1.3.2. Autres conceptions

D’autres auteurs, comme Nelson et Winter et aussi Sahal, ont déjà abordé la question des « paradigmes ». Par exemple, dans un article de 1977, Nelson et Winter ont affirmé qu’il existait des directions privilégiées de développement des technologies qui auraient des implications en termes économiques.

Ces trajectoires se nomment trajectoires naturelles. Si elles existent, les parcourir serait une bonne stratégie. Ces trajectoires, parfois, ont un caractère générique, c’est-à-dire qu’elles sont communes à une grande variété de technologies. Cependant, dans la plupart des situations, elles sont caractéristiques d’une technologie déterminée ou d’un régime technologique, bien qu’il existe des points d’intersection ou des complémentarités avec d’autres trajectoires.

Comme exemple de ce type de trajectoire de caractère général, les auteurs citent la mécanisation au XIXe siècle qui s’est étendue jusqu’à aujourd’hui, les applications de l’électricité, notamment l’amélioration des équipements électriques qui, plus tard, se sont prolongés jusqu’à l’électronique.

Si nous observons attentivement les conceptions de Dosi, nous vérifions que celui-ci a récupéré, partiellement, les idées de Nelson et Winter. Il existe toutefois une différence fondamentale. Alors que Dosi souligne la rupture entre les phases distinctes, Nelson et Winter rendent évident l’aspect évolutif des technologies. Il y a un problème semblable dans l’analyse de Sahal. Celui-ci cherche, également, une conception alternative de technologie à celle formulée par la théorie néoclassique. L’approche de Sahal est systémique. Relativement à l’innovation technologique, Sahal affirme que le processus de perfectionnement conduit à une certaine conception de la machine dont le dessin de base continue à avoir une forte influence sur le développement postérieur de la technologie. Comme exemple, il cite le tracteur qui a évolué progressivement à partir du prototype des années 20 du XXe siècle. De cette façon, Sahal exprime, comme Nelson et Winter, une conception évolutionniste, bien qu’il part des présupposés distincts de ces deux auteurs. Rosenberg a souligné le cumul lent des petits perfectionnements (Rosenberg, 1982). Il met également en relief le peu de visibilité de nombreuses améliorations technologiques. Il rassemble les aspects ignorés en trois grands groupes : les complémentarités, l’impact cumulatif des petites améliorations et les relations interindustrielles. Il évoque l’analyse systémique d’une forme discrète. Par exemple, à propos des complémentarités, il affirme que l’élément de base d’observation n’est presque jamais une innovation singulière. Le cas le plus général consiste en une « grappe » d’innovations interliées. Ainsi, le noyau de la première Révolution Industrielle engloberait la machine à vapeur, la métallurgie et l’utilisation généralisée des combustibles minéraux. Ces innovations se seraient développées dans un ensemble de cercles concentriques. Rosenberg a conclu que pour faire face aux complémentarités, il vaudrait mieux penser à chacun de ces blocs essentiels d’innovations dans une perspective systémique. En ce qui concerne les relations interindustrielles, Rosenberg fait remarquer que beaucoup de bénéfices, en termes de productivité, sont obtenus dans des industries différentes de celle où s’est vérifiée l’innovation. L’existence de cette circonstance externe fournit un argument de plus pour l’approche systémique. En somme, la comptabilisation intégrale de l’innovation doit inclure l’examen des relations interindustrielles.

Pour Rosenberg, l’impact cumulatif des petites améliorations a un poids considérable dans l’augmentation globale de la productivité. Comme nous l’avons déjà dit, il existe, cependant, des difficultés, dans la perception de ces petites améliorations.