait une seule force » « j’ai mis circulaire uniforme parce que ça ça aurait pu être la Lune et ça le centre de la Terre et la Lune qui »’

‘Quand elle voit qu’il n’y a qu’une force dans le schéma des forces, Sally pense immédiatement au fait que les forces ne se compensent pas. Elle utilise les lois de la mécanique pour éliminer les deux mouvements impossibles. Elle a du mal à trouver des exemples pour les mouvements qu’elle a choisis mais sa stratégie fait qu’elle coche les deux cases qu’elle n’a pas éliminées. C’est une des rares élèves à penser à l’exemple de la Terre et la Lune pour un mouvement circulaire avec une seule force.’

‘On voit donc que le fait de repérer ce que l’enseignant attend dans le devoir peut avoir une grande influence sur la réponse de l’élève. Un élève qui réalise qu’il s’agit dans cet exercice d’utiliser les lois de la mécanique va immédiatement prendre en compte le critère « compensation » ou « non-compensation » des forces. On voit que Georgia ne pense pas immédiatement à utiliser les lois de la mécanique et qu’elle va chercher un exemple. Elle utilise alors d’autres règles du cours qui la conduisent à une réponse incorrecte. On voit que Sally cherche aussi des exemples mais qu’elle passe d’abord par la non-compensation des forces. Les exemples viennent seulement confirmer la réponse trouvée au moyen des lois.’

‘Nous avons donc ici un exemple de l’importance de la représentation du problème dans la réponse de l’élève. Il s’agit de plus d’un exercice difficile où l’élève doit mettre en œuvre un raisonnement « inhabituel ». Il semble que l’écart entre les bons élèves et les élèves en difficulté soit creusé par ce type d’exercice puisqu’une « mauvaise » représentation nécessite de trouver un exemple, ce qui est très difficile dans les situations 1 et 3. Il est particulièrement difficile de trouver une situation où il n’y a qu’une seule force.’