1.3.4. Le paradigme des TIC

Certains auteurs, comme Freeman et Soete (1987), définissent les technologies d’information comme un ensemble de nouveaux développements technologiques dans la microélectronique, dans les ordinateurs, dans l’optoélectronique et dans les systèmes de communication qui, considérés ensembles, ont des répercussions très fortes sur la totalité du système productif. Perez (1988), à son tour, ajoute aux technologies d’information les systèmes flexibles de production et le mode japonais d’organisation de production.

Toutefois Freeman et Soete (1997), préfèrent parler de technologies d’information et de communication (TIC), résultant de technologies des ordinateurs et des télécommunications. En employant des termes empruntés à l’histoire de l’économie et toujours selon Freeman, Perez et les autres, nous nous trouverions devant un nouveau cycle long ou un nouveau Kondratief, le cinquième de l’ère capitaliste (voir Tableau 1.1).

Tableau 1.1 Chronologie du changement technologique
Cycles longs ou cycles de Kondratieff		Aspects-clef d’infrastructure dominante
Période approximative	Désignation	Science, technologie, éducation et formation	Transports et communications	Systèmes d’énergie	Facteurs-clef universels et bon marché
(1) 1780s-1840s	Révolution industrielle : Production manufacturière de textiles	Système d ‘apprentissage, learning by doing, académies indépendantes, sociétés scientifiques	Canaux et routes	Énergie hydraulique	Coton
(2) 1840s-1890s	Ère de la machine à vapeur et des chemins de fer	Ingénieurs civils et mécaniciens, instituts de technologie, éducation primaire des masses.	Chemins de fer (fer), télégraphes.	Energie à vapeur	Charbon, fer.
(3) 1890s-1940s	Ere de l’électricité et de l’acier.	Laboratoires industriels de R&D, laboratoires nationaux, dans la chimie et l’électricité. Laboratoires de « standards ».	Chemin de fer (acier) téléphones.	Electricité	Acier
(4) 1940s-1990s	Ére de la production des masses («Fordisme»), de l’automobile et des matériaux synthétiques	R&D industrielle et publique de large échelle. Education supérieure des masses.	Autoroutes, radio, et TV, compagnies aériennes.	Pétrole	Pétrole, plastique.
(5) 1990s- ?	Ere de la microélectronique et des chaînes d’ordinateurs	Chaînes de données, chaînes globales de R&D, éducation et formation au long de la vie.	Autoroutes d’information, chaînes digitales.	Gaz/pétrole.	microélectronique

Source : Freeman et Soete, (1997), p. 19

D’une façon synthétique, nous pouvons dire, à la suite de Perez (1988), que les caractéristiques fondamentales de ce paradigme sont l’intensité dans l’information, la flexibilité, la nature systémique et la base technologique microélectronique.

Freeman (voir Freeman et Soete (org.), 1987 et suivants), dans une version plus détaillée, fait référence aux caractéristiques essentielles suivantes :

Un taux élevé de changement technique dans les industries des technologies d’information, ainsi qu’une vaste échelle d’applications ;
Grande flexibilité et rapidité dans le changement des modèles et de design ;
Diminution des éléments électromécaniques et des divers stades de transformation des composantes, à cause de la modification du design des produits et des processus ;
Une forte tendance à avoir un taux plus grand de changement de produit et de processus et une concurrence technologique plus intense ;
Rapidité, fiabilité et coût réduit quant à la transmission et à « l’emmagasinage » de grandes quantités d’information, pour ce qui est des ventes, inventaires et opérations financières, en général ;
Tendance pour les systèmes de production intégrés par les ordinateurs et par les systèmes de bureau électronique ;
Capacité pour améliorer la qualité des produits, processus et services ;
La capacité de lier des chaînes de fournisseurs de composantes (exemple : industrie automobile), et de matières–premières et chaînes de montage ou entreprises de services (exemple : industrie hôtelière et de restauration) ou d’ effectuer des liaisons entre les producteurs, grossistes et détaillants (exemple : industrie de vêtements) ;
Une intégration de plus en plus grande entre les activités industrielles et les services (exemple : magasins de photocopies) ;
Une croissante intégration internationale d’industries, services et marchés, qui résulte d’une transmission de plus en plus rapide d’informations et d’un développement, de plus en plus important, de fluxes de communication.

De tout cela, on retient que le paradigme des TIC contient de profonds changements dans le modèle industriel, dans la structure de qualification de la production et de l’emploi dans les divers pays.

Le Tableau 1.2 retient les aspects les plus significatifs par rapport à ceux du paradigme antérieur.

Tableau 1.2 Comparaison entre le paradigme des TIC et le paradigme antérieur
Paradigme antérieur « Fordiste »	Paradigme nouveau TIC
Intensif en énergie	Intensif en formation
Standardisé	Fait sur mesure
Produit mixte assez stable	Altérations rapides dans le produit
Usine et équipement spécialisés	« Systèmes » de Production Flexibles
Automation	« Systématisation »
Entreprise unique	Chaînes
Structures hiérarchiques de gestion	Structures horizontales de gestion
Départemental	Intégré
Produit avec service	Service avec produits
Centralisation	Intelligence distribuée
Compétences spécialisées	Multi compétences
Formation réduite au minimum	Formation continue
Relations de travail conflictuelles: des accords collectifs codifient des «amnisties» provisoires	Des pas en direction des relations professionnelles de consultation et participation
Contrôle, planification et parfois propriété gouvernementale	Information, fourniture d’infrastructures, coordination, régulation et vision gouvernementale
« Plein Emploi ».	« Société active »
(accent sur le plein emploi pour les travailleurs adultes masculins, 16-65 ans)	(horaires plus flexibles et prise en considération des travailleurs à temps partiel et des retraités)

Source : Freeman et Oldman, (1991).