3.1.1. Sélection des informations dans l’énoncé et interprétation de la situation

Puisque l’énoncé ne donne pas de soi les informations nécessaires à la compréhension du problème, il nécessite une sélection des informations. Prenons l’exemple de l’exercice 2 du test 2 dont l’énoncé est le suivant :

Exercice 2

Une personne lance une balle verticalement.

1. Faites le schéma des forces qui s'exercent sur la balle quand la personne lance la balle. Indiquez sur le schéma le sens du mouvement de la balle.

2. Faites le schéma des forces qui s'exercent sur la balle quand la balle monte dans l'air. Indiquez sur le schéma le sens du mouvement de la balle.

Un lecture « experte » de l’énoncé comprendrait les éléments suivants : la première phrase n’est pas suffisante pour connaître le sens dans lequel est lancée la balle ; en effet, « verticalement » nous donne la direction mais pas le sens ; la lecture complète de l’énoncé et en particulier de la question 2 nous permet de savoir que la balle est lancée vers le haut.

On voit que chez Charlotte, la sélection des informations et l’interprétation de la situation est différente :

‘« ça m’a déjà verticalement ça donne le sens à peu près pour voir euh comment la comment on va placer le le sens de la flèche » (tdp 76) « ça sera ben verticalement donc euh (geste : segment sur la table vers elle) comme ça […] de haut en bas enfin ça dépendra de donc la personne elle va lancer la balle en bas » (Charlotte, test 2, tdp 82 et 84)’

Charlotte se contente donc de sélectionner le mot « verticalement » pour se faire une représentation de la situation. Elle imagine alors que la personne va lancer la balle vers le bas, ce qui va avoir une influence sur l’ensemble de ses réponses puisqu’elle a dès le départ une « mauvaise » interprétation de la situation.

Nous avons trouvé d’autres situations où la compréhension de certains mots figurant dans l’énoncé avaient posé des problèmes aux élèves. Par exemple, pour l’exercice 2 du test 4, Alice ne sait pas si « l’enfant debout sur le manège » est immobile :

‘« (lit) indiquer le mouvement euh l’enfant il était i- il était immobile ou pas (retourne la feuille et lit l’énoncé) non ils mettent qu’il est debout donc euh ah en fait debout ils se disaient pas si il était immobile ou pas debout ça » (tdp 184)’

On peut imaginer que de la même manière certains élèves ont pu se demander si, dans l’exercice 1 du test 4, le manteau suspendu au porte-manteau touchait le sol. Ce type d’incompréhension vient du sens attaché à certains mots. Il est toujours difficile de s’assurer que l’élève comprendra la situation qu’on lui propose sans trop lui donner d’informations. En effet, dans le cas de l’enfant sur le manège, préciser que l’enfant était immobile sur le manège reviendrait à donner la réponse à l’élève. Cependant, ce type d’incompréhension de l’énoncé ne permet pas à l’élève de montrer s’il a compris ou non les concepts enseignés. Pour des raisons de contrat, il est en effet difficile à l’élève de donner une réponse du type « si l’enfant est immobile alors… s’il est en mouvement alors… » même si certains élèves ont donné ce type de réponse pour le manteau suspendu :

« Si le manteau touche le sol alors le sol exerce une force sur le manteau, si le manteau ne touche pas le sol alors le sol n’exerce pas de force sur le manteau. »

L’énoncé contient parfois des informations non pertinentes pour la résolution. C’est un biais introduit volontairement par l’auteur de l’énoncé qui veut vérifier que l’élève ne « tombera pas dans le piège » et sélectionnera les informations pertinentes en accord avec le contenu enseigné. Prenons ici l’exemple de l’exercice 5 du test 2 :

Il s’agit d’un exercice mettant en jeu le principe des actions réciproques. Quelle que soit la situation proposée la réponse des élèves devra toujours respecter le fait que :

La situation a seulement une influence sur les caractéristiques de direction et de sens de ces flèches. Dans cet énoncé, on a donc beaucoup d’indications qui n’ont pas d’influence sur la solution. Certaines sont de simples informations de contexte : le fait qu’il s’agisse de deux garçons, les prénoms choisis. Il y a peu de risque que ces informations influencent la réponse des élèves. Il y a au contraire de réels éléments perturbateurs : la masse des personnes en jeu dans la situation peut inciter l’élève à considérer que l’élève le plus lourd exerce une force plus grande, le fait qu’un élève fasse reculer l’autre peut inciter les élèves à penser que c’est celui qui fait bouger l’autre qui exerce la force la plus grande. Ces éléments perturbateurs ont été introduits volontairement au moment de la réalisation de l’exercice et s’appuient sur les travaux sur les conceptions des élèves.

