2.1.6.1.3. Le capital humain

L’apparition des modèles de croissance endogène à partir des années 80 tend à placer le capital humain au centre du débat sur la politique scientifique et technologique. Cette importance attribuée au capital humain comme facteur de croissance économique n’est pas nouvelle. Déjà, dans les années 60, divers auteurs, parmi lesquels Becker (1962), Schultz (1961) et Nelson et Phelps (1966), font ressortir l’importance de l’"investissement dans les personnes". Toutefois, les nouveaux modèles de croissance endogène provenant des contributions pionnières de Romer (1986) et Lucas (1988) placent la valeur du capital humain comme clef de voûte de la croissance économique. Aussi bien pour la contribution principale de Becker (1966) que pour les développements de Lucas (1988) dans le contexte de la théorie de la croissance endogène, le capital humain est un input productif, tels que le capital physique et le travail. La croissance économique résulte de l’accumulation de cet input. Les différences dans les taux de croissance entre les pays dérivent des différences du rythme dans l’accumulation du capital humain. Une autre importante contribution du capital humain pointée initialement par Nelson et Phelps (1966) et postérieurement reformulée par les nouvelles théories de croissance : c’est l’impact positif sur la capacité de l’économie à innover, lorsque l’on doit s’adapter aux fréquentes mutations technologiques. Nous constatons que l’élément le plus important du capital humain est l’éducation ; celle-ci apparaît fortement intégrée au processus de l’innovation.

En effet, une population, ayant des niveaux élevés de scolarité, tend à intégrer les innovations technologiques dans un court espace de temps. Tout cela, à son tour, tend à accélérer le processus de diffusion technologique dans l’économie et, de cette façon, à augmenter la croissance économique. Cela a une certaine réalité empirique, comme nous le montrerons plus loin (Benhabib et Spiegel 1994).

Considérant les présupposés théoriques de l'approche de Nelson et Phelps, au sujet de l'interaction entre le capital humain et la capacité d'innovation, nous pouvons en retirer quelques prévisions. Ainsi, les modèles théoriques de Schumpeter (1951) et Romer (1990) nous indiquent que la croissance de productivité est directement proportionnelle aux niveaux de scolarité. À leur tour, et en termes empiriques, Benhabib et Spiegel (1994) observent que la scolarité, aussi bien au niveau secondaire qu’au supérieur a une influence significative sur le taux de croissance de productivité.

La productivité marginale du capital humain (c'est-à-dire, les augmentations relatives de rendement/produit atteint par chaque niveau de la scolarité) est une fonction croissante du taux du progrès technologique. Le capital humain permet, par son plus grand potentiel d'apprentissage, que les pays moins développés augmentent leurs niveaux de productivité face aux pays plus avancés. Le capital humain appartient à celui qui est son détenteur, contrairement au capital technologique qui devient vite un bien public. Cela conduit à ce qu'il y ait une différence fondamentale entre les mécanismes de rémunération du capital humain et du capital technologique: alors que le premier est privé (même s'il existe des «externalités») le capital technologique est, malgré tout, public (bien que la technologie soit d'usage partiellement exclusive).