Comme on le sait, une des principales contributions de Schumpeter pour la compréhension des processus d’innovation, est l’interprétation de l’innovation comme étant une nouvelle combinaison. Ce concept est important, parce qu’il souligne deux aspects contradictoires, mais importants, sur l’innovation: sa continuité et le changement radical.
Nous continuons avec le travail de Lundvall et al (2002). Ainsi, la version d’ Aalborg du concept de SNI peut être envisagée comme la combinaison de quatre éléments: la réintégration néo-schumpétérienne des systèmes nationaux de production, la théorie concernant l’importance du marché domestique dans le commerce international, l’approche microéconomique de l’innovation comme un processus interactif inspiré par la recherche du SPRU (Science Policy Research Unit), et, in fine, la reconnaissance du rôle des institutions dans la configuration des activités innovatrices. 11 Cette combinaison indique que le concept a été développé pour obtenir une meilleure compréhension de la connaissance économique et de la spécialisation dans le commerce des petites économies ouvertes caractérisées par le rendement élevé per capita, mais avec une petite représentation des entreprises appuyées sur les découvertes scientifiques.
L’étude DISKO a été menée à large échelle sur le Système d’Innovation Danois dans une perspective comparée. Elle a été effectuée, surtout, dans la période de 1996 – 1999. Une perspective générique de cette étude se trouve chez Lundvall (2001). On présente maintenant quelques résultats de cette étude:
Leçon nº 1 - Sur la compatibilité d’égalité et de la croissance – L’économie danoise est une des plus égalitaires du monde en termes de distribution du produit. C’est aussi une de celles qui possèdent le PNB le plus élevé per capita. Alors qu’aux USA, le succès de la croissance a été accompagné d’une plus grande inégalité, l’expérience danoise démontre qu’il n’existe pas de liaison entre une forte croissance et une croissante inégalité.
Leçon nº 2 - Au sujet de la compatibilité de la flexibilité et sécurité sur le marché de travail - Les organisations internationales, telles que l’OCDE, ont proposé une plus grande flexibilité dans les marchés de travail. À leur tour, les centrales syndicales s’opposent et soulignent la nécessité de sécurité. Les données relatives au Danemark permettent de voir que les formes de flexibilités les plus adéquates pour l’économie de l’apprentissage sont compatibles avec la sécurité pour les salariés. La mobilité élevée entre les employés n’a pas amené plus d’insécurité parmi eux, parce que la provision de sécurité sociale a été raisonnable. Au Danemark, l’introduction de la flexibilité fonctionnelle au sein des entreprises a tendance à réduire la flexibilité numérique.
Leçon nº 3 – Sur l’importance de l’innovation dans les secteurs de basse technologie – La santé relative du système danois a été construite en fonction de la spécialisation dans les secteurs de basse technologie et la plus grande partie des innovations dans ces secteurs se basent sur l’expérience au lieu d’être radicales et fondées dans la science. L’appui à l’innovation dans les domaines de basse technologie continue à être une importante priorité de la politique industrielle. Ainsi, à la lumière du discours des «nouvelles économies», on ne peut courir le risque d’oublier la rénovation de compétences dans les secteurs traditionnels, y compris le secteur des services.
Leçon nº 4 – Les personnes et leurs modèles de carrière sont importants pour la formation d’interactions – L’économie danoise est caractérisée par une forte interaction entre les entreprises. À son tour, l’interaction entre les entreprises et les universités est peu développée. Ceci reflète la composition de la force du travail dans les entreprises et l’absence de personnel académique dans beaucoup d’entreprises de petite et moyenne dimension. Ainsi, on peut conclure que la formation de réseaux et l’établissement de nouveaux systèmes de liaisons peut être mieux établi, en changeant les modèles de carrière et les systèmes de stimulation dans les entreprises et les universités.
Leçon nº 5 – Ce qui est plus important, c’est de savoir apprendre et les organisations qui apprennent – Le taux rapide de changement entame les compétences établies et requiert le perfectionnement continu de nouvelles compétences. Les entreprises qui deviennent des organisations qui apprennent, sont plus innovatrices et plus productives. Elles créent de plus en plus d’emplois stables. Les plus grandes résistances à ceci se situent à l’intérieur de l’organisation et au-delà. La promotion du changement organisationnel est en train de devenir un élément clef de la politique d’innovation. Les institutions de l’éducation et de formation nécessitent de centrer leur attention sur la façon dont apprennent les étudiants.
Leçon nº 6 – Le capital social est important pour la croissance et pour la nécessité d’un «nouvel ordre» - L’unique façon d’expliquer le fort «dégagement» économique du Danemark et des autres petites économies avec une faible spécialisation en produits de haute technologie est de considérer le capital social qui facilite l’apprentissage, la collaboration et le commerce. La plus grande menace concernant ce moyen de production et d’innovation est la croissante polarisation et exclusion de celles qui ne s’adaptent pas à l’économie de l’apprentissage. Conférer à celles-ci une forte capacité d’apprentissage et d’accès aux chaînes où l’apprentissage s’effectue, est fondamentale pour le soutien de l’économie de l’apprentissage.
Quant au troisième élément, les présupposés micro, sous-jacents au concept des SNI obtiennent leurs racines théoriques dans la théorie évolutionniste de Nelson et Winter au sujet des entreprises et des marchés. Une autre importante source d’inspiration vient des découvertes empiriques effectuées au XXe siècle, pendant les années 70 et 80, par les chercheurs liés au SPRU et par Chris Freeman. L’étude Sappho poursuite par Freeman et ses collègues dans le SPRU, au début des années 80, a donné un fort appui à l’idée que le succès dans l’innovation est associé aux rapports de long délai avec l’interaction proche avec les agents extérieurs à la firme. La présentation du modèle de «liaisons en chaîne» de Kline et Rosenberg a été également importante, dans la mesure où elle a éloigné le modèle linéaire qui avait assumé la nouvelle technologie comme résultante des efforts scientifiques ; en suivant cette voie, on a obtenu de nouveaux produits propices au commerce. Tout ceci a constitué un pas important en direction de l’idée d’un SNI, en même temps que cela a indiqué un possible fondement micro pour ce concept.
Un deuxième moment a été celui de comprendre clairement que les rapports et les interactions entre les agents doivent englober des rapports non mercantiles.
Un troisième pas a été celui de comprendre que les contextes nationaux différents offrent des possibilités distinctes pour établir des marchés organisés et un processus d’apprentissage interactif.
Le quatrième élément évoque l’importance du rôle des institutions organisées dans la détermination du taux et de la trajectoire des activités innovatrices. Cela advient du fait que l’on se centre sur le foyer de l’apprentissage interactif et sur les frontières nationales. Les institutions saisies comme modèles, habitudes et règles sont fortement enracinées dans la société et dégagent un rôle fondamental dans la détermination de la façon dont les personnes établissent des relations entre elles et comment elles apprennent à utiliser leur connaissance (Johnson, 1992).
Freeman (1995a) a posé la question de la manière suivante: est-ce l’évolution de la structure de production qui détermine l’évolution de l’arrangement institutionnel ou le contraire ? Et comment la compatibilité ou incompatibilité entre les deux affectent les modèles de croissance?
La compréhension du processus d’innovation, qui n’est pas totalement automatique, comme dans la théorie de l’innovation l’indique, est complètement délibérée comme dans les théories de gestion de R&D. Le processus d’innovation reflète l’initiative et la créativité humaine, mais il est profondément influencé par les activités de production et la charpente institutionnelle. L’institution hautement développée, la spécialisation cognitive et fonctionnelle et le changement rapide, ont posé la nécessité d’établir un système de relations, en rapport avec l’innovation, entre les parties constituantes du système. La partie clef de ce système de liaisons tend à être organisée dans une base nationale en raison des restrictions de langage et de distance dans la coordination nécessaire des décisions et dans l’importance du processus d’apprentissage interactif. Comparé aux autres concepts du SI, le concept d’Aalborg a clairement un rôle complémentaire. En plus, le concept implique que les SNI sont plus importants dans des secteurs de production où la confiance et la connaissance tacite dégagent un rôle principal dans le processus d’innovation; c’est le cas des innovations de produit effectuées par des utilisateurs professionnels et par les fournisseurs spécialisés. La comparaison avec d’autres concepts de SI montre, toutefois, une forte limitation du concept d’Aalborg des SNI. Le concept est trop ample, pour qu’il soit transféré dans les manuels d’études des SNI concrets, et n’est pas, jusqu’à aujourd’hui, inter lié dans n’importe quel discours théorique. Le caractère pragmatique et flexible du concept peut être envisagé comme un grand avantage, étant donné qu’il devient utile et a des finalités pratiques.
Nous envisageons la problématique dans le cadre de Lundvall et al (2002), et Freeman et Lundvall (1988).