5.3.2. Évidence résultante de l’économie du travail

Les chercheurs dans ce domaine étudient les relations entre l’éducation et la productivité en utilisant les données obtenues dans des enquêtes sur le rendement du travail et les caractéristiques d’un grand nombre de personnes. Les techniques utilisées pour analyser les données sont de plus en plus sophistiquées. On fournit ainsi des mesures des rendements privés de l’éducation de plus en plus précises. Il y a, cependant, beaucoup de divergences, entre les économistes de ce domaine au sujet de la façon dont on identifie le rendement social de l’éducation. Ainsi, les diplômes peuvent avoir une valeur dans le marché du travail, parce qu’ils indiquent une aptitude. En conséquence, le rendement privé des études peut être élevé, même si l’éducation n’a pas un effet certain sur la productivité.

Quand on effectue l’analyse du rendement privé, la méthode empirique habituellement utilisée consiste à expliquer la variation des rendements du travail entre les individus, en faisant une analyse de la régression dans laquelle les variables explicatives comprennent le nombre d’années d’études, l’âge ou une variable simple qui indique l’expérience professionnelle, aussi bien que d’autres caractéristiques. Les spécifications les plus courantes s’inspirent assez des travaux de Mincer, et d’autres auteurs plus anciens, au sujet des fonctions qui mettent en relation les rendements du travail et le capital humain.

Certains problèmes économétriques relatifs à ces spécifications ont été étudiés par Temple (2000) et ne feront pas ici l’objet de considérations. Toutefois, on peut affirmer que les données qui indiquent une corrélation positive entre les rendements du travail et les travaux sont fiables et incontestables; la difficulté consiste à donner une interprétation de cause à effet pour cette corrélation. Les travaux dédiés à l’éducation cherchent actuellement à analyser les causalités. Un travail ayant beaucoup d’influence, à ce sujet, fût celui de Angrist et Krueger (1991). Ces auteurs observent que, puisqu’il existe l’obligation de rester à l’école jusqu’à un certain âge, les personnes nées avant l’année civile atteignent l’âge minimum de sortie du système scolaire dans un stade plus précoce de leurs études. Ces auteurs constatent, ce qui est peut être un peu surprenant, que les estimatives des rendements des études, calculées sous la forme de variable, sont identiques aux estimatives classiques et sont assez précises.

Une autre expérience instrumentale étudiée, est celle relative aux vrais jumeaux qui ont des niveaux de scolarité différents. Considérant que ces jumeaux ont les mêmes gènes et partagent le même milieu familial, alors la différence de salaires entre eux avec un nombre d’années d’études différent pourrait fournir des informations utiles sur les effets de l’éducation dans la productivité.

Card (1999), par exemple, étudie les relations entre l’approximation géographique des établissements d’enseignement supérieur et le choix des études des personnes. Les recherches de ce type ont renforcé la thèse des effets de l’éducation sur la productivité, mais beaucoup de lacunes continuent à exister. Cela fait longtemps que l’on pense que le rendement privé de l’éducation peut être un indicateur faible du rendement social. Les études théoriques de Spencer (1973) mettent en évidence que les employés peuvent valoriser fortement le niveau des études, fondamentalement parce que celui-ci marque une attitude inadéquat et non parce qu’il a un effet sur la productivité.

Les modèles de signal notent que les personnes ont des particularités que les employeurs apprécient, mais qui ne sont pas observées adéquatement à l’occasion du recrutement (aptitude, motivation, etc.). S’il existe une corrélation systémique entre ces caractéristiques et les coûts et bénéfices de l’éducation, ceci peut conduire à un équilibre dans lequel les personnes douées de grandes aptitudes continuent leurs études plus longtemps, parce que cette décision identifie leurs aptitudes devant les employeurs.

Cet argument donne une raison plausible à l’existence d’une corrélation entre les aptitudes et les années d’étude et suggère que la production peuvent être mis en corrélation avec les années d’étude ; de même, la scolarité peut ne pas avoir un certain effet sur la productivité. Peu de doutes existent quant à la signalisation qui explique, en partie, les différences de salaires relatifs à l’éducation, mais leur importance globale continue d’être controversée. Weiss (1995) et Quiggin (1999) ont des perspectives très différentes sur la généralité théorique et la validité empirique des modèles de signal.

Le rendement des particuliers et le rendement social peuvent se distinguer d’autres façons. Dans certains pays, spécialement les plus pauvres, le secteur public est le principal employeur de personnes avec des qualifications élevées. Comme Pritchett (1996) le souligne, le présupposé qui consiste à affirmer que les salaires différentiels se reflètent en des différences de produits marginaux est difficile à soutenir dans ce contexte. Si les diplômes servent à déterminer l’accès à un nombre restreint d’emplois bien rémunérés dans le secteur public, les fonctions de rendement du travail peuvent révéler un effet d’éducation, même si son effet sur la productivité est réduit ou même nul.

Le problème général est que les estimations des fonctions de rendement du travail captent mieux les rendements privés de l’éducation, alors que les responsables publiques s’intéressent surtout aux rendements pour la collectivité. Ces deux types de rendement peuvent diverger pour un certain nombre de raisons. Les arguments évoqués plus haut impliquent que le rendement social de l’éducation est inférieur au rendement privé. Il est même difficile d’établir une limite inférieure pour les rendements sociaux.

Il existe aussi des raisons pour penser que le rendement social de l’éducation pourrait être supérieur au rendement des particuliers. Il est probable que les individus ne s’approprient pas, si non partiellement, des bénéfices pour la société, provenant de leurs études. Un autre argument important nous fait dire que les services d’éducation peuvent dégager un rôle utile en permettant une meilleure adéquation entre les travailleurs et les emplois (Arrow, 1973; Stiglitz, 1975). En d’autres mots, même si l’éducation sert seulement comme facteur de signal, nous ne devons pas conclure qu’elle est un facteur de gaspillage pour la communauté.

En somme, il y a un ensemble significatif d’observations qui soutiennent que le rendement des études pour les particuliers est très élevé. D’après les conclusions de Card (1999), il est peu probable que le rendement marginal moyen soit très inférieur aux estimations des minima des fonctions de rendement. L’idée selon laquelle ce rendement des particuliers provient d’un véritable effet sur la productivité est loin d’être universellement accepté.