3.2. Systèmes d'innovation et théorie économique

Les économies néoclassiques se concentrent sur les problèmes de l'affectation dans un contexte d'équilibre général. La perspective primordiale est que les agents s’engagent à effectuer des choix rationnels et ont certaines préférences, l’une étant l’information, y compris un certain stock de connaissances techniques publiquement partagées. Cette perspective théorique basée sur le fait qu’il n'existe pratiquement pas l’incertitude, est adéquate pour une analyse d’équilibre partiel. Elle est moins appropriée pour l'analyse du développement économique.

Ainsi, quand l’objectif de l’analyse est la compréhension du développement économique, le processus d'innovation doit être en lui-même considéré. Dans cette perspective, la capacité d'apprentissage devient plus importante par rapport à l'information et à la connaissance dont les agents disposent. En effet, dans un monde en rapides mutations, un agent possédant la connaissance et l’information se verra dépassé par ses concurrents s'il n'a pas de capacité d'apprentissage, non seulement pour faire des choses nouvelles, mais aussi pour s'adapter à de nouvelles situations et obtenir de nouvelles informations.

Un présupposé de base sous-jacent au concept du SNI consiste à modifier la perspective analytique de l'innovation et la prise en considération de l'apprentissage.

Tableau 3.1 La perspective évolutionniste du SNI
  Répartition Innovation
Choix rationnel Économie néoclassique Gestion de l’innovation
Apprentissage Économie autrichienne Économie évolutionniste

Source : Éditorial 7, Research Policy, 31 (2002), p. 185-190

Nous dégageons ainsi que la perspective d'apprentissage peut être aussi appliquée à la répartition. C'est le cas par exemple de certaines contributions autrichiennes où l'entrepreneur, en liaison avec le processus de marché, obtient un profit au moyen de l’exploitation de « l'ignorance » qui sépare les fournisseurs des utilisateurs (Kierzner, 1979). On remarque également que quelques aspects du processus d'innovation ont été abordés dans une perspective néo-classique de choix rationnel, comme, par exemple, la sélection des projets de R&D. De cette façon, c'est seulement quand l'innovation et l'apprentissage se combinent dans une perspective analytique que nous nous éloignons des limites du paradigme néo-classique.

L'approche du SNI est critiquée lorsque l’on se place du point de vue de la supériorité générale des marchés purs et du maximum de flexibilité, surtout en ce qui concerne les conditions de travail, les marchés du travail, les relations industrielles et inter entreprises qui englobent l'autorité, la loyauté et la confiance, lorsqu’on sait qu’elles sont nécessaires pour rendre l'apprentissage possible.

Edquist (1997) critique les SI d’après divers aspects, comme par exemple, les concepts utilisés, lesquels sont utilisés de façon inconsistante, peu claire et confuse. On se réfère à ce propos au concept d'institution, lequel est utilisé, aussi bien au sens des acteurs organisationnels qu’au niveau des règles institutionnelles. En outre, les frontières fonctionnelles des systèmes sont définies de façon vague, ainsi que les relations entre les variables . Pour que l'approche des SI tend vers une théorie et puisse inclure plus de relations spécifiques au sujet des relations entre les variables, il serait nécessaire d’augmenter le degré de rigueur et de spécialisation entre les variables. La meilleure façon de faire ceci, selon lui, est d’avoir recours à la recherche empirique et comparative.

En outre, nous identifions d'autres faiblesses des SI. Nous savons très peu de choses au sujet des facteurs déterminants d'innovation, même s’il s’agit d’une faiblesse générale des études d'innovation et pas seulement de cette approche. C'est que cette approche sous estime d'autres sortes de processus d'apprentissage, au-delà de ceux qui conduisent à des innovations d'une façon directe et immédiate. Cette approche des SI néglige amplement l'apprentissage individuel lié à l’éducation. Nous espérons, dans ce travail, combler cette lacune.