2.1.5. Le modèle évolutionniste

Il n’y a que des modèles néoclassiques qui pourrait s’ajuster aux faits stylisés. D’autres auteurs, comme Nelson et Winter (1974) ont proposé un modèle évolutionniste, qui s’ajuste presque totalement aux données du travail de Solow (1957) relatives à l’économie des États-Unis, dans la période de 1909 à 1949. Nelson et Winter partent d’une approche behaviouriste de l’entreprise, c’est-à-dire que celle-ci réagit aux stimulations externes au travers d’un ensemble de règles de décision adaptées à la situation particulière en cause. Ensuite, ils examinent les processus de mutation des règles. Ils formulent l’hypothèse que la recherche est encore plus intensive si elle fait face à une grande adversité. Par surcroît, la recherche est institutionnalisée au moyen d’activités de R&D. Pour fixer la direction et la stratégie de la recherche, les entreprises font appel à divers éléments : les prix du marché, les règles de décision des autres entreprises, les changements exogènes dans la connaissance et techniques de production possibles. Enfin, ils analysent le mécanisme de sélection économique.

Le modèle évolutionniste fournit aussi des alternatives pour l’explication des régularités économiques, comme par exemple le rapport entre la croissance du salaire réel, l’intensité du capital et la productivité per capita. Ce modèle refuse des présupposés, comme celui de la maximisation des profits, de l’équilibre ou encore de l’existence d’une fonction de production. Il n’y a qu’un ensemble d’activités qui sont matériellement possibles et, à chaque instant, il existe plusieurs techniques concurrentes avec des rentabilités diverses. L’intérêt de cette approche réside dans le fait qu’à partir de présupposés moins restrictifs que ceux de la théorie néoclassique, il construit des propositions alternatives quant aux relations observées entre les variables.

Le Bas (1995) résume les principaux traits de l’approche évolutionniste de la dynamique technologique, en présentant dix faits stylisés, à savoir :

  1. L’innovation est un processus (C. Freeman ,1982) qui transmet des impulsions, en reçoit, raccorde les idées techniques nouvelles et les marchés. Selon Dosi (1988), l’innovation peut être envisagée comme une activité de résolution des problèmes.
  2. L’innovation se développe dans une organisation (la firme). Le processus d`innovation est spécifique à la firme (Pavitt, 1992).
  3. L’innovation est un processus social. Bien qu’il ne soit pas aléatoire, le processus d’innovation est incertain.
  4. L`innovation est un processus interactif complexe. Cette interactivité qui est interne à la firme est bien décrite dans le modèle de « liaisons en chaîne » de Kline et Rosenberg (1986).
  5. L’innovation est aussi le produit d’un processus antérieur. Le processus de l’innovation est systémique et dynamique. Des innovations peuvent stimuler l’apparition d`autres innovations, on a celle des complémentarités technologiques (Rosenberg, 1982). Les propriétés d’accumulation inter temporelle et de dissipation technologique (spill-overs) peuvent être construites par la notion de trajectoires technologiques.
  6. Le processus d’innovation est un processus d’apprentissage. L’innovation peut être saisie comme une création de technologie (Amendola, Gaffard 1988).
  7. Le processus d’innovation met en jeu des connaissances et des savoirs.
  8. Le processus d’innovation consomme des ressources. Les dépenses de R&D ne sont qu’une partie des dépenses d’innovation.
  9. La valeur économique du processus d’innovation dépend de plusieurs méthodes de protection ou de conservation des surprofits d’innovation.
  10. L’hétérogénéité caractérise les entreprises innovantes. Généralement, elle est une propriété typique des environnements évolutionnistes.