Pendant son entretien, Roland explique qu’il a cherché les indications pertinentes et qu’il a pensé que le fait qu’une des personnes fasse reculer l’autre était un élément pertinent :

‘« c’était assez facile euh oui donc j’ai mis la donc j’ai regardé le j’ai regardé les indications qu’on nous a données euh quand je quand j’ai vu que hm voilà quand j’ai vu que que Thibaut il pousse Arnaud et qu’il le fait et que et qu’il le fait reculer j’ai mis j’ai donc j’ai tout de suite mis que le que la force exercée par Thibaut sur Arnaud est plus grande que la force exercée par Arnaud sur Thibaut » (Roland, test 2)’

On voit ici que la sélection des informations pertinentes dans l’énoncé lors de la résolution d’un problème va avoir une grande influence. Les exemples que nous avons pris indiquent que cette sélection est plus ou moins liée à la compréhension des notions. Ainsi, s’il s’agit dans le cas de Charlotte d’une simple erreur lexicale indépendante de la compréhension du concept de force, il s’agit déjà dans le cas de Roland d’une manifestation que cet élève ne maîtrise pas le principe des actions réciproques.

La compréhension de la question peut parfois être contraire à ce qui est écrit dans l’énoncé. Plusieurs élèves nous ont ainsi expliqué qu’ils avaient considéré, pour l’exercice 4 du test 4, le palet au moment où le joueur tapait dedans ou, pour l’exercice 6 du test 4, le ballon au moment où l’arbitre le lançait alors qu’il était précisé dans les deux cas dans l’énoncé qu’on s’intéressait au palet « ayant été lancé » et au ballon « une fois que l’arbitre l’a lâché ».

‘« mais mais là j’ai pris pendant qu’il est en train de la lancer j’ai pas pris une fois que l’arbitre l’a lâchée » (Georgia, tdp 578)’ ‘« j’ai mis la force exercée euh par le joueur sur le palet mais en fait euh je suis pas sûre qu’elle y soit parce que enfin ça dépend quand c’est qu’on quand est-ce qu’on regarde » (tdp 110) « comme j’ai fait pour le contrôle […] c’est plutôt le moment où le joueur il frappe dans le palet parce que après euh enfin je veux dire dans dans l’énoncé là c’est plutôt euh après » (tdp 120 et 122) « et ben je crois que j’ai pas trop compris l’énoncé en fait enfin j’ai compris que c’était au moment où le joueur il frappait dedans » (Anne, tdp 136)’

‘Ce type d’erreurs peut être lié au fait que l’élève pense que si on lui parle du joueur ou de l’arbitre c’est qu’il doit tenir compte de leur action et fait alors un raccourci en imaginant que le joueur est en train de lancer le palet ou que l’arbitre est en train de lancer le ballon. Contrairement aux autres exemples où, même s’il était difficile d’en définir l’origine exacte, une mauvaise réponse de l’élève était un indicateur d’un problème de compréhension, nous sommes ici dans une situation où une mauvaise interprétation de l’énoncé empêche toute conclusion sur la compréhension de l’élève. En effet, l’objectif de cette question est de savoir si l’élève considère une force exercée à distance par la personne ayant généré le mouvement. Si l’élève pense qu’il y a encore contact alors sa réponse n’indique pas que cet élève utilise un modèle aristotélicien. Il faudrait trouver une solution à ce défaut.’

Pour le dernier exemple de difficulté de représentation de la situation, nous avons choisi le cas de Roland qui soulève un point très intéressant sur la façon de concevoir l’instant où l’on représente les forces :

‘« ça m’a posé problème parce que quand on lance la balle ou par exemple quand on frappe dans le ballon je savais pas pas si e- si le la balle était enc- encore en mouvement ou si c’était l’arrêt c’est simplement on prenait un arrêt sur image par exemple […] et ben que pff et ben que quand y a pas de mouvement on prend pas le le on prend pas la force de l’air enfin c’est ce qu’on nous a dit le le cours » (Roland, test 2, tdp 196)’

Roland se demande donc si le fait de regarder le système à un instant donné n’est pas incompatible avec le fait que le système soit en mouvement. Cette remarque rejoint la difficulté des élèves qui considèrent dans l’activité du médecine-ball (activité présente dans la partie 2 de la séquence, cf. Annexes) le point culminant de la trajectoire d’un médecine-ball lancé verticalement vers le haut comme une phase où la vitesse serait nulle et où les forces se compenseraient. On est ici dans un cas où la représentation de la situation se mêle vraiment à la compréhension de la physique en jeu dans la modélisation de la situation.