5.4. Externalités du capital humain

Une importante motivation pour observer les données macro est l’éventuelle existence d’externalités du capital humain. Ce fut Lucas (1988, 1990) qui a souligné l’intérêt pour les externalités du capital humain. Un de ces arguments consiste à dire, qu’en l’absence d’externalités, il est difficile de concilier les pressions observées en faveur d’un mouvement migratoire des pays pauvres vers les pays riches avec une inexistence de flux massifs de capitaux dans l’autre direction. S’appuyant également sur les travaux de Jacobs (1969), il soutient que de telles externalités sont aussi une explication naturelle pour l’existence des villes (ou agglomérations). Dans des travaux plus récents, Acemoglu (1996) a donné une justification élaborée pour l’existence d’externalités. Sa théorie se situe dans une optique macroéconomique. Dans son modèle, les entreprises et les travailleurs investissent aussi bien dans le capital physique que dans le capital humain. La production exige une collaboration entre l’entreprise et les travailleurs, mais à partir du moment où chacun d’eux effectuent les respectifs investissements, ils n’arrivent plus à identifier leur partenaire futur. La principale hypothèse de cette méthode est que les entreprises et les travailleurs sont alors ensemble, dans la séquence d’un processus imparfait d’appariement (imparfait parce que la recherche de partenaires implique un coût). Acemoglu montre comment la structure du modèle conduit à un résultat important: une augmentation au niveau moyen du capital humain peut avoir un effet positif sur le rendement privé de ce capital, du moins dans certaines régions. Des travaux de ce type contribuent à inciter des recherches récentes sur les externalités, à partir de données d’enquêtes qui incluent les individus qui vivent dans différentes villes ou régions. L’idée est celle d’estimer les fonctions du rendement de travail, basées sur le capital humain, mais aussi une nouvelle variable: le niveau moyen de scolarité de chaque individu, dans la ville ou région. L’idée centrale est que le capital humain a des externalités significatives ; les personnes devraient gagner plus quand elles travaillent dans ces villes où le niveau de scolarité est plus grand. Bien qu’il ne considère pas les externalités à un niveau national, notamment à travers les structures et les institutions sociales, cet exercice présente un énorme intérêt.

Diverses études basées sur cette idée ont été faites pour les USA. Les premiers résultats de Rauch (1993) semblent intéressants. Considérez deux personnes identiques qui vivent dans deux villes différentes, la population de la deuxième ville ayant, en moyenne, un an de plus en scolarité. En accord avec les estimations de cet auteur, un individu vivant dans la deuxième ville peut espérer bénéficier d’une récompense de salaire de près de 3%. Un effet suffisamment ample pour justifier une étude plus approfondie. Malheureusement, comme Ciccone et al (1999) le soulignent, il y a une raison fondamentale qui empêche de considérer que l’avantage de salaire est dû seulement à des facteurs externes. Les différences dans les années moyennes de scolarité d’une ville à une autre sont probablement associées à l’offre relative de main-d’oeuvre qualifiée et non qualifiée. Ces effets d’offre relative peuvent faire apparaître une récompense au niveau du salaire, due à la durée moyenne de scolarité, même en l’absence des externalités. Des travaux empiriques appuient cette proposition.