2.1.6.1.4. Le capital public

Les théories de croissance économiques mettent en évidence trois facteurs : le capital physique, le capital technologique et le capital humain. Or, ces trois facteurs ont une caractéristique commune: tous produisent des «externalités». Ainsi, le libre fonctionnement des mécanismes du marché ne garantit pas l'obtention du bon fonctionnement social. D'ici on conclut que l'intervention publique doit dépendre du type d'externalité et du type d'information dont l'État dispose. Il est ainsi légitime que la recherche fondamentale soit financée par des fonds publics. Nous constatons que ce type de recherche se caractérise par une rentabilité économique incertaine et lente. En outre, l'application/concrétisation des résultats n’est pas garantie et, comme l'a fait remarquer Arrow (1962), l'appropriation des profits économiques est difficile. En ce qui concerne la recherche appliquée, le rôle des pouvoirs publics est surtout celui de créer des conditions d'une reconnaissance de droits de propriété intellectuelle. De cette façon, la génération d'externalités serait en partie rémunérée.

Dans le domaine de l'éducation, l'existence des externalités ne peut pas justifier en soi un financement intégralement public, parce qu'une partie des profits de la formation est obtenue par les agents qui se forment. Mais, même s’il n'existe pas d’externalités, l'intervention publique se justifierait. Effectivement, l'accès des plus pauvres à toutes sortes de marché, met en question le marché idéal. Cette interrogation soutient l'intervention publique.

Les nouvelles théories de la croissance concluent à la possibilité d’une croissance régulière d'équilibre, mais le manque de coordination des agents privés empêche la « réussite qualitative ». On peut dire alors que les nouvelles théories insistent sur le rôle de la politique économique qui devrait aider à mieux coordonner les décisions des agents privés ; mais nous ne trouvons pas des outils pour fonder cette forme d'intervention. Cela peut paraître une faiblesse des nouvelles théories, associée au fait que celles-ci adhèrent mieux à la réalité. Donc, il doit y avoir une intervention publique, parce qu'il y a «externalité», mais la forme d'intervention va dépendre de l'externalité en cause. Au-delà des facteurs ou conditions externes, l'État a aussi une influence directe sur l'efficacité du secteur privé: les investissements publics concourrant aussi pour la productivité privée. Dans cette perspective, Barro (1990) conçoit un modèle de croissance économique endogène où les dépenses publiques sont le facteur déterminant. La production est faite avec les rendements constants et utilise deux facteurs: le capital privé et le capital public. On obtient trois résultats de ce modèle :

Ce modèle est passible de quelques critiques. L'une d'entre elles est que Barro ne se préoccupe pas beaucoup de ce qui fait le caractère de la dépense publique, c’est-à-dire qu’il ne cherche pas à savoir si les services introduits par les dépenses publiques ne pourraient pas être fournis ou financés par le secteur privé. L'autre critique réside dans le caractère auto soutenu de la croissance où l’on vérifie seulement les valeurs très spécifiques des paramètres: le rendement du capital global (privé et public) doit être unitaire.

Tel qu’il a été observé, le progrès technique a depuis longtemps été reconnu comme un facteur principal de la croissance. Cela est dû à diverses raisons. Les analyses empiriques, à divers niveaux, le confirment. D’une certaine façon, la croissance est un processus global et le progrès technologique est une composante très importante, de pair avec l'accumulation du capital physique et du capital humain. On peut dire que le progrès technique a une spécialité double :

En plus d'être un bien cumulatif, la technologie présente aussi diverses caractéristiques d'un bien public (Arrow 1962), parce que la qualité d'information peut être transmise à un coût très réduit par rapport au coût de production et peut être utilisé simultanément par un nombre illimité d'individus. Dans ce sens, la connaissance est "non rivale" (Cornes et Sandler 1986). La non rivalité permet la diffusion ample et à coût réduit de la connaissance. La contre partie de ceci réside dans la difficulté de rémunérer l'inventeur. Or, la connaissance n'est pas seulement non rivale, elle est aussi partiellement exclusive (un bien est exclusif quant un agent, le propriétaire, peut contrôler l'usage – Cornes et Sandler 1986). L'établissement des droits de propriété pour la connaissance est plus facile, dû à son caractère non rival. Le système de brevets est une manière d'assurer au propriétaire le « monopole » temporaire de l'exploitation de son invention. En faisant cela, le brevet introduit une distorsion dans la structure du marché l'éloignant de la concurrence idéale. Les nouvelles théories de croissance s'appuient sur des mécanismes de concurrence monopolistique, alors que le modèle néoclassique admettait une concurrence «parfaite». Chaque invention s'appuie sur les précédentes. L’innovation engendre un bien vendu sur le marché et, donc, des profits pour l'inventeur, mais aussi occasionne une augmentation du stock global des connaissances. Le rendement social de l'innovation est nécessairement alors supérieur à son rendement privé